Qui a dit que le football n’était pas compatible avec la culture ? De l’autre côté du globe, un collectif d’artistes s’est réuni autour d’une passion commune : Colo-Colo, le club mythique de Santiago du Chili. Rencontre avec Cristian Lopez, responsable du projet et directeur créatif.
Le Club Social y Deportivo Colo-Colo entretient une rivalité sans nom avec l’autre club de la capitale, « La U » pour la Universidad de Chile. Ce maillot blanc est à la fois chargé d’histoire et de passion, rempli de caractères bien trempés ayant essuyé les plus grandes batailles sur des rectangles verts.
37 artistes provenant de 12 pays ont élaboré une quarantaine d’oeuvres toutes aussi passionnantes les unes que les autres, allant du dessin chargé de détails à la représentation iconographique, de l’action qui a amené un but mythique à l’approche bestiale de l’équipe, surnommée « le champion éternel ». Rien que ça.
Chaque artiste a sa personnalité et sa sensibilité par rapport au football. Evidemment, ils proviennent de pays fous de foot : Argentine, Portugal, Allemagne ou Espagne, entre autres. Chacun a son style, son outil, son support, comme chaque joueur de football a sa paire de chaussures, ses rituels et sa façon de célébrer un but.
Le projet est passé d’une reconnaissance virtuelle à une révélation populaire en étant exposé – et c’est un honneur – à l’Estadio Monumental de Colo-Colo en 2012 pour les 87 ans du club, en présence des dirigeants et anciens joueurs qui ont fait l’histoire du club. Comme pour boucler la boucle. Ils ont aussi condensé leur travail dans un livre de collection que vous pourrez commander sur leur site.
Instigateur de ce projet, Cristian Lopez a longtemps travaillé dans une agence de publicité du Chili. Historien et fan absolu du club, il a réalisé auparavant un court-métrage sur le club, « Idolos y caciques », primé à Cannes ou New York. Il a répondu à nos questions autour de ce projet et du football chilien en général.
Comment avez-vous réussi à motiver ces artistes à rejoindre ce projet unique ?
Cristian Lopez – Nous avons tenté notre chance avec ces artistes en les conviant dans un projet qui combine deux passions : le football et l’art. Ce n’est pas banal ici.
Votre projet représente beaucoup de courbes, comme pour représenter une sorte de volupté dans le jeu sud américain ?
Cristian Lopez – Ces formes sont venues de manière spontanée en fonction de ce que représentait le football pour chaque artiste. On peut faire le parallèle entre ces formes et la répétition des passes dans le football, les formes dessinées sur le ballon, …
C’est dingue de voir ce que les fans sont capables de faire pour l’amour du maillot.
La religion a une grande importance dans votre projet. Comment influence-t-elle le football de nos jours ?
Cristian Lopez – On reste persuadé que le football est une religion. Il y a des joueurs qui deviennent presque des personnages de culte pour les fans. On peut comparer le fanatisme du football à la religion, et celui-ci grandit de jour en jour au Chili. C’est dingue de voir ce que les fans sont capables de faire pour l’amour du maillot. Le fondateur et premier capitaine de Colo-Colo par exemple, David Arellano, est mort sur le terrain en défendant son club. C’est devenu le premier martyre du club, et certains l’ont élevé au rang de saint (le stade de Colo-Colo porte d’ailleurs son nom, ndlr).
Le monde se rappelle plutôt du Chili via la paire Salas/Zamorano au Mondial 98. Comment se porte le foot chilien en 2013 ?
Cristian Lopez – Le Chili a une bonne génération de joueurs dans de grands clubs européens, comme Arturo Vidal à la Juventus ou Alexis Sanchez au Barça, qui nous assurerons une qualification – on l’espère – pour le Mondial 2014. Notre championnat s’est par contre affaibli comme celui d’Argentine ou d’Uruguay du fait que les joueurs prometteurs partent très tôt pour l’Europe.
Colo Colo et la Universidad de Chile (La « U ») montrent une approche culturelle et passionnée du football, plus que n’importe quel autre club sud américain. Comment l’expliquer ?
Cristian Lopez – Ces deux clubs sont les plus populaires du pays et leurs fans sont des inconditionnels de leurs couleurs. Sur le terrain, Colo-Colo est le premier, le pionnier. Il met la pression sur ses adversaires pour les porter à leur niveau. Cette compétition n’a pas lieu que sur le terrain, mais aussi via la créativité de sa communauté et de ses sponsors.
Colo Colo a une histoire tumultueuse (succès, déroute financière, retour sur le devant de la scène, …). Est-ce que les clubs de caractère sont éternels ?
Cristian Lopez – Colo Colo accumule les distinctions. C’est la seule équipe du Chili à n’être jamais descendue en seconde division. Une de ses plus grandes fiertés a été lors de sa faillite. L’équipe s’est reconstruite sur ses équipes de jeunes. Et elle est devenue championne avec ces mêmes joueurs.