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Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’au début des années 90, le monde devient bipolaire, partagé entre le bloc de l’Ouest, sous le leadership des États-Unis, et le bloc de l’Est, dominé par l’URSS. Les deux blocs se livrent un affrontement global, politique, idéologique, militaire et économique en Europe et dans le monde : la guerre froide. Le football n’a pas échappé à cet affrontement : terrain d’affrontement de puissances rivales, enjeu politique important, défenseur de l’idéologie revendiquée, le football, pendant la seconde moitié du XXe siècle, s’est mis à l’heure de la guerre froide.

Quand le football prouve la supériorité du marxisme-léninisme

Force est de constater que dans la plupart des pays du bloc de l’Est, le sport a été un élément essentiel de la politique nationale mis au service de l’idéologie défendue dans le cadre de l’affrontement entre Est et Ouest. Le football n’a pas échappé à ce cas de figure. Certains régimes et certains gouvernements communistes ont ainsi appuyé les équipes nationales de football dès les débuts de la guerre froide, leur permettant de connaître un âge d’or censé démontrer la supériorité de l’idéologie défendue. L’équipe d’URSS de football constitue une illustration certaine. A rebours de leur approche marxiste considérant les compétitions internationales comme des rencontres bourgeoises d’Etats capitalistes et impérialistes, les Soviétiques vont présenter leur équipe de football lors des grandes compétitions internationales à partir du début des années 50. L’équipe d’URSS va dès lors tutoyer les sommets, et ce jusqu’à la Détente des années 70.

Aux Jeux Olympiques de Stockholm en 1956, l’URSS remporte la médaille d’or en battant la Yougoslavie en finale (1-0). Quatre ans plus tard, l’URSS frappe un grand coup sur la scène européenne en remportant la toute première édition du Championnat d’Europe des Nations de football en 1960, en battant la Yougoslavie en finale (2-1 a.p.). Les joueurs majeurs de cette glorieuse équipe d’URSS, qui aujourd’hui encore inspire une certaine fascination, ne sont plus de simples joueurs de la sélection nationale, mais de véritables symboles du prestige que cherche à faire miroiter le régime soviétique, symboles incarnés par des joueurs tels que le portier Lev Yachine, le seul gardien de but à avoir reçu le Ballon d’or à ce jour (en 1963), le milieu de terrain et capitaine Igor Netto, le meneur de jeu Slava Metreveli, ou encore les attaquants Viktor Ponedelnik et Valentin Ivanov.

Le football à l'heure de la guerre froide

L’Euro 1960 est le seul trophée remporté par l’URSS, mais la sélection soviétique affiche de bons résultats lors de toutes les compétitions internationales entre les années 50 et les années 70 : quarts de finale de la Coupe du Monde en 1962 et en 1970, demi-finale de la Coupe du Monde en 1966, finale de l’Euro en 1974 et 1972. Cette permanence de l’ « Armée Rouge » au plus haut du football, qui ne se reproduira plus, a revêtu une forte connotation idéologique censée démontrer la supériorité du marxisme-léninisme. Mais cela a parfois pu se retourner contre l’URSS, particulièrement lors des affrontements lourdement politiques et symboliques contre la République Fédérale d’Allemagne, contre laquelle l’URSS s’incline en demi-finale de la Coupe du Monde en 1966 (2-1), puis en finale de l’Euro en 1972 (3-0), une défaite qui marque la fin de l’âge d’or du football soviétique.

Certains Etats satellites de l’URSS ont également poursuivi cette politique consistant à mettre de football national au service de l’idéologie communiste. La Hongrie, par exemple, a suivi la même trajectoire. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le régime communiste, officiellement proclamé en 1949, s’appuie largement sur le football pour reconstruire un pays portant encore très largement des cicatrices des deux occupations successives de la Wehrmacht allemande, puis de l’Armée Rouge soviétique. Mais très vite, cette politique de reconstruction nationale cède la place à une politique de promotion idéologique du régime communiste, laquelle permet à la Hongrie de disposer de footballeurs de classe mondiale. Entre 1949 et 1956, la sélection hongroise, entraînée par Gusztáv Sebes, composée de footballeurs exceptionnels, connaît un âge d’or incroyable, grâce à une génération de joueurs extrêmement talentueux, tels que Ferenc Puskás, Zoltán Czibor, Sándor Kocsis, Nándor Hidegkuti, József Bozsik.

