AvideceWopyBalab

Le 27 janvier dernier, Le Monde a publié une interview de , président actuel de l'UEFA, qui s'est distingué durant tout son premier mandat pour avoir eu le courage de renommer la coupe UEFA en Ligue Europa. Alors que les chiffres alarmistes de la situation financière des clubs européens viennent d'être publiés, le despote se confie. PKFoot a tenu à rétablir des vérités sur cet exercice de communication mal mené.

Nous avons décidé de reprendre l'interview en sélectionnant quelques passages savoureux et en y ajoutant nos commentaires, en italique. Au menu : crise, décharge, salaires, droits télé et Qatar. Que le spectacle commence.

L'interview a été publiée par Le Monde.

Les pertes du foot européen sont passées de 216 millions à 1,64 milliard d'euros en cinq ans. Quels types de sanction pourrez-vous prendre ?

Michel Platini – Nous serons l'agence de notation des clubs. Les sanctions seront échelonnées. Le but est d'aider les clubs, pas de les enfoncer. Cela pourra aller de l'interdiction de transferts à l'exclusion de la Ligue des champions.

Vous seriez prêt à écarter le FC Barcelone de la Ligue des champions…

MP – Je ne vais pas citer de nom de club, sinon ça va faire la « une » des journaux espagnols. Le patron du Barça veut que l'UEFA paie les joueurs pendant l'Euro. Ce n'est pas très fair-play… C'est hors de question. On ne paiera pas ceux qui joueront en équipe nationale pendant l'Euro. En revanche, il est normal que les clubs qui mettent leurs joueurs à disposition pour la compétition touchent un intéressement sur les profits réalisés par l'Euro.

PKFoot – Empêcher le FC Barcelone de recruter n'est à notre avis pas un exemple pris au hasard par le journaliste. On sait très bien que la Masia est un vivier d'où proviennent la plupart des joueurs catalans. Ainsi, les empêcher de recruter ne serait pas un handicap à court terme pour eux.

Là où Platini fait une grossière erreur, c'est concernant l'intéressement des clubs sur les profits de l'Euro. Pour faire simple, plus un joueur reste longtemps dans une compétition, plus son club va toucher de l'argent. Statistiquement, seuls les gros pays vont loin dans les compétitions internationales. Les joueurs de ces gros pays (Hollande, Angleterre, Allemagne, Brésil, …) jouent souvent dans des gros clubs européens. Cela revient donc à donner encore plus d'argent aux clubs les plus riches.

Platini, qui ne voulait pas payer le salaire des joueurs appelés en équipe nationale et en faisait son slogan de campagne, se tire une balle dans le pied.

Ne serait-il pas plus simple de fixer un plafond aux salaires des joueurs ?

MP – Les lois européennes ne permettent pas d'appliquer un salary cap. Et quel salaire faudrait-il retenir ? Je ne peux pas demander que Messi ait le même salaire qu'un joueur de Nancy ! Le fair-play financier aura le même résultat. Les clubs devront modérer les salaires pour limiter leurs pertes. On pourra demander à un club de contenir sa masse salariale à hauteur de 60 % de son budget.

PKFoot – Ce ne sont pas les lois qui empêchent l'UEFA de mettre en place un salary cap en Europe. La seule excuse serait la complexité de cette mesure internationale (monnaies et taxes qui changent entre les pays). Des mesures existent déjà depuis 2006 (limiter le salaire des top players à 70% de la masse salariale totale, …) mais le lobby freine des quatre fers pour des mesures plus strictes.

N'êtes-vous pas choqué par les niveaux de salaire de certains footballeurs ?

MP – Ça ne me choquerait pas s'il y avait de l'argent. Mais avec 1,6 milliard de pertes, c'est choquant.

PKFoot – Nous aimons rappeler que le salaire de Michel Platini a augmenté de 3400% entre 1980 et 1985. Certes, les 4 millions de francs de l'époque ne sont comparés aux 12M€ d'Eto'o en Russie, mais nous apprécions voir un ancien joueur contester un système auquel il a lui-même participé. Les premiers signes de dérives étaient visibles dès 80.

Qatar Investments (QSI), propriétaire du PSG, doit se plier au fair-play financier. Mais QSI est aussi une source importante de revenus pour l'UEFA en tant que diffuseur de la Ligue des champions. N'y a-t-il pas un risque de conflit d'intérêts ?

MP – Il faut poser la question à la Ligue et à son président Frédéric Thiriez. Il y a eu un appel d'offres, ils l'ont gagné. Où est le problème ? Ce n'est pas parce que les Qataris mettent de l'argent pour acheter la Ligue des champions que l'on va être plus tolérant avec le PSG. Les Qataris ne nous achètent pas comme ça.

PKFoot – Rappelons-nous que a aboli le principe de « conflits d'intérêt » lors de l'attribution de la distribution des billets du Mondial à une entreprise de son entourage.

Quand QSI s'achète un club et des joueurs à coups de centaines de millions d'euros, ne contribue-t-il pas à aggraver la situation que vous dénoncez ?

MP – Quand Canal+ ou, avant, Lagardère, sont arrivés dans le foot, ils ont fait flamber les salaires. Quand des clubs veulent s'acheter leur jouet, je ne peux pas les en empêcher. Ce n'est pas moi qui fais les lois nationales. Depuis dix ans qu'Abramovitch est arrivé à Chelsea, je dis qu'il faut des règles pour empêcher qu'un club soit détenu par des investisseurs étrangers. Lorsque les Qataris sont arrivés au PSG, j'ai répété que je n'étais pas fan. En Allemagne, les fonds doivent provenir à 50 % d'investisseurs allemands. Le club est un patrimoine. Quand tu as un investisseur qatari, un directeur sportif brésilien, un entraîneur italien et des joueurs qui ne sont pas français, il y a quelque chose qui me choque. Mais peut-être que c'est le football de demain et que les supporteurs du PSG l'accepteront… jusqu'au jour où l'équipe ne gagnera plus.

