AvideceWopyBalab

Dans maintenant quelques mois, la France va accueillir l'Euro. Si pour nous cela veut dire sortir d'une poule à priori plus qu'abordable et espérer se venger du voisin allemand entre-autres, la compétition a une valeur historique autrement plus importante Outre-Manche. En effet, c'est la première fois que la République d'Irlande et l'Irlande du Nord se qualifient toutes deux pour une compétition majeure.

Selon un proverbe vieux comme le monde, l'union fait la force. Mais à l'inverse de leurs compatriotes rugbymen, les footballeurs d'Irlande et d'Irlande du Nord en ont décidé autrement. Séparée depuis le début des années 1920, l'île d'Irlande comporte deux nations : l'Irlande du nord, à majorité protestante et rattachée au Royaume-Uni, et la République d'Irlande, indépendante et à grande majorité catholique. Pourtant, la séparation en deux équipes nationales, donc deux fédérations, précède la scission.

Créée en 1880 à Belfast, l'Irish Football Association (IFA) avait autorité en matière de football sur toute l'île irlandaise. Cependant, les critiques pleuvaient sur ce corps jugé beaucoup trop tourné vers la région de l'Ulster. Pourtant, comme le remarque Cormac Moore, auteur du livre The Irish Soccer Split, les membres de l'IFA avant séparation venant de la région de Leinster étaient loin d'être assidus aux comités de la fédération, expliquant peut être la domination du nord, faute d'autres voix.

Entre l'équipe composée en grande majorité de joueurs du nord-est et la grande partie des matchs internationaux basés à Belfast, c'est est trop pour les régions du sud du pays, et surtout pour le Leinster. Populaire à travers le pays, le foot a donc cristallisé le conflit et en 1921, Leinster quitte l'IFA pour créer la Football Association of Ireland (FAI). Rejoint par les deux autres régions composant la République d'Irlande, elle est devenue le pendant de sa voisine nordique, l'IFA.

Mais alors, pourquoi le rugby n'a-t-il pas suivi la même voix ? D'abord, ce n'est pas une mais deux fédérations qui virent le jour en 1874, représentant les régions de l'Irlande d'un côté et les régions de l'Irlande du Nord de l'autre. Mais seulement cinq ans plus tard, ces deux fédérations fusionnent en l'IRFU (Irish Rugby Football Union), se divisant elle-même en 4 branches (Ulster, Munster, Leinster, Connacht). Au moment de la scission du pays, la fédération a décidé de continuer d'administrer en respectant le découpage en régions. Pour cela, il a même fallu acheter un terrain à Belfast pour ne fâcher personne.

Le rugby a une équipe irlandaise unifiée, pourquoi pas le foot ?

En rugby, l'Irlande a déjà une équipe unifiée !

Ce n'est peut-être pas alors le football mais bien le rugby qui représente une exception. Pourtant, la FAI et l'IFA ont été très proches de se réunifier au long des années 20 et 30, puis 70 et 80, sans qu'un accord ne soit trouvé.
Un mal pour un bien ? Toujours selon Cormac Moore, cette séparation n'est pas forcément négative. Cela a permis de populariser le football dans les régions du sud pas franchement tournées vers ce sport. Mais selon l'auteur, la différence entre le rugby et le football est que le premier était dirigé par des gens similaires : protestants, de classe moyenne et unionistes, en accord avec le nord donc. L'IRFU est plus représentative des quatre régions que des deux nations. Mais pour le football, sport du peuple, tout le monde est représenté : nationalistes, unionistes, protestants, catholiques, classes aisées ou non. C'était donc bien plus sujet à conflit.

On aurait pourtant pu voir une fusion dans les années 70, après qu'un match amical entre les Shamrock Rovers, sélection irlandaise au sens large, et le Brésil eut lieu. Les deux fédérations étaient selon leurs propres dires ouvertes à un accord, mais la période dite « The Troubles », conflit politique violent en Irlande du Nord, empêche ce rapprochement. A l'époque, les deux bords ne voyaient pas un accord possible avant la fin de cette période. Malheureusement, elle a durée bien plus longtemps qu'espérée, puisqu'elle se termine à l'aube du 21e siècle.

Au cours de ce conflit, et alors que la fédération de rubgy est toujours unique, l'Irlande du Nord cherche à renforcer son identité, à se détacher de son voisin. Quoi de mieux donc qu'une équipe nationale différente ?

Les années ont passé, et le tableau s'est éclairci, aplanissant les relations entre les deux pays. Une chance de voir une seule et même sélection ? Avec le récent boom des droits tv de la Premier League et l'augmentation de son poids au niveau international, les joueurs locaux, non seulement anglais mais surtout écossais, irlandais ou gallois ont bien moins de place. Cela tend à l'affaiblissement des sélections. Il pourrait donc être dans l'intérêt sportif irlandais de s'unifier, pour pouvoir peser plus lourd sur la scène internationale. Pourtant, ce bilan fait, les deux équipes irlandaises iront en France, comme le Pays de Galles. Mais leur présence est une surprise, et pourrait n'être qu'anecdotique.

54% des Nord-Irlandais sont pour une attaque unifiée… surtout chez les catholiques.

Si un rapprochement aurait pu se faire dans des périodes troubles, pourquoi serait-il impossible aujourd'hui alors qu'il présente bien des intérêts ? Une attaque Lafferty –Long, un milieu Gibson – Davis – Mc Carthy et Keane en supersub trouverait-elle sa place dans le cœur des irlandais ? Selon un sondage de l'Université d'Ulster en tout cas, il semblerait que oui. En effet, le sondage effectué auprès de nord-irlandais montre que 54% d'entre eux sont pour ! C'est la communauté catholique qui pousse cette idée, avec 70% de oui, alors que les protestants ne seraient eux que 39% en faveur d'une équipe unique. D'un autre côté, les catholiques seraient moins enclins que les protestants (55% contre 60%) à se rendre à un match à Windsor Park, l'enceinte de Belfast.

Quoi qu'il en soit, l'idée de l'union ne date pas d'hier et semble bien moins compliquée qu'avant. Ne reste plus maintenant aux dirigeants des deux bords de se tendre la main, et aux fans d'en accueillir l'idée, mais il semblerait en tout cas que ce soit loin d'être impossible. A moins d'une fulgurance sur les terrains cet été…

Le rugby a une équipe irlandaise unifiée, pourquoi pas le foot ?

Un exemple de ce que pourrait donner un « 11 irlandais unifié »
Ils auraient pu y être : Walters, Norwood, Whelan, McGeady, Keogh