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Ce soir, Delio Onnis a donné le coup d’envoi de la rencontre de Ligue 2 entre le Tours FC et Troyes. De passage sur l’une des terres qui l’a vu briller, le meilleur buteur de l’histoire du championnat de France a accepté de revenir sur quelques moments qui ont marqué sa carrière. Sans oublier de mentionner le Tours FC, bien sûr. Et l’actualité.

Bonjour Delio. Pourquoi revenir à Tours en ce début d’année ?

Delio Onnis – Les dirigeants du club m’ont invité parce qu’ils voulaient me présenter la nouvelle mascotte du club, qui s’appelle Delio. J’étais en Argentine et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai accepté. C’était la moindre des choses, par rapport aux bons moments que j’ai passés ici.

Parlez-nous de ces bons moments ?

Un jour, avant de mourir, j’aimerais vraiment voir le Tours FC revenir en première division.
Delio Onnis

Les gens de mon âge doivent s’en souvenir : c’était la belle époque de ce club-là. Trois années en première division où il y avait beaucoup de gens au stade, où beaucoup de gens en ville s’intéressaient au football. On avait la chance de bien se débrouiller jusqu’au moment où, malheureusement, on est descendu. Pour moi, ce sont des souvenirs inoubliables. Il y a des gens qui aimaient le football, et qui aimaient le club. Et pas seulement de Tours : il y avait des supporters de tous les coins du département. Un jour, avant de mourir, j’aimerais vraiment voir le Tours FC revenir en première division. C’est vraiment sincère ce que je dis… C’est une belle ville où le football peut exister. On a déjà vu plus de 20.000 personnes au stade. Je sais que les temps ont changé, que c’est difficile. Mais je sais aussi qu’on peut reproduire ce qui a déjà été fait. J’aimerais que les nouveaux dirigeants soient un peu plus aidés pour faire remonter le club. La ville, le club et le stade méritent d’être en première division.

Aujourd’hui encore, votre nom revient dans les conversations. Et pas seulement à Tours…

Les gens parlaient de moi parce que je suis un attaquant, que je marquais des buts. Mais un attaquant, il peut s’appeler comme il veut… bon, d’accord, sauf Messi, Ronaldo. Mais s’il n’est pas aidé par ses partenaires, il ne peut pas marquer de but. Je ne dis pas ça pour faire le malin : c’est ce que je pense vraiment. Si une équipe ne produit pas de jeu, un attaquant ne peut pas marquer. C’est mathématique.

Si une équipe ne produit pas de jeu, un attaquant ne peut pas marquer. C’est mathématique.
Delio Onnis

Quel attaquant étiez-vous ?

Je n’étais pas de la race de ces attaquants qui restaient une heure après l’entraînement pour frapper au but. Par contre, quand il y avait des frappes au but pendant l’entraînement, je me mettais à cinq mètres du gardien. Les autres frappaient, et moi, je lui disais : « ne la relâche pas, sinon je te la mets dedans » (rires). Je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui (sic). Alors oui, il faut travailler. Mais il ne faut pas oublier que sans l’aide des autres, tu peux rester quatre heures pour frapper au but après l’entraînement mais tu ne marqueras jamais. Par contre, si tes partenaires te font des bonnes passes, c’est comme ça que tu marqueras.

Delio Onnis : "Physiquement, ce qu’on demande aux attaquants est trop dur"

Delio Onnis à Tours lors de la saison 1981/82

Il y a toujours eu des pro et des anti-Onnis : ces derniers disaient que vous ne défendiez pas…

Tout dépend comment on voit le football. Aujourd’hui, je vois jouer le PSG : il y a des joueurs qui se font attaquer parce qu’ils ne défendent pas. Mais moi, je pars de la base. Le défenseur, il est fait pour défendre, et parfois attaquer. Le milieu, il fait les deux. Et les attaquants, c’est pour attaquer ! Alors oui, on peut défendre dix, quinze minutes. Mais quoi ? On doit défendre tout le match ? Alors il faut demander aux défenseurs de marquer des buts aussi ! C’est un débat un peu compliqué. Je sais que le football a évolué. Je sais que tous les entraîneurs veulent que les attaquants défendent. Mais si on attaque, si on défend, il faut être Superman physiquement ! La preuve, c’est Cavani. L’an dernier, tout le monde était très content. Je me demandais combien de temps ça allait durer. Il s’est blessé, et depuis, ce n’est plus le même… Physiquement, c’est trop dur, ce qu’on demande aux attaquants.

Partout où vous êtes passé, vous avez laissé le souvenir de quelqu’un d’accessible…

Comme ça devrait toujours l’être ! Je suis un être humain. Le joueur de football, c’est un être humain.

Vous ne vous retrouvez donc pas dans cette conception moderne de l’attaquant ?

Delio, je dois vous féliciter. Vous ne faites jamais un mètre sans savoir pourquoi vous le faites.
Un supporter de Tours

Ce qu’on m’a appris, gamin, c’est que c’est sur les trois premiers mètres qu’il faut faire la différence. Le défenseur, il faut lui passer devant. C’est tout. Oui, j’ai entendu, j’ai compris. Il y a eu des critiques sur moi. Mais à ce sujet, j’ai une anecdote. Un jour, un supporter, à Tours, m’a dit : « Delio, je dois vous féliciter. Vous ne faites jamais un mètre sans savoir pourquoi vous le faites ». C’est la plus belle chose qu’on m’ait dite pendant ma carrière. Il a voulu me dire que j’étais un peu intelligent, je crois (rires). C’était magnifique.

