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Nous continuons notre tour d’horizon des clubs de l’élite chilienne. Cette fois-ci nous passons en revue les clubs du centre du Chili (hors Santiago déjà évoqués). Dans un périmètre de 70 km, il y pas moins de 4 clubs professionnels, dont trois militent actuellement en 1ère division.

Partie 3 : les clubs du Centre du Chili

Deportes UCimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du Chilinion La Calera : C’est le club de la ville de La Calera, nom qui vient de la cal (la « mine de chaux » en français). Elle y était extraite il y a déjà plus de 400 ans dans la zone. La Calera est une petite ville sans grand charme de 50.000 habitants à l’intérieur des terres. Le football est arrivé en train dans la ville contrairement au bateau dans les principales villes qui ont découvert le football à la fin du 19ème siècle. Les ouvriers avaient l’habitude de jouer de petits matchs autour de la gare ferroviaire. Puis c’est en 1908 avec l’arrivée de l’entreprise cimentière Cementos Melon que le football s’y est organisé avec des ligues amateurs entres ouvriers de l’usine. Le club est le résultat de la fusion de cinq clubs, principalement d’entreprises, et qui sera effective en 1954, date de la fondation du club Union La Calera. Du fait de cette fusion, le logo du club reprend un peu de chaque identité des clubs fondateurs, que ce soit à travers les couleurs ou les symboles. Les joueurs et supporters sont surnommés les Cimentiers à l’instar de ceux du club de Cruz Azul au Mexique. On pourrait croire que le club est issu d’une université au vu du grand U de son logo, comme par exemple la U de Chile ou la U de Concepcion, mais ce U ne se réfère qu’au terme Union. Pour information, le club a été présidé par Sergio Jadue, l’homme à abattre actuellement au Chili, toutes catégories confondues, qui a ensuite été président de la fédération chilienne. Le football chilien lui doit, entre autres, la démission de Marcelo Bielsa, puis un vol de plusieurs millions de dollars grâce à des contrats télévisuels farfelus et lui vaut d’être mêlé au scandale de la FIFA et d’être en fuite actuellement à Miami. Grâce à lui le football chilien connait la plus grande crise institutionnelle de son histoire, dont témoigne la gestion catastrophique du départ du sélectionneur de Jorge Sampaoli en janvier, et ce, malgré la victoire en Copa América et une génération dorée de joueurs. Il a d’ailleurs été suspendu en février à vie de la FIFA, et collabore avec le FBI. Peut-être grâce à l’influence de celui-ci, (ou de son big boss, Javier Segovia, un businessman espagnol souhaitant s’emparer de la fédération chilienne) la ville va se doter bientôt d’un stade flambant neuf et assez moderne, que ce soit dans l’architecture ou les normes en tout genre. Il s’appelle Nicolás Chahuán Nazar, le nom d’un ancien président du club l’ayant sauvé de la faillite dans les années 80. Il existait une modeste section féminine jusqu’en 2008 et celle-ci va reprendre dans l’élite chilienne dès la saison prochaine selon une source officielle du club.

L’ancien président du club de La Calera est Sergio Jadue, l’ennemi public n°1 au Chili, qui est entre autres l’homme à l’origine du départ de Bielsa.

Club DeportivoCimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du Chili San Luis de Quillota : ce club récemment promu en première division, est situé dans la ville de Quillota, voisine de de quelques dizaines de kilomètres de Valparaíso et La Calera. Comme son nom l’indique, le club est historiquement et intimement lié à une institution catholique, assez conservatrice. Il s’agit de l’Instituto Rafael Ariztia, qui à l’époque de la fondation du club s’appelait Instituto Quillota. Le club s’est d’ailleurs appelé à sa naissance, en 1919, Ex Elèves de l’Institut Quillota Football Club. C’est en hommage au directeur français (un prêtre de l’ordre des maristes ayant pour nom complet Louis André Tiron et Julien) de l’institut de l’époque de la fondation du club qu’il porte le nom actuel (San Luis). Ce curé mariste a finalement été envoyé continuer sa mission évangélisatrice au Pérou à peine deux après la création du club, où il mourra quelques années plus tard. Ayant marqué l’Institut de son empreinte, les dirigeants du club, en hommage, lui ont donné son (pré)nom. Autre preuve des liens forts entre l’institution religieuse et le club est la similitude des deux logos, restés très semblables dans leurs dessins. Les joueurs et les supporters sont surnommés les Canaris, à cause de la couleur jaune de leur maillot. On peut d’ailleurs observer des canaris sur la place principale de la ville dans une grande volière installée par un ex-président du club.

Cimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du Chili

Le stade de la ville de Quillota tout droit sorti de mes archives personnelles.