Le football à l'heure de la guerre froide

Cette équipe, surnommée l’Aranycsapat, « l’équipe en or », qui reste à ce jour l’une des meilleurs équipes de l’histoire du football, impressionne le monde dans les années 50, et devient une vitrine du stalinisme.

Le succès de cette équipe résulta aussi d’un subtil mélange de discipline et de créativité, très typique d’une société stalinienne totalitaire.
Miklós Hadas, professeur à l’Université de Budapest

La légende de cette équipe se fonde sur des performances retentissantes. En 1952, la Hongrie remporte la médaille d’or en football aux Jeux Olympiques de Helsinki, au terme d’un parcours impressionnant, qui voit les Magyars éliminer la Roumanie (2-1), l’Italie (3-0), la Turquie (7-1), la Suède (6-0) et enfin, en finale, la Yougoslavie (2-0). Exploits retentissants et performances de haut niveau jalonnent le parcours de cette équipe durant les années 50, qui devient le symbole du prestige et de la puissance du communisme.

Sous le communisme, le football a produit l’équipe en or des années 50, connue dans le monde entier. Je pense que sans l’influence communiste, nous n’aurions pas une histoire footballistique aussi riche et glorieuse.
Gaby Kovács, responsable du site internet de référence Hungarianfootball.com

Un rideau de fer s’est abattu sur l’Europe… du football

Le football n’a pas échappé à la division de l’Europe, de part et d’autre du « rideau de fer » dénoncé par Winston Churchill dès 1945. Cette stricte partition de l’Europe est par exemple apparue manifeste lors de l’Euro 1960. En quarts de finale, la Roja espagnole doit affronter l’Armée Rouge soviétique, un affrontement alléchant confrontant l’attaque de feu espagnole à la défense de fer soviétique. Bien avant le début de la compétition, l’Espagne d’Alfredo di Stefano avait annoncé son souhait d’aller au moins jusqu’en finale, alors que l’URSS de Lev Yachine, championne olympique en titre, entend poursuivre son ascension vers les sommets du football mondial. Mais ce quart de finale, que toute la planète du football attendait avec impatience, n’a jamais eu lieu. Le général Francisco Franco, à la tête de l’Espagne depuis 1939, décide que la sélection espagnole doit boycotter cette double confrontation contre l’URSS. Le Caudillo n’a jamais pardonné à l’URSS d’avoir soutenu les Républicains espagnols durant la guerre civile espagnole (1836-1839).

En outre, la rivalité, voire la séparation idéologique entre le fascisme et le communisme rend inacceptable, pour Franco, l’idée que les Espagnols puissent se rendre en URSS et que les Soviétiques puissent venir en Espagne. Idéologiquement, le communisme est l’ennemi du fascisme ;  aussi, dans ce nouvel ordre mondial où un rideau de fer s’est abattu sur l’Europe, Franco considère l’URSS comme un ennemi intime. Le tout premier Championnat d’Europe des Nations organisé par l’UEFA n’a donc pas échappé au climat géopolitique tendu de l’époque, climat qui a privé les passionnés de football d’une affiche extraordinaire, et une génération talentueuse de joueurs espagnols de l’occasion d’entrer dans l’histoire. Au lendemain de ce boycott, l’AFP ne s’y trompe pas en titrant : « Le football est victime de la guerre froide ».

Symbole paroxystique de la partition de l’Europe pendant la guerre froide, l’Allemagne a vu son football être impacté de manière extrêmement directe par le rideau de fer. En 1949, l’Allemagne est divisée en deux : à l’Est, la République Démocratique Allemande (RDA), sous contrôle soviétique, et à l’Ouest, la République Fédérale Allemande (RFA), sous influence américaine. Dès lors, le football allemand se divise en deux championnats distincts : la DDR-Oberliga à l’Est, et la Bundesliga à l’Ouest, deux championnats qui vont évoluer en se tournant le dos pendant quatre décennies. A l’Est, le football a fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des dirigeants politiques est-allemands, qui ont décidé de calquer le déroulement des championnats de football sur le modèle soviétique.