PKFoot – Il est particulièrement ridicule d'oser parler de Lagardère et Canal+ alors que Platini n'a jamais empêché le retour aux affaires de Florentino Perez au Real Madrid ou l'arrivée des qataris qui ont bouleversé la donne des transferts. Il ne nous semble pas que le salaire de JayJay Okocha ait révolutionné les salaires sur la scène européenne.

Votre fils, Laurent, vient de rejoindre QSI. Vous n'avez pas essayé de l'en dissuader, pour éviter de prêter le flanc aux critiques ?

MP – Je ne peux pas empêcher les gens de penser ce qu'ils veulent. Mon fils fait sa vie, il va où il veut. Ce pour quoi il a été débauché n'a rien à voir avec le PSG et son volet financier.

PKFoot – Platini / UEFA / QSI / PSG… Suivez mon regard…

La Pologne et l'Ukraine sont-elles prêtes pour accueillir l'Euro 2012 dans moins de cinq mois ?

MP – C'est prêt dans une philosophie ukrainienne et polonaise. Ce n'est pas l'Allemagne. On est dans la même situation que pour l'Afrique du Sud, le Brésil ou tous les pays émergents qui n'ont jamais organisé de grande compétition. Ils ne savent pas trop comment cela va se passer, et nous les aidons pour que cela se passe bien. Le premier match, ce sera difficile, le deuxième un peu moins, et la finale sera parfaite. Les stades sont magnifiques. Maintenant, s'il n'y a pas assez d'hôtels 5-étoiles pour les journalistes, ils devront se contenter de 4-étoiles. La plus belle femme ne peut donner que ce qu'elle a, et, franchement, ils ont donné beaucoup. En tout cas, je suis sûr que ce sera un Euro festif.

PKFoot – Platini repart sur ses vieux clichés post-2ème Guerre Mondiale (l'ordre allemand). Qu'est-ce que la philosophie ukrainienne et polonaise ? Passer d'un Euro « fantastique » à un Euro « festif » – traduisez par « au rabais » – il n'y a qu'un pas.

Sur le plan sportif, l'Espagne reste favorite ?

MP – L'Allemagne est forte. Ils ont fait des éliminatoires sans fausses notes.

PKFoot – On sent bien que l'Allemagne est un véritable traumatisme dans la vie de Michel Platini :)

Les Bleus sont dans un groupe relativement facile ?

MP – Facile ? La Suède ne nous a jamais vraiment réussi. L'Angleterre, c'est l'Angleterre. Et l'Ukraine, c'est le pays organisateur.

PKFoot – Et la Serbie, c'est la Serbie. L'Alsace, le pays de la choucroute. La Corse, une île et la Grèce de 2004, une erreur. Un pragmatisme à toute épreuve le Platini.

Le président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, a-t-il raison d'attendre l'Euro pour décider de la reconduction de à la tête des Bleus ?

MP – Je ne sais pas. On a déjà expérimenté toutes les configurations : avant, après, pendant. Et chaque fois les choix du président sont critiqués.

PKFoot – « Je ne sais pas » : Michel Platini botte en touche x1

Voyez-vous une différence avec l'ère Domenech ?

MP – Difficile à dire. Domenech, il est arrivé en finale de la Coupe du monde, et, pour l'instant, Laurent Blanc n'est pas allé à la Coupe du Monde.

PKFoot – « Difficile à dire » : Michel Platini botte en touche x2. C'est officiel, le rugby entre dans la vie des Platini.

Laurent Blanc fait-il du bon boulot ?

MP – Laurent a qualifié l'équipe pour l'Euro. Mais je ne les ai pas trop vus jouer. J'ai été invité par l'Allemagne pour le match amical de février. Peut-être parce qu'ils veulent leur mettre une taule devant moi ! Laurent essaiera toujours de faire du bon boulot. Maintenant, il faut que les joueurs adhèrent ; qu'on ait un bon Benzema et des bons attaquants pour marquer des buts, et des bons défenseurs et un bon gardien pour ne pas en prendre.

PKFoot – « Il faut qu'on ait un bon Benzema et des bons attaquants pour marquer des buts, et des bons défenseurs et un bon gardien pour ne pas en prendre. » – Il faut une bonne équipe donc.

Joseph Blatter a dit récemment que vous feriez un bon président de la FIFA. A 56 ans, vous le pensez aussi ?

MP – Je ne sais pas. L'élection, c'est dans trois ans. Sepp Blatter va finir son mandat. Le plus important, c'est que je l'aide à sortir par la grande porte et que le foot mondial aille mieux.

PKFoot – Après 3 pages d'interview où nous avons pris peur avec les chiffres de crise, les droits télés donnés aux chaines payantes et l'Euro 2012 qui a une chance sur deux de ne pas avoir lieu, on aime terminer par une note positive. Clap de fin, rembobinez.

Les affaires de corruption minent son règne…

MP – Ces affaires ne le touchent pas, il n'est pas corrompu. Il a peut-être une façon de gouverner qui date des années passées. C'est une question de réorganisation. Sepp essaie de changer le système, de changer les hommes, mais c'est compliqué. Je lui donne le crédit de vouloir le faire, et j'essaierai de l'aider car il est blessé.

PKFoot – On vous conseille l'excellent documentaire FIFA, du foot et du fric qui explique comment Sepp Blatter fait travailler son réseau interne et sa famille.