Le stade de la ville de Quillota, le Luis Farina (du nom d’un ancien commentateur sportif, imaginez un stade de première division Thierry Roland ou Thierry Gilardi) a la particularité d’accueillir pas mal de rencontres délocalisées d’autres équipes des environs, comme Santiago Wanderers, Everton ou La Calera par exemple. Le Classico est contre Union La Calera qui est le pendant des terres intérieures du Classico de la côte Santiago Wanderers – Everton. Un des plus illustres joueurs étant passé par le club est sans aucun doute le buteur Humberto Suazo et qui vient de terminer sa carrière en décembre au Colo-Colo sur une fausse note. C’est le club le plus titré de Primera B (équivalent de notre Ligue 2), couronné 4 fois. Il faut souligner une jolie petite initiative, car le club a créé sa propre bande dessinée pour se rendre plus attractif auprès du jeune public, même si cela se résume pour l’instant à un simple résumé d’une page de la semaine écoulée. Etant donné que la ville est la capitale productrice d’avocats, le club est sponsorisé par un grand producteur d’avocats. Il n’est donc pas rare de voir trainer les jours de match une mascotte en forme d’avocat.

Cimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du Chili

Quillota, fabrique d’avocats.

Everton de Viña del Cimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du ChiliMar : C’est un club historique, le deuxième club de province le plus titré, avec 4 titres de champion, derrière Cobreloa, mais qui fait l’ascenseur entre la première et deuxième division depuis 2010 et est actuellement au second échelon national. Mais c’est surtout le 1er club hors de Santiago à s’adjuger le titre national, en 1951. C’est le club de la ville de Viña del Mar, la deuxième grande ville de la région, station balnéaire bling-bling par excellence. Le club a été fondé le 24 juin 1909, c’est donc un club déjà centenaire, par des immigrés anglais mais…. à Valparaíso, la ville voisine qui partage la baie avec Viña del Mar. On ne connait pas exactement les détails du pourquoi et du comment de son nom, mais il ne fait aucun doute qu’il est lié au club homonyme de Liverpool, même si une version circule que ce serait à cause d’un bonbon, « toffee », de l’époque. Ce n’est finalement qu’en 1943 que le club déménage à Viña del Mar, à cause de divergences avec la ligue de football de Valparaíso. Aujourd’hui le club est totalement associé à Viña del Mar. Tout au long de son histoire, le club a abrité plusieurs disciplines sportives, dès sa fondation même, avec l’athlétisme (qui a même eu quelques champions d’Amérique Latine), la natation, le badminton, rugby, gymnastique, au fur et à mesure abandonnés. Seul le basket a vraiment perduré jusqu’en 2009. Ce n’est qu’en 1930 que le club s’est consacré quasi exclusivement au football. Viña del Mar est donc une station balnéaire très réputée au Chili et dispose d’un casino, lui aussi très fameux dans tout le pays. La ville est très liée à celui-ci, qui d’ailleurs s’engage depuis les années 70, à financer tous les ans à hauteur de 0,03% de ses bénéfices, le club. C’est d’ailleurs à cause de cette relation étroite que l’on surnomme les suuporters les Ruleteros, que l’on pourrait traduire par « les adeptes du casino », ou les « flambeurs ». La ville est aussi très connue pour son festival de musique, au-delà même des frontières chiliennes, dont la dernière édition vient de s’achever. Un autre surnom du club est le « Ever for ever » qui est aussi l’hymne officieux très kitsch du club.

https://www.youtube.com/watch?v=PyDjxdBXqR8

En 2010, un match historique a eu lieu entre Everton(s), à Liverpool, réunissant pour la première fois les deux clubs homonymes. Le club joue en bleu et jaune dans les années 20. Puis afin d’avoir un jeu de maillot correct, un représentant du club avait été envoyé en Argentine pour trouver un modèle bleu et jaune à rayure verticale. N’ayant pu trouver ce modèle il a fait parvenir des maillots de Boca Juniors qui ne correspondaient pas au modèle souhaité mais au moins aux couleurs demandées. Ceci expliquant la forte ressemblance avec ceux du grand club argentin.

En 2010, un match historique a eu lieu entre Everton(s), à Liverpool, réunissant pour la première fois les deux clubs homonymes.

L’ex-président Salvador Allende fut membre du club dans les années 20 à son adolescence. Le club a eu une équipe féminine assez compétitive qui a notamment représenté le Chili lors de la première édition de la Copa Libertadores Féminine, et est même arrivé en finale l’année suivante, perdant contre les joueuses de Santos, au Brésil. Everton est aussi le premier club champion de foot féminin du Chili, sacré lors de la première édition du tournoi national, en 2008. La section a finalement été dissoute en 2014 à cause des faibles résultats sportifs des dernières années. Le Classico se joue contre le club voisin de Valparaíso, et on le surnomme le Classico du Port (bientôt rebaptisé Portico ou  Puertico, au choix, par les journalistes de Canal +), car les deux villes se partagent la magnifique baie de Valparaíso.