Dans une moindre mesure, on a pu retrouver le principe de promotion de l’idéologie communiste au travers du sport, où certains clubs ont littéralement été les étendards du communisme à la soviétique, des clubs façonnés à la mode communiste, faisant preuve de rigueur, de discipline, et d’un grand sens du sacrifice. Sur le plan national, le Dynamo Berlin, protégé par la Stasi et financé directement par le Parti communiste, a été le club le plus titré de cette époque, alignant notamment 10 titres consécutifs de champion entre 1979 et 1988, un succès qui a été utilisé comme une vitrine des valeurs communistes par les dirigeants du club. Certains clubs est-allemands ont également fait briller les valeurs communistes sur la scène européenne, et notamment lors de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupes, que le FC Magdebourg remporte en 1974 en battant le Milan AC 2-0. D’autres clubs est-allemands sont allés jusqu’en finale de la C2, tels que le FC Carl Zeiss Iéna (en 1981) ou le Lokomotiv Leipzig (en 1987).

Le rideau de fer, qui a séparé les clubs allemands, à également séparé les sélections nationales de RFA et de RDA. Sans s’être livré à de spectaculaires passes d’armes tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, les deux sélections ont entretenu une rivalité latente et hautement symbolique. Lors de la Coupe du Monde de 1974, qui se déroule en RFA, le dernier match du groupe 1 voit la RFA affronter la RDA au Volksparkstadion de Hambourg, dans un match revêtant une forte connotation politique. C’est la première et la dernière fois que ces deux équipes se rencontreront sur un terrain de football, dans un match où la RFA, championne d’Europe en titre, est donnée favorite. Mais malgré une domination de la RFA, les deux équipes de rendent coup pour coup au niveau des occasions sans toutefois réussir à trouver le chemin des filets, jusqu’à ce qu’à la 77e minute, l’attaquant de la RDA, Jürgen Sparwasser, bien servi par Reinhard Lauck, ne prenne Berti Vogts et Franz Beckenbauer de vitesse, avant d’ajuster le portier de la RFA Sepp Maier d’un joli tir dans la lucarne. La RDA s’impose 1-0 dans un duel fratricide, termine à la première place du groupe devant la RFA, et lance un message fort au monde du football tout en faisant la démonstration de l’efficacité des valeurs défendues par le bloc de l’Est face au bloc de l’Ouest. Et le journal britannique The Observer de titrer, au lendemain du match : « victoire politique de la RDA ».

La conquête de l’Ouest

Malgré la partition de l’Europe, beaucoup de joueurs ont entrepris de franchir le rideau de fer, la plupart du temps d’Est en Ouest. Certains joueurs de football de l’Est ont ainsi tenté de poursuivre leur carrière footballistique à l’Ouest, passant d’un bloc à un autre, d’un univers à un autre ; un challenge séduisant, mais périlleux. Le milieu offensif Kasimierz Deyna, élu meilleur footballeur de l’histoire de la Pologne en 1994, a pu constater à quel point le passage de l’Est à l’Ouest peut s’avérer délicat. A l’Est, Kasimierz Deyna marque considérablement l’histoire du Legia Varsovie, avec qui il remporte le championnat de Pologne en 1969 et en 1970, alors que le dernier titre de champion du club de la capitale remontait à 1956 ; la coupe de Pologne en 1973. Il joue un rôle important dans les deux belles campagnes européennes du Legia Varsovie en Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1970 et en 1971, où le club polonais atteint les demi-finales, puis les quarts de finale. Cette époque marque un véritable âge d’or pour le Legia Varsovie, et Kasimierz Deyna devient le symbole de cette équipe insolente de réussite. Deyna est très vite appelé en sélection polonaise, avec laquelle il gagne avec la médaille d’or aux Jeux olympiques de 1972 à Munich (et finit meilleur buteur du tournoi olympique), puis finit 3e lors de la Coupe du Monde de 1974, à l’issue d’une victoire lors de la petite finale face au Brésil.

Le football à l'heure de la guerre froide

Doté d’une extraordinaire qualité de passes, d’une vision du jeu bien supérieure à la moyenne, d’un grand sens tactique, capable de marquer dans presque toutes les positions (notamment des corners directs), Kasimierz Deyna devient une véritable star en Pologne, mais également au sein de l’ensemble du bloc communiste. Adulé à l’Est, il réalise une carrière brillante, et se fait peu à peu connaître à l’Ouest, où il décide, à l’âge de 30 ans, d’aller poursuivre sa carrière. En 1978, il quitte le Legia Varsovie et signe à Manchester City, où il ne connaît pas la même réussite. Deyna a du mal à s’adapter au football anglais, et accumule les blessures. Il quitte le club deux ans et demi plus tard, après avoir joué seulement 38 matches toutes compétitions confondues. Deyna s’envole ensuite chez le leader du bloc occidental, les Etats-Unis, signe aux San Diego Sockers, et revient à un très bon niveau pendant quelques saisons, mais finit par se faire escroquer par son agent. Ruiné, il sombre dans l’alcool, et meurt dans un accident de voiture alors qu’il conduisait en état d’ébriété en septembre 1989, deux mois avant la chute du Mur de Berlin, et loin, très loin de la Pologne qu’il a illuminé par son talent avant de se perdre à l’Ouest.

