AvideceWopyBalab

Un vulgaire nom de baguette de campagne. Si l’AC Bellinzone évolue en D2, il reste l’un des clubs suisses au plus fort caractère. Niché dans un coin de montagne aux portes de l’Italie, près de Lugano, le club est en passe de tirer un trait sur plus d’un siècle d’une histoire pleine de rebondissements.

En ce lundi 22 avril 2013, le président du club, Gabriele Giulini, a triste mine. Pourtant, son club est classé 2ème est joue un des premiers rôles de la Challenge League, le championnat de seconde division locale. Elle a ainsi de bonnes chances de retrouver l’élite comme il y a 5 ans, quand le club a même réussi à se qualifier pour la Coupe de l’UEFA. Les avocats qui entourent le président apportent une explication. Avec 7M€ de dettes et un bilan déposé fin mars, le petit club tessinois a de fortes chances de ne même pas terminer la saison courante. Aussi, ils déposent d’innombrables recours afin de faire survivre le club le plus longtemps possible. « Il nous manque 3 millions pour terminer la saison, au moins » lâchaient-ils.

Le non-paiement des salaires et des cotisations a entrainé un retrait de points. Malheureusement, la répression financière du pays n’a rien à voir avec la souplesse hispanique. Une sorte de DNCG française en plus stricte, si cela existe.

Histoire et tradition ont été radiés – Davide Lurati

Guilini avait pourtant fait durer le suspense. Deux investisseurs (un suisse et un étranger) étaient sur les rangs pour reprendre le club. Cela restera à l’état de rumeur. Un rapprochement avec le FC Lucerne, déjà relégué à l’échelon inférieur, a aussi été envisagé. L’AC Bellinzone aurait récupéré la licence du FC Lucerne pour continuer dans la même division. Feu de paille.

L’AC Bellinzone, c’est une sorte d’antichambre du Calcio. A forte connotation italienne à cause de sa situation géographique, le club champion de suisse en 1948 avait l’habitude de se faire prêter de nombreux joueurs du pays voisin en manque de temps de jeu. Pour ces italiens fraichement débarqués, c’était l’assurance d’une place de titulaire et d’une pression pratiquement innexistante.

Au début des années 90, le club s’était même fait une spécialité de former des attaquants de grande qualité. Parmi les plus connus, nous citerons Kubilay Türkyilmaz, qui est ensuite parti performer aux Grasshoppers de Zürich, ou Amauri, qui devait à un moment former l’attaque de l’Olympique de Marseille. Avec Mario Jardel, sans doute.

Parmi les noms de l’effectif se trouve Hakan Yakin. L’attaquant et éternel espoir helvétique était revenu l’été dernier passé une retraite tranquille sur les versants de Bellinzone, avec la possibilité de réintégrer le staff technique du club à la fin des … 6 ans de contrat qu’il venait de signer (il aurait eu 41 ans). Le joueur devrait annoncer la fin de sa carrière, même si le FC Sion semblait un temps intéressé.

Davide Lurati, président du Chiasso, équipe du ventre mou de la même division, résume parfaitement la perte pour le football suisse : « histoire et tradition ont été radiés et c’est terrible pour tout le monde, pour le public, pour le peuple ».

Les joueurs de Bellizone ne sont plus payés depuis plusieurs mois. Malgré cela, et comme un symbole, ils sont allés s’imposer hier sur la pelouse du FC Wil, courageux 4ème de la division. Sur chaque but marqué, la célébration avait un goût amer.

La Fédération, consciente qu’une page est en train de se tourner pour le football local et national, envisage déjà de leur obtenir une dérogation pour terminer la saison malgré les fonds insuffisants. Pour que les 109 années du club se terminent la tête haute, avant de repartir du 5ème échelon.

Bellinzone, reflet du football suisse

Si la situation de l’AC Bellinzone est touchante, elle n’étonne en rien les connaisseurs du football suisse. Hormis le FC Bâle qui joue régulièrement les premiers rôles à l’échelle euroépenne, pratiquement tous les clubs suisses connaissent des difficultés financières qui mettent en péril leur avenir. L’année dernière, c’est Neuchatel Xamax qui avait déposé le bilan pour repartir au 5ème division. Le Servette Genève et surtout le FC Sion (7M€ de dettes comme… Bellinzone) sont en première ligne. Christian Constantin, le président du FC Sion, confirme : « Personne ne se rend compte de la difficulté. On doit se livrer à des exercices de funambulisme permanents à des altitudes toujours plus élevées. Quand l’on commence une saison le 1er juillet, on n’a le plus souvent pas un franc en poche. Or, le 30 juin suivant, on doit avoir équilibré un budget de 26 millions en moyenne en Super League. Un simple trou dans la trésorie peut vite entraîner une faillite ».

Ce constat est sans doute dû au faible attrait du championnat national et à la raréfaction des investissement publics et privés dans ce domaine, malgré un Euro 2008 réussi.