AvideceWopyBalab

Enfin un footballeur qui parle sans langue de bois. Sans grande méchanceté et avec humour, le footballeur masqué balance à tout va sur le monde du foot à travers de nombreuses anecdotes issues de sa carrière professionnelle.

Le langage cru, c’est le moins que l’on puisse dire. Parfois vulgaire, souvent drôle, l’auteur de Je suis le footballeur masqué (édition Hugo Sport) a le mérite de  » parler vrai », ce qui donne l’impression qu’il raconte directement son histoire, assez autobiographique, au lecteur. Comme une psychanalyse, il lui décrit sa difficulté à accepter la notoriété et à vivre ce statut de rock star par rapport à d’autres footballeurs qui flambent et recherchent cette ivresse. Si l’on comprend qu’il a tout de même pris du plaisir durant sa carrière et les nombreux avantages qu’elle procure, il dénonce la concurrence en terme d’argent, de filles, de voitures, de look. La palme à celui qui aura plus, toujours plus et il explique clairement que les footeux et leur entourage passent leur temps à se (la) comparer. Ce joueur critique donc ses semblables même s’il prend souvent des pincettes en indiquant qu’il aime bien untel ou untel, que c’est un bon mec… du coup, le lecteur n’a pas l’impression de lire l’avis d’un aigri qui crache son venin, mais plutôt le sentiment d’avoir affaire à quelqu’un qui parle de son univers sans concession et sans se prendre trop au sérieux.

Le footballeur masqué  livre d’innombrables anecdotes, citant parfois le nom des joueurs ou les laissant (eux aussi) dans l’anonymat. On comprend ainsi qu’il parle du passage de Vampeta au PSG qui ramenait « ses cousines » du Brésil où il avait des boîtes de nuit. Ce rapport au sexe, des femmes vénales aux prostituées, est indissociable du milieu selon lui : « Le foot aime le cul. C’est la jungle. La baise libérale. Et rien n’arrête les louves de Wall Street », il est donc (omni)présent dans le livre. Au-delà du bling bling, le footballeur masqué livre aussi de véritables réflexions sur le management, le coaching et la gestion des joueurs : « Tu prends entre 150 000 et 200 000 € par mois et tu lâches 100 euros si tu arrives en retard ? Désolé, mais ça peut pas marcher, c’est dérisoire ». Globalement le footbaleur masqué est sévère avec le manque de poigne des clubs envers leurs joueurs, stars ou starlettes (comme N’tep) et souligne la nécessité de partir à l’étranger : « Dans notre foot, on n’encadre plus personne. C’est un gros problème. Paul Pogba est parti très tôt. Heureusement pour lui (…) Dans un club bien géré, les joueurs sont à la disposition du coach. En France, ils sont le plus souvent à la disposition de leur boulard, de leur image, de leurs agents… ». Paradoxalement, un coach autoritaire comme Vahid Halilhodzic, ça ne fonctionne pas non plus et il lui reproche son manque de psychologie et d’humanité.

Le footballeur masqué regrette aussi les écarts de salaires entre certains coachs et leur joueurs, plaçant les entraîneurs en position de faiblesse. Il parle du rôle du capitaine, donne son avis sur la tactique et la frilosité de nombreux coachs, il hallucine devant le statut de certaines stars qui jouent obligatoirement, pour des raisons financières, même en étant pas en forme… Il livre des conseils pour bien négocier ces contrats en prenant son exemple à sa signature à Marseille, acceptant un salaire « bas » (90 000 €) mais en obtenant une prime de match :« J’étais à près de 15000 € le match. Les mecs ont dû croire que je n’allais pas beaucoup jouer ». Et même sur le plan sportif, tout est affaire de gestion : ne pas en faire trop en début de saison ou à l’entraînement alors qu’il suffit de répondre présent lors des rendez-vous décisifs… Plus gênant, il raconte que des joueurs s’arrangent avec leur coach pour jouer quelques minutes afin d’obtenir des primes, moyennant un re-versement à leur entraîneur.

Quelques exemples de commentaires sur des joueurs et entraîneurs

Ludovic Giuly : « C’est un mec qui tente tout (…). A la moindre occasion, il envoie un texto, dix, cent, mille (…) Ce qui lui est arrivé avec Estelle Denis, c’est énorme. Ses SMS l’ont quand même conduit à être tricard en équipe de France ».

Jérôme Rothen : « Il avait un besoin fou d’être aimé. Avec certains mecs dans le vestiaire on se disait qu’on aurait aimé qu’il court sur le terrain autant que quand il allait saluer le public à la fin ». Même recherche de reconnaissance pour Valbuena selon le footballeur masqué.