Finalement, vous étiez un formidable finisseur…

C’est simple. Je tenais compte de la position de celui qui centrait. Si l’ailier est relativement libre, on a le temps de choisir, aussi bien lui que moi. Mais si l’ailier était un peu juste, qu’on pensait que le défenseur pouvait encore le contrer, on savait que neuf fois sur dix, la balle arriverait au premier poteau parce qu’il n’avait pas la possibilité de faire ce qu’il voulait. C’était quelque chose d’évident. Presque mathématique. Ce n’était pas le hasard.

Vous pouviez presque jouer les yeux fermés…

Il faut dire qu’à l’époque, on vivait pour le football. Après manger, le midi, on faisait une promenade pour digérer avant la sieste. Pendant cette promenade, de quoi on parlait ? De football ! On n’était pas avec les téléphones, les écouteurs. Ça nous laissait plus de temps pour parler de ballon. Je me souviens d’un match disputé avec Tours contre Bastia. On avait gagné largement. J’avais marqué trois ou quatre buts. Et pourtant, le soir, je n’étais pas content de moi parce que j’aurais pu marquer six ou sept buts. Ca veut dire que j’en avais râté plusieurs. Je n’ai pas réussi à dormir…

Delio Onnis : "Physiquement, ce qu’on demande aux attaquants est trop dur"

Alors c’était mieux avant ?

Non, je ne dirai jamais ça ! Les temps ont changé : il faut vivre avec son époque. Ce n’était pas mieux avant, et ce n’est pas mieux maintenant non plus. C’est ce que je pense.

Avez-vous des regrets sur votre carrière ?

J’aurais aimé être sélectionné.
Delio Onnis

Oui, toujours. La sélection, par exemple. J’aurais aimé être sélectionné, du seul côté possible par rapport à mes papiers. Je n’ai pas de papiers français, ni monégasques, ni argentins. Je suis Italien. J’ai toujours conservé mon passeport. Même si je suis parti à deux ans de l’Italie. C’est le seul pays pour lequel j’aurais pu jouer. Mais à mon époque, il y avait des monstres : Riva, Rossi… Il y en avait en pagaille. Donc c’était presque impossible !

Le fait d’être régulièrement mis sur le devant de la scène en tant que meilleur buteur de l’histoire du championnat de France, cela vous fait plaisir ?

Oui. Je me rends encore plus compte maintenant de ce qu’on a fait qu’au moment où on était sur le terrain. Mais le plaisir, c’est plus pour ma famille. J’ai déjà 66 ans, je suis content qu’on reconnaisse ça mais bon… Mon petit-fils, par exemple, il regarde les cassettes. Je le chambre parce qu’il est fanatique d’Ibra. Un jour, je l’ai pris à part, je lui ai dit : « Tu sais que papy, il a marqué pas mal de buts ». C’était il y a deux ou trois ans, quand Ibra est arrivé au PSG. Il m’a regardé avec des gros yeux. Il a commencé à chercher sur Internet. Ce que je veux dire, c’est que le plaisir, il est partagé avec eux.

Un mot sur vos 299 buts en D1 ?

Ces 299 buts, je les ai marqués en 14 ans. Ce qui fait une moyenne d’une vingtaine de buts par saison. Je dis ça parce qu’il y a des attaquants qui marquent beaucoup pendant un an ou deux, puis qu’on ne voit plus.
Delio Onnis

Plus que le chiffre 299, je donne de l’importance à la moyenne de buts par match. Ces 299, je les ai marqués en 14 ans. Ce qui fait une moyenne d’une vingtaine de buts par saison. Je dis ça parce qu’il y a des attaquants qui marquent beaucoup pendant un an ou deux, puis qu’on ne voit plus. C’est vrai qu’avant, on restait longtemps dans les mêmes clubs, donc il y avait des automatismes. Et c’est pour ça aussi que je serai éternellement reconnaissant envers les gens qui ont été à mes côtés. Parce que même si j’avais mes qualités, seul, tu n’y arrives pas.

Gardez-vous contact avec vos anciens coéquipiers ?

Pas trop, parce que la vie nous a séparés. Ceux que je vois le plus souvent, c’est Jean-Luc Ettori et Jeannot Petit. Et Courbis, aussi. Les autres, même si je les aime beaucoup, je n’ai pas souvent l’occasion de les voir.

Comprenez-vous qu’on vous cite si régulièrement dans les clubs où vous êtes passé ?

C’est parce j’étais là. Mais on parle toujours de celui qui marquait les buts. Dans ce cas, c’était moi. Mais tout ça c’est grâce aux autres aussi. Sans l’aide de mes copains, je n’existerais pas. Les seuls à pouvoir le faire, ce sont les supers joueurs. Ceux qui sont capables de prendre le ballon, de dribbler et de marquer des buts. Eux, ce sont des phénomènes. Les Messi, les Maradonna…

Des phénomènes qui sont forcément Argentins…

Il y en a pas mal, c’est vrai (rires). Eux deux, ça suffit ! Plus sérieusement, je remercie tous ceux qui m’entouraient. Toujours.

Messi qui termine deuxième du dernier Ballon d’Or…

Messi passe par un moment un peu spécial. Ce n’est pas le vrai Messi qu’on a connu au sommet de son art.
Delio Onnis

Je pense qu’il continue à être le meilleur joueur du monde ! Il a complètement raté sa Coupe du Monde. Bon, il ne lui ont pas donné le Ballon d’Or. Je pense que même Ronaldo n’y croyait pas. Il ne l’a pas refusé parce que ça ne se fait pas, par politesse, mais il sait qu’il n’est pas le meilleur joueur du monde. Pour moi, Messi, il continue à être très, très fort. Mais il passe par un moment un peu spécial. Ce n’est pas le vrai Messi qu’on a connu au sommet de son art.