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Les observateurs du championnat de France se rappellent tous de Koji Nakata, tristement rendu célèbre par son contrôle raté face à Saint-Etienne. Bien moins nombreux sont ceux qui se souviennent de Matsui, très bon au Mans, avant d’être un peu moins mis en lumière avec Saint-Etienne et Grenoble. Enfin, qui se souvient qu’Ahn et Inamoto ont joué respectivement à Metz et à Rennes ? C’est à peu près tout, là où les autres championnats européens ont pris habitude de puiser dans le vivier que représente le continent asiatique. Pourtant, les avantages sont nombreux.


Le premier auquel peuvent penser les clubs est financier. Ce serait mentir que de le nier : ces joueurs permettent à un club de rayonner au-delà de son habituelle zone de chalandise. Inamoto, éphémère joueur d’Arsenal, était surnommé « tee-shirt » par les supporters des Gunners, amusés par le nombre de maillots vendus au Japon grâce à lui, malgré le fait qu’il n’ait jamais disputé la moindre minute avec l’équipe première. Celui de Kagawa faisait également partie du top 10 des maillots les plus vendus au monde en 2013, malgré un statut loin d’être indiscutable à Manchester. Les Asiatiques sont fous de football, et les clubs l’ont bien compris, notamment en Angleterre ou en Espagne, où la programmation des matches en début d’après-midi a permis de faire exploser les droits TV. En Thaïlande, il y a même une chaîne exclusivement consacrée à la Premier League. Et comme si ce gain ne suffisait pas, l’acquisition de joueurs évoluant en Asie se fait à bas coût, puisque les meilleurs éléments ne peuvent être retenus par des clubs locaux qui ne peuvent pas proposer un challenge sportif ou un salaire comparable à ce qu’on trouve en Europe. Un faible coût, des revenus accrus, une rentabilité assurée : le rêve de tous les financiers souvent confrontés à des choix d’investissement plus risqués.

Les Asiatiques sont fous de football, et les clubs l’ont bien compris.

Mais résumer la présence de joueurs asiatiques en Europe à un intérêt pécunier serait insultant, et erroné. Aujourd’hui, de nombreux joueurs ont prouvé qu’ils avaient leur place sur le Vieux Continent. Hidetoshi Nakata, en succédant aux Cha Bum-Geun, Okudera et Miura, a ouvert la voie du foot moderne aux ressortissants asiatiques. La star japonaise était un meneur de jeu de très haut niveau, qui s’est distingué des années par son excellent sens de la passe. Ono, vainqueur de la Coupe UEFA avec le Feyenoord, Kagawa, double champion d’Allemagne et champion d’Angleterre, Nakamura, meilleur joueur et champion d’Ecosse avec le Celtic, et surtout Park Ji-Sung, ultra-performant et titré avec le PSV Eindhoven et Manchester United, sont les exemples les plus marquants. Aujourd’hui, et même s’ils n’empilent pas forcément les buts ou les trophées, de nombreux joueurs font le boulot aussi bien que leurs homologues européens, africains ou sud-américains. Hasebe, Uchida, Son, Inui, Sakai, Kiyotake en Allemagne, Yoshida et Ki en Angleterre, Honda et Nagatomo en Italie… Voici une liste, non-exhaustive, de joueurs qui apportent satisfaction en Europe. Si aucun d’eux n’est le meilleur joueur du monde, tous disposent de temps de jeu, et sont appréciés de leurs entraîneurs et supporters, et bien sûr, par les télévisions, qui n’ont pas hésité cette saison à surnommer le match entre Mayence et Dortmund le « Shinji derby », en référence à Kagawa et Okazaki. La Bundesliga est d’ailleurs la terre d’asile privilégiée des ressortissants nippons.

Sans vouloir caricaturer les choses en les opposant aux Africains « grands et physiques », les Asiatiques sont pour la plupart des joueurs mobiles, qui misent plus sur leur technique et leur sens de la passe, pour compenser un déficit de puissance. Peu enclins à vouloir être dans la lumière au détriment des autres, y compris le mégalo Nakata qui était collectif dans son jeu malgré son côté bling-bling hors des pelouses, ces joueurs pensent d’abord à l’équipe, et ont une forte capacité d’auto-gestion. En effet, on ne risque pas de voir Kagawa écumer les bars ou boîtes de nuit de Dortmund…

Si le respect des anciens, très ancré dans leur culture, a freiné l’essor de ces joueurs parfois incapables de s’affirmer, l’arrivée d’entraîneurs étrangers a modifié la donne. Troussier, sélectionneur du Japon lors de la Coupe du monde 2002, expliquait qu’il avait été forcé à apprendre à ses joueurs qu’ils n’avaient pas le temps de demander la balle à leur gardien en l’appelant « Monsieur Kawaguchi », et qu’il n’y avait rien d’irrespectueux au fait de rentrer dans le lard face à un adversaire plus âgé, si le duel l’exige. La formation progresse en Asie, notamment grâce à la venue de coachs européens et sud-américains, qui permettront aux joueurs qui ne sont pas repérés dès leur adolescence par les clubs européens de s’épanouir auprès de vrais spécialistes.

L’éclosion de bons joueurs, en Chine ou en Inde

Si l’avance prise par les deux locomotives du continent, à savoir le Japon et la Corée du Sud, est indéniable, on pourrait assister dans quelques années à l’éclosion de bons joueurs dans le reste de l’Asie, en Chine et en Inde notamment, où les moyens sont là, même s’ils sont mal exploités pour le moment. Car ne nous voilons pas la face : ce sont les moyens financiers qui permettent de faire venir les experts étrangers, et provoquer une montée en puissance du football local, à l’image de ce qui s’est passé au Japon, lors de la création de la J-League.

Il ne faut pas nécessairement s’attendre à ce qu’un joueur du niveau de Messi ou Ronaldo ne fasse son apparition d’ici peu, ou que chaque joueur issu d’Asie ne s’impose comme titulaire indiscutable en Europe. Néanmoins, il serait temps, pour les superviseurs français, de se pencher sur un continent en plein développement, qui représente déjà une alternative crédible en termes de recrutement, aussi bien sportivement que financièrement.