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Au sortir de l’Euro 2012 de football, le président de la FIFA, Sepp Blatter, a jeté un pavé dans la mare en annonçant l’introduction de l’arbitrage vidéo pour le Mondial 2014 au Brésil. Une décision aux allures de victoire pour tous les chantres auto-proclamés d’un football plus juste et éliminé de toute part d’erreur. Toutefois, la technologie entre à pas de loups dans un sport jugé archaïque.

En effet, le système ne sera utilisé, dans un premier temps, que pour savoir si un ballon a entièrement franchi la ligne de but entre les poteaux. Qui ne se souvient pas de cette finale de coupe du monde 1966, où Geoff Hurst marque le but le plus controversé de l’histoire du ballon rond ? Replaçons le contexte : nous sommes dans la première période de la prolongation et le score entre l’Angleterre, pays hôte, et la République Fédérale d’Allemagne est de deux partout. A la 100e minute de jeu, Alan Ball déborde sur le côté droit puis adresse un centre à mi-hauteur pour le dénommé Hurst. Ce dernier, d’un contrôle orienté, élimine son vis-à-vis puis fusille le portier adverse, Hans Tilkowski. La frappe heurte l’intérieur de la barre, rebondit sur le sol avant d’être dégagé par la défense. S’en suit un grand moment de flottement pendant lequel l’arbitre suisse de la rencontre, Gottfried Dienst, va s’entretenir avec le juge de touche soviétique, Tofik Bakhramov. Les officiels valident le but alors que le doute plane dans les travées. Aucun ralenti n’est formel et ce goal sera fatal à la RFA qui encaissera un ultime pion pour finalement s’incliner quatre à deux.

C’est donc pour éviter ce genre de confusions et de polémiques que la Fédération Internationale of Football Association a franchi le pas. Cependant, ne risque-t-elle pas de regretter ce que beaucoup d’observateurs voient comme un retour à la raison ? Tout d’abord, le choix de la technologie n’a pas encore été défini. Deux entreprises sont à la lutte pour emporter le marché : Hawk-Eye et Fraunhofer. La première est déjà bien connue des amateurs de tennis ; le système Hawk-Eye permettant grâce à plusieurs caméras de vérifier où se trouve l’impact de la balle grâce à une reconstitution en images de synthèse. Quant à la société allemande, elle propose le système « GoalRef » qui se sert d’un ballon spécial et du champ magnétique pour déterminer si le ballon a pénétré dans les filets. Les premiers tests, qui ont eu lieu au Mondial des clubs, n’ont pour l’instant pas permis de faire la différence.

Ensuite, il faut se poser le coût de cette soi-disant révolution. Celui-ci fluctuerait entre 150 000 et 200 000 dollars par système. Un investissement raisonnable pour des grands clubs, mais plus coûteux pour de plus petites écuries. Et c’est là que les vraies questions s’imposent. Quelle est la rentabilité d’un tel projet ? Quel en est l’intérêt ? A vrai dire, ce n’est pas à toutes les rencontres que les arbitres doivent faire face à ce genre de situations litigieuses. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Le président de l’UEFA, Michel Platini, s’érige en pourfendeur de la technologie vidéo et défend bec et ongles l’idée d’un arbitrage humain.

Ainsi, le développement de l’arbitrage à cinq continue son petit bonhomme de chemin, et notamment en Coupe d’Europe, où les résultats sont plus que satisfaisants. Qui plus est, cette présence humaine aux abords de la surface de réparation présente un double avantage non négligeable par rapport aux caméras. En effet, en plus de constater la validité d’un but ou non, l’arbitre de surface a un effet persuasif sur tout ce qui se passe dans la zone de vérité.

Enfin, le football est à un tournant de son histoire. Lui qui a toujours toléré l’erreur – que ce soit d’un joueur, d’un entraîneur ou d’un arbitre – va-t-il se jeter dans le bras de la robotisation sans se débattre ? Les partisans de la vidéo croient que le recours à la technologie va corriger toutes les erreurs des arbitres. La marge d’erreur risque certes de s’amenuiser, mais on observe toujours autant de polémiques dans le rugby, où les enjeux commencent à prendre le pas sur le jeu. Au fond, n’est-il pas là l’origine de tous les maux ? Dans la démesure dans laquelle le football s’est engouffré à cause des sommes colossales brassées, ou encore dans l’intolérance croissante des acteurs du jeu envers l’autorité que représente l’arbitre.

On se dirige indéniablement vers un football à deux vitesses qu’on pourrait distinguer de football de ville et de football des champs. D’un côté, le monde professionnel avec ce qu’il comporte d’exigences et d’enjeux économiques. De l’autre, le monde amateur réuni par la plaisir et la passion un dimanche après-midi. Cette vision peut sembler caricaturale mais n’a jamais semblé aussi d’actualité. Et pourtant, les deux sphères restent étroitement liées. Le joueur professionnel est forcément issu des petits échelons et le joueur amateur contemple chaque weekend les stars à la télévision. La mise en place de la vidéo pourrait casser ce lien, car le joueur du dimanche ne pourra jamais y avoir accès. Ainsi, ce dernier sera « éternellement » frustré par les décisions du référé alors que son « collègue » pourra se faire justice en y faisant appel. Ne plus avoir l’opportunité de s’identifier à ses idoles est la première étape vers la fin du football. Si l’on ajoute à cela les différents « exemples » proposés par la génération actuelle, le football a des mauvais jours devant lui.

Arbitrage vidéo : point à la ligne ?

Manuel Neuer aurait bien aimé l'arbitrage vidéo en 2010