Cette fascination exercée par l’Ouest sur certains joueurs de l’Est a été fatale à plus d’une carrière. La carrière d’Aleksandr Zavarov, ancien joueur ukrainien de l’URSS surnommé « Le Tsar », en est un parfait exemple : Aleksandr Zavarov fait successivement les beaux jours du Zarya Lugansk, SKA Rostov et du Dynamo Kiev en Ukraine, rafle deux championnats d’URSS, trois coupes d’URSS, et accroche même une Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupes à son palmarès, remportée en 1986 avec le Dynamo Kiev. En outre, « Le Tsar » est l’un des piliers de la sélection soviétique qui reprend du poil de la bête à la fin des années 80 et atteint notamment la finale de l’Euro en 1988. « Le Tsar » décide alors de poursuivre sa carrière de l’autre côté du rideau de fer, en signant à la Juventus de Turin. Même s’il enrichit son palmarès d’une Coupe de l’UEFA et d’une Coupe d’Italie, Aleksandr Zavarov ne s’impose jamais à la Juventus. L’aventure italienne du « Tsar » est un échec, et la brillante carrière de Zaravov se finit modestement, en France, à l’AS Nancy-Lorraine.

Ces mouvements de « migration » d’Est en Ouest ont parfois pris des formes collectives et assez spectaculaires. La Hongrie a en fait l’expérience en 1956, une année qui marque un tournant dans l’histoire du football hongrois. Lorsqu’en novembre 1956, les chars soviétiques envahissent la Hongrie et écrasent violemment le mouvement d’insurrection, dit « insurrection de Budapest », porté par le communiste réformateur Imre Nagy, faisant des milliers de morts, la plupart des joueurs de la sélection hongroise sont à l’Ouest, et disputent un huitième de finale aller-retour de Coupe d’Europe des Clubs Champions opposant le Honvéd Budapest (l’antichambre de la sélection nationale, un club placé sous l’autorité du Ministère de la Défense et de l’armée) à l’Athletic Bilbao. Lorsqu’ils apprennent la répression dans le sang de l’insurrection de Budapest, les joueurs du Honvéd Budapest décident de ne pas rentrer en Hongrie, et de rester à l’Ouest. Au bout d’un an, certains d’entre eux finissent par rentrer en Hongrie, où ils sont sévèrement accueillis ; mais d’autres décident de franchir définitivement le rideau de fer et de s’établir à l’Ouest, tels que Sándor Kocsis, qui s’engage avec le FC Barcelone, ou encore Zoltán Czibor, enrôlé par l’AS Roma. Véritable star du football hongrois, Ferenc Puskás signe quant à lui au Real Madrid et va même jusqu’à adopter la nationalité espagnole pour pouvoir jouer avec la Roja, une trahison que le régime hongrois mettra plus de 20 ans à pardonner.

L’héritage de la guerre froide dans le monde du football

Que reste-t-il de la guerre froide dans le football d’aujourd’hui ? Force est de constater que la fin de la guerre froide a rendu caducs un certain nombre de tensions et de rivalités footballistiques liées à cet affrontement idéologique de presque un demi-siècle. En décembre 2010, la décision de la FIFA d’attribuer l’organisation de la Coupe du Monde 2018 à la Russie a pu être interprétée comme une volonté des instances internationales du football de normaliser les rapports avec la Russie. Le président russe Vladimir Poutine a ainsi déclaré :

De nombreux stéréotypes issus des temps anciens, de l’ère de la guerre froide, courent encore en Europe et effraient les gens. L’heure est venue de dévoiler le vrai visage de la Russie… Le processus est en marche et en 2018 il sera encore plus fort.
Vladimir Poutine, président russe