Club de Cimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du ChiliDeportes Santiago Wanderers : Voilà un nom bien étrange pour un club de évoluant à Valparaíso, la deuxième ville du Chili, surnommée la « Perle du Pacifique ». Mais ce n’est pas une erreur, c’est bel et bien le club de ce port historique du pays, à 1h30 de la capitale, Santiago. Cela demande un petit peu d’explication et d’histoire, car oui, le club de Santiago Wanderers fait partie de l’Histoire. C’est le club doyen du pays, fondé un 15 août 1882. Mais ce n’est pas le premier club. Car le premier a lui aussi été fondé à Valparaíso, mais sous le nom bien plus logique de Valparaíso Wanderers, mais par des immigrés anglais, quelques années auparavant. Mais des jeunes chiliens, souhaitant populariser ce nouveau sport, jusque-là réservé à une élite immigrée anglaise, décident de créer un club pour les Chiliens. Par opposition, et pour marquer d’un sceau chilien ce club, ils décident de l’appeler du nom de la capitale de leur pays, Santiago. Quant au terme Wanderers, qui signifie vagabond, dans le bon sens du terme, au sens voyageur, curieux, bohème, vient du club anglais de Wolverhampaton Wanderers, un des plus anciens clubs du monde, le club à la mode à l’époque. Le nom du club est tellement ancré dans l’identité de la ville, que malgré les tentatives de plusieurs dirigeants, et face aux refus catégoriques des supporters, le club n’a jamais pu changer de nom, alors même que le Valparaíso Wanderers n’existe plus depuis 1919. C’est un club relativement apprécié dans tout le Chili, il est d’ailleurs souvent surnommé affectueusement « Wanderito », le « Petit Wanderers ». Le club a commencé par évoluer en blanc, puis les dirigeants ont envoyé faire faire les maillots en Europe, qui sont revenus verts avec un short blanc, ce qui serait en hommage à la sélection d’Irlande par celui qui les a fait faire. C’est le club où a évolué le plus grand joueur chilien de tous les temps, Elias Figueroa Brander, dont le stade municipal porte le nom, toujours en vie.. Il est aussi un joueur historique de l’Internacional de Porto Alegre, pour avoir marqué le but offrant le premier de l’histoire du club brésilien. Le groupe de supporters principal du club, plutôt politiquement à gauche, s’appelle « Los Panzers », en référence au surnom donné à l’équipe championne en 1968.

Cimentiers, Canaris, Perroquets et avocats à toutes les sauces : bienvenue au centre du Chili

L’équipe championne en 1968, surnommée les Panzer.

On surnomme aussi assez les joueurs « Caturros », juste à cause de la couleur verte du perroquet appelé caturra. Son nom a été masculinisé pour éviter tout type de blague de la part des supporters adverses. Il y a une très grosse rivalité avec Everton (qui pourrai se résumer à une rivalité entre bourgeois de Viña del Mar contre les populaires du port de Valparaíso) ainsi qu’avec Colo Colo comme l’a souligné le récent affrontement entre supporters en plein stade. Le club a une équipe féminine depuis 2007 mais aussi une section handball depuis 2003 (qui s’est d’ailleurs qualifiée en demi-finale du championnat national il y a quelques jours) et depuis 2004 une section féminine de hand. Cette section est plutôt gérée par les Panzer, le groupe de supporters historique. Il existe une équipe filiale en Suède, terre d’émigrations de nombreux exilés politiques chiliens, fondé en 1993 qui est tout de même un club semi-professionnel évoluant en 4ème division suédoise, le Santiago Wanderers IFK, reconnu un an plus tard par les Chiliens. L’actuel entraineur actuel est un Uruguayen, Alfredo Arias, une espèce de Pepe Mujica du foot. Un mec simple qui a dû vendre de la viande dans la rue après la fin de sa carrière de joueur professionnel. Il a d’ailleurs entraîné, et a été champion, avec le Montevideo Wanderers, club homonyme en Uruguay. Les deux clubs, modestes par leur budget dans leurs pays respectifs, ne se qualifient que rarement pour la Copa Libertadores. Mais après plus d’une trentaine d’année d’absence chacun, ils se sont qualifiés la même année : le tirage au sort les a mis dans le même groupe et a donc permis une rencontre entre homonymes assez improbable.

Alfredo Arias se justifiant après avoir engueulé en plein match un supporter de son équipe ayant insulté un des joueurs du centre de formation et le qualifiant même de traitre.

Pour finir avec un peu d’humour, j’ai entendu au stade un surnom auto-ironique de la part des supporters, suite à trois passes réussies à la suite, vu que c’est une grande région productrice, et que le club joue en vert, l’Avocat Mécanique (« Palta mecanica » en VO).

La suite au prochain épisode avec, pour finir, les clubs du sud du Chili.