Luis Fernandez : « Il a du mal avec la  gestion des hommes. Son management nous gonflait. Il était trop proche des Espagnols… (…) A mes yeux, il était limité. Surtout que j’ai vite eu d’autres entraîneurs. J’ai pu comparer ».

Raymond Domenech : « Il m’avait plu parce qu’il faisait vraiment raisonner les joueurs (…) Après, volontairement ou involontairement, il a changé. C’est devenu une star (…). Il voulait épater et en mettre plein la vue à sa nana. (…) Quand tu es en équipe de France, tu dois t’imposer…  J’avais le sentiment que Domenech se disait « Tous les joueurs sont bêtes » et ça le bloquait dans le rapport qu’il avait avec ses joueurs. D’autant qu’il n’était pas aidé par ses cadres ».

Hervé Renard : « Il en peut plus avec son brushing et ses chemises ajustées. On voit qu’il se plaît et que ça fait partie de son projet de jeu ». Même sentence pour Jean-Luc Vasseur, entraîneur de Reims.

Jean Fernandez : « C’est un entraîneur totalement défensif. Ok, tu n’as pas les joueurs du Barça, mais tu peux quand même apprendre à tes joueurs à jouer au ballon, à ressortir au moins un putain de ballon proprement ».

Jean-Michel Aulas : « Je le surkiffe. Il est au-delà de chiant, mais la façon dont il gère son club, en France, il n’y a rien de mieux ».

Yoann Gourcuff : « Gourcuff a un talent fou. Beau, sexy, sorte de Beckham made in France (…) mais le gars n’est pas prêt à ça. Il n’en veut pas (…). Yo, lui, ça l’a brisé tout ce cirque. On en vient à se moquer de lui quand il se blesse en promenant son clebs. L’OL a trop misé sur lui sans prendre en compte l’aspect psychologique ».

Hatem Ben Arfa : « Ben Arfa sort d’une visite médicale (…). Robert Duverne, le préparateur physique, lui demande comment ça s’est passé, ce que lui a dit le médecin. Ben Arfa répond : « Il est chelou le doc. Il m’a dit que je manquais de fer. De fer, de fer… mais il n’a pas dit de faire quoi? ». Ben Arfa est simplet. Il a des excuses. Objet de ceux qui en ont fait un enfant star ».

Marco Simone : « Il m’a dit cette phrase magnifique : « L’équipe te rend toujours ce que tu lui donnes ». C’était Fabio Capello qui lui avait dit ça. Cela a été mon leitmotiv. Tu dois toujours être au service de l’équipe. (…) Simone venait du grand Milan et je buvais toutes ses paroles ».

Ronaldinho : « L’Urugayen et l’Argentin, eux, ont toujours faim. C’est une forme de grinta. Le joueur brésilien, lui, dès qu’il atteint ses objectifs, il arrête. des Ballons d’Or, des titres, il aurait pu en avoir bien plus. Mais il aimait trop faire la fête ».

France 98 : le footballeur masqué a rejoint le groupe France après la Coupe du Monde, voici ce qu’il en a pensé : « J’ai compris que le groupe était une utopie. En tant que Black, je regardais s’il y avait des mélanges (…). Il n’y avait pas beaucoup de brassage. C’étaient les meilleurs, mais ce n’étaients pas foncièrement de très bons potes. C’était une entreprise. Cela a aussi un peu tué quelque chose en moi ». Un exemple ? La brouille Blanc-Lebœuf car ce dernier s’est déclaré heureux de joueur la finale suite à la suspension du premier.

Qui est le footballeur masqué ? Saura-t-on un jour vraiment ? S’il se dévoile peut-être mais sinon impossible car l’éditeur annonce en intro avoir brouillé les pistes… Voici tout de même les indices (ou fausses pistes) du livre : Martiniquais qui a joué au PSG (années 2000) et à Marseille (avec Diawara, Valbuena, Deschamps…), qui serait passé par Londres (Chelsea). On peut penser à Edouard Cissé mais il paraît que le footballeur masqué n’a pas joué à Monaco (contrairement à Cissé qui est d’ailleurs passé dans un autre club londonien : West Ham). En tout cas, l’intéressé a démenti… Le fait de ne pas avoir joué à Monaco serait-il une fausse piste, tout comme l’enfance en province, précisément dans le Nord (Cissé est né à Pau) ? Idem pour la ferveur populaire vécue en Russie, ne serait-ce pas plutôt la chaleur des supporteurs en Turquie (Cissé a joué à Besiktas). Mais, des extraits viennent tuer cette rumeur dans l’œuf : la vie en Equipe de France, ce qu’Edouard Cissé n’a jamais connu. Et si le footballeur masqué était en fait plusieurs footballeurs ?
En tout cas, il a un compte twitter : @JesuisleFM