Cependant, Vladimir Poutine, considérant la chute de l’URSS comme une immense tragédie, obsédé par l’idée de restaurer la puissance et le prestige russes, ne se prive en aucun cas de se servir du football pour servir le soft power russe face à l’Ouest. L’une des manifestations ouvertes de cet aspect réside dans le rôle que joue Gazprom, géant russe de l’extraction, du traitement et du transport de gaz naturel. Gazprom, lié par un certain nombre de contrats avec le monde du football, entre une double logique : premièrement, une logique de démonstration de puissance économique face à l’Ouest, qui apparaît manifeste au travers du rachat par Gazprom du Zénith Saint-Pétersbourg en 2005, qui s’est accompagné de la volonté de faire du club russe un géant européen, une politique récompensée par les victoires du Zénith en Coupe de l’UEFA face aux Glasgow Rangers, puis en Supercoupe d’Europe face à Manchester, en 2008, dans les deux cas, symboliquement, contre des clubs anglo-saxons. En outre, le partenariat de Gazprom avec la Ligue des Champions entre également dans cette volonté de démonstration : pour démontrer sa puissance économique, qu’y a-t-il de mieux que le football et sa compétition phare, la Ligue des Champions ? La deuxième logique à laquelle obéit Gazprom est une logique géopolitique qui consiste à tenter d’avancer des pions dans des endroits stratégiques : ainsi, les contrats signés entre Gazprom et des clubs comme l’Etoile Rouge de Belgrade à l’Est, et Schalke 04 à l’Ouest, a pu être considéré comme des moyens pour la Russie de faire avancer deux projets chers à Vladimir Poutine : les gazoducs North Stream et South Stream. Si Gazprom joue un rôle politique, c’est parce que l’entreprise est très largement soutenue, par Vladimir Poutine, qui, en 1999, a chassé les dirigeants de l’entreprise pour y installer ses lieutenants, parmi lesquels figurait Dimitri Medvedev. Ainsi, la Russie s’appuie sur Gazprom et sur le football pour mener deux politiques assurément hérités de l’URSS : une politique de démonstration de puissance, et une politique d’avancées géopolitiques.

Le football à l'heure de la guerre froide

Il serait présomptueux de considérer que l’impact de la guerre froide sur le football d’aujourd’hui est nul. Le football allemand par exemple, aujourd’hui encore, semble enfermé dans ses divisions passées. Un fossé s’est creusé entre les clubs de l’Est et ceux de l’Ouest : aujourd’hui, sur les 56 clubs professionnels allemands, seuls 9 d’entre eux se situent de l’autre côté de l’ancien emplacement du Mur de Berlin. En outre, depuis la relégation en deuxième division de l’Energie Cottbus en 2009, plus aucun club de l’ex-RDA n’évolue en première division allemande. Les équipes de RDA, déjà globalement inférieures aux équipes de RFA, ont mal supporté la transition vers le capitalisme et l’économie de marché, après des décennies de communisme. Les clubs est-allemands n’ont ni eu les moyens, ni les structures nécessaires pour s’adapter à la nouvelle donne libérale. Les meilleurs joueurs est-allemands ont pour la plupart déserté l’ex-RDA, sans que les clubs est-allemands, dotés d’infrastructures vétustes, n’aient pu renouveler les affectifs. L’avenir du football est-allemand, aujourd’hui encore, est très incertain.

En outre, l’idée de promouvoir l’idéologie revendiquée au travers du football n’est pas complètement obsolète. La Corée du Nord, dernier pays stalinien au monde, en a fait la démonstration lors de la Coupe du Monde 2010. Dans un groupe relevé, avec le Brésil, le Portugal et la Côte d’Ivoire, la Corée du Nord essuie trois défaites : 2-1 contre le Brésil, 7-0 contre le Portugal, 3-0 contre la Côte d’Ivoire. Le retour au pays sera difficile pour les joueurs nord-coréens, accusés d’avoir trahi la nation, trahi le peuple nord-coréen, et surtout trahi l’idéologie communiste. Pour le pouvoir politique nord-coréen, les joueurs ont failli dans leur lutte idéologique. L’entraîneur nord-coréen, Kim Jong-Hun, est exclu du Parti des travailleurs, puis condamné aux travaux forcés, 15 heures par jour sur un chantier de construction de bâtiments résidentiels à Pyongyang. Quand le goulag fait encore des siennes…

La guerre froide est révolue, l’affrontement entre Est et Ouest est loin, très loin d’être aussi patent qu’au plus fort de la guerre froide ; pour autant, le football moderne porte encore certaines cicatrices de ce conflit, ce qui prouve, une fois de plus, que le football, bien plus qu’un simple sport, est aussi un phénomène social et culturel empreint d’histoire et de politique, autant d’aspects qui rendent le football totalement indissociable de l’histoire.