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Juillet 2011, Qatar Sports Investments met la main sur le PSG, avec