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Passionné de football mais sans concession envers ses acteurs, le Champion du monde et d’Europe Emmanuel Petit ne pratique pas la langue de bois dans Franc-tireur (Editions Solar), un ouvrage écrit avec Kader Boudaoud.

Franc-tireur mais sans pour autant flinguer à tout-va, Emmanuel Petit analyse et critique les dérives du monde du foot. L’ancien joueur de Monaco et d’Arsenal, avec qui il a à chaque fois gagné un championnat et une coupe nationale, se livre aussi. A travers sa carrière, il raconte comment il a vécu les différents événements marquants de sa vie. Et notamment les moments douloureux comme la perte de son frère, Olivier, victime d’une rupture d’anévrisme sur un terrain de foot à seulement 20 ans. Ou encore comment le drame de Furiani (18 morts et 2 500 blessés lors de l’effondrement d’une tribune à Bastia, le 5 mai 1992) a affecté l’équipe monégasque lors de sa finale de Coupe des Coupes, perdue 0-2 contre le Werder le lendemain.

Au-delà du joueur, ce livre dresse donc l’auto-portrait de l’homme, avec ses forces et ses moments de doute. Les commentaires du journaliste Kader Boudaoud, peu nombreux mais pertinents, viennent compléter le ressenti d’Emmanuel Petit. On y découvre une vraie complicité entre le commentateur de France Télévisions, co-auteur du livre, et son consultant.

Ce sont les clubs qui sont au service des instances et non plus l’inverse.
Emmanuel Petit

Sur l’état actuel du football français, Emmanuel Petit ne se cache pas. Même le foot amateur en prend pour son grade, lui qui est (déjà) parasité par l’argent et dont le fonctionnement repose sur la toute puissance des ligues et des districts, sans profiter à la base. « Ce sont les clubs qui sont au service des instances et non plus l’inverse », dénonce le Champion du monde (1998) et d’Europe (2000) qui déplore que sur 55 M€ que dit reverser la FFF au foot amateur, seuls 15 M€ sont réellement destinés aux 18 000 clubs amateurs. Autre exemple qui montre selon lui que le foot français est dans l’erreur, celui de Luzenac : « Ce que les instances ont fait subir au club de Luzenac est indigne ». Emmanuel Petit ne fait pas uniquement que broyer du noir, il évoque une lueur d’espoir avec l’exemple d’un projet d’un club de foot citoyen, celui de l’Académie Internationale Soissonnaise.

Le parallèle avec les méandres du milieu professionnel s’effectue naturellement par l’intermédiaire des luttes de pouvoir des dirigeants. « Noël Le Graët pour la FFF et Frédéric Thiriez pour la LFP, le tandem qui dirige le football français, ne tirent pas notre sport vers le haut, tant leur ambition personnelle les oppose en permanence au détriment de l’intérêt général ». L’argent, les agents qui se gavent, la frilosité des coachs, le manque de spectacle, la formation obsédée par le physique… le Normand passe en revue tout ce qui fonctionne mal : « Nos clubs sont devenus de machines à former pour les autres. L’intérêt sportif est balayé par la rentabilité, privant, de fait, nos clubs de leurs meilleurs talents ».

Evidemment, Emmanuel Petit évoque aussi ses belles années avec Arsenal et l’apport d’Arsène Wenger. Sa complémentarité avec Patrick Vieira, le génie de Dennis Bergkamp, les buts de Thierry Henry, on sent que le milieu de terrain s’est éclaté en Premier League. Du moins avec les Gunners car, sa fin de carrière à Chelsea, après un passage lui aussi difficile à Barcelone, ne lui a pas permis de partir par la grande porte.

L’international (63 sélections) semble affecté et laisse poindre quelques regrets sur ses dernières saisons et la conclusion de son aventure tricolore. Il n’épargne donc pas Jacques Santini, son dernier sélectionneur, ce qui montre que sa désillusion a été à la hauteur de son amour pour le maillot Bleu et La Marseillaise. D’ailleurs, le footballeur est intraitable envers ses successeurs grévistes de Knysna : « Ils n’avaient pas le droit de faire ça (…). J’ai ressenti un profond sentiment de honte. Pas seulement en tant qu’ancien international ou joueur de foot, mais aussi en tant que Français ».

Malgré tout, quand Emmanuel Petit se penche sur sa carrière, rien ne peut occulter le triomphe de France 98 et son but en finale, le millième des Bleus qui plus est. Son succès avec son pays, il le partage avec de grands joueurs français, dont évidemment Zinedine Zidane. Franc-tireur est justement l’occasion pour lui de revenir sur la polémique issue de son premier livre A fleur de peau, en 2008. Pour rappel, Petit avait reproché à Zizou de ne pas s’impliquer assez socialement et d’être plus proche des grands patrons. Beaucoup de bruit pour (presque) rien car « Manu » n’exprime aucune animosité, si ce n’est qu’on découvre une froide indifférence envers un coéquipier avec qui il ne partage pas d’affinité particulière, au contraire de Barthez, Thuram ou Vieira par exemple. Pourtant, l’aura de Zinedine Zidane est telle que ce « clash » a laissé des traces, comme le concède Kader Boudaoud : « Il est clair que ses déclarations ont poussé plusieurs joueurs à prendre leur distance avec lui ». Ce deuxième livre ne va pas pousser vers leur réconciliation, mais, qu’importe, Emmanuel Petit semble bien décidé à se rapprocher d’un football populaire et sincère : « Lors de mes visites autour d’un match amateur, je ne joue pas, je ne triche pas, je suis heureux d’être là (…). Être là, sourire, prendre quelques secondes, c’est aussi ma manière de dire merci à tous ces bénévoles, ces anonymes ».