AvideceWopyBalab

Pourquoi le foot français va dans le mur ? Réponse : mauvaise gestion et manque d’ambition selon les auteurs du livre, deux hommes de l’ombre qui se lâchent comme il est indiqué en sous-titre. Un ouvrage publié le 21 mai aux éditions Hugo Sport, écrit avec leurs tripes et dans lequel ils flinguent à tout-va.

D’emblée, Faouazi Djedoud Benabid et Yacine Hamened (lire l’encadré Qui sont-ils ?) balaient l’excuse du « manque de fric ». Leur diagnostic ? Le foot français est malade, gangréné, avant d’être pauvre. Ils passent donc en revue toutes ses tares, quitte à aller à la limite du hors-sujet avec un dernier chapitre sur les quotas et le « racisme » dans le foot. Mais là n’est pas l’essentiel, Ils dénoncent surtout le manque de professionnalisme et de compétences des dirigeants de clubs, comme des instances sportives : « Lors de la première explosion des droits télé, les budgets ont augmenté. Qu’ont fait les clubs ? Ils ont préféré augmenter les salaires de tous les joueurs moyens. Ils ont fait exploser leur masse salariale (…). C’est un peu comme si une entreprise ne se penchait pas sur la recherche, le développement, la compétence, les hommes, les structures, l’outil de travail… ».

La FFF, dont le président Noël Le Graët est surnommé RAB pour « Rien à branler », en prend aussi pour son grade. Elle est même accusée de bidonner les chiffres de ses licenciés en rajeunissant les critères (à partir de 5 ans contre 6 ans, en récupérant les joueurs du five…). Idem pour Raymond Domenech présenté comme l’exemple type du foot français. L’ex-sélectionneur est décrit comme un « ancien défenseur rugueux et sans talent et entraîneur au palmarès quasi vierge ». Les membres de la Direction Technique Nationale sont également pris pour cible, les auteurs dénoncent leur manque de résultats, les copinages…

Mauvais gestionnaires mais aussi mauvais coachs qui s’exportent peu et gagnent peu. Leur philosophie : ne pas perdre, à l’image de l’OM de Baup ou du LOSC de Girard. « Il n’y a plus d’entraîneurs aujourd’hui qui prônent un football défensif, un jeu négatif. On peut voir du pragmatisme face à une situation donnée, mais globalement, le football est partout offensif. (…). Sauf en France ». Là encore, ce ne serait pas une question de moyens mais plutôt de volonté, de prise de conscience du spectacle que doit représenter le football pour réussir également sur le plan de l’attractivité économique. La faible intensité des entraînements est tout autant pointée du doigt ainsi que le culte du résultat, au détriment de la progression du joueur et du club à plus long terme. Au détriment du plaisir aussi, ce qui explique le manque de passion des jeunes footballeurs.

La formation en question

Au-delà des hommes et des petits règlements de compte, les auteurs soulèvent également la question du jeu :  » Une phrase choc du cursus : “Le danger, c’est quand on a le ballon« . Mais pourquoi ? Car on doit déjà penser au moment où on va le perdre ! Là, franchement, c’est énorme, non ? Mais merde ! A quel moment on joue au foot ? ». Le manque de remise en cause et la frilosité de la formation française sont des problèmes criants selon eux. Le fait de gagner des titres en jeunes n’est que l’arbre qui cache la forêt : « On gagne là où les différences athlétiques sont trop importantes pour être comblées par le jeu. Quand tout le monde a grandi, qu’il faut se servir de l’intelligence de jeu et s’appuyer sur le collectif, il se passe quoi ? » Avec comme révélateur, l’absence de titre des Espoirs depuis 1988. Et qui dit mauvaise formation, dit joueurs moyens, pas mauvais mais pas remarquables non plus, notamment offensivement avec des profils qui vont vite, servent de fixation et sont limités techniquement et dans l’intelligence de jeu. Ils citent Cissé, Gignac, Hoarau, Roux, Sow, Erding… Seules exceptions : Giroud et Ben Yedder qui se démarquent en raison de leur parcours atypique, « hors des sentiers moisis de la formation française ».

Pire, le déficit de formation n’est pas compensé par la qualité des recruteurs qui là encore privilégient le physique et abusent, comme les clubs, des jeunes joueurs. L’objectif : faire signer un ANS accord de non sollicitation qui « réserve » le gamin pendant trois ans… sans parler des petits arrangements pour valoriser ou ignorer un joueur. Cela ne s’arrange pas chez les pros où les recruteurs n’existent plus, tout se fait directement avec les agents et les coachs. Rares sont donc ceux qui investissent pour financer le travail de recruteurs qui vont observer dans la durée. D’où les nombreux bides lors des transferts.

Avec neuf chapitres faciles à lire sous la forme « Pourquoi ça ne joue pas en L1 / Pourquoi les centres de formation déforment… », ce livre jette un pavé dans la mare poisseuse du foot français. On sent ses auteurs à la fois passionnés et écœurés. S’ils n’apportent pas toujours de solutions (en dehors de changer tous les hommes en place ?) pour stopper l’hémorragie, ils ont au moins le mérite de lancer le débat et d’éclairer les amateurs de football sur l’envers du décor.

Qui sont-ils ?

Faouzi Dejdou Benabid est recruteur à Niort ; Yacine Hamened est éducateur, il a notamment travaillé pour le club d’Evian. Leur analyse est intéressante et sans concession, même si on peut lui reprocher d’être partisane, en raison de leur échec à gravir les différents échelons ? L’impression de lire des « aigris » – ils utilisent ce terme dans leur préface – ne doit pourtant pas masquer la réalité de leur constat. « Quand vous arrivez et que vous n’êtes pas du monde pro, le mépris est la règle. (…). En revanche, les joueurs ou anciens joueurs professionnels peuvent présenter des exercices hors sujet, animer (où plutôt ne pas animer !) les exercices en faisant de mauvaises remarques, les formateurs ne leur disent rien. C’est la grande famille du football. Et il y a des frontières ». Au-delà de leur rancœur envers un milieu qui ne leur a pas permis un plein épanouissement, leur livre, écrit en collaboration avec le journaliste Daniel Riolo, vise avant tout à dénoncer l’immobilisme et les magouilles du foot français.

Ils ciblent tous les acteurs du foot français et critiquent nombre de leurs décisions. Mombaerts qui a raillé le recrutement de Verratti, Blanc (époque Girondins) a loupé Lucas Moura et David Luiz, Sainté a loupé Pastore, Marseille a manqué Luis Suarez… certes mais les auteurs se trompent aussi. Ils se moquent de Lille qui a dépensé 3M€ sur Frey et 3M€ sur Boufal. Si le Suisse ressemble à un nouveau Nolan Roux travailleur mais limité, il est aujourd’hui difficile de rire de l’ancien dribbleur d’Angers. « Les recruteurs auraient su depuis longtemps si son potentiel permettait d’en attendre plus ». Apparemment non vu son importance grandissante dans la fin de championnat du LOSC (3 buts, 3 passes et de nombreux reins cassés dans les défenses adverses). Au moment où ils ont écrit le livre, cet envol n’était pas forcément prévisible, comme c’est le cas pour les erreurs de recrutement qu’ils évoquent. Après coup, c’est toujours plus facile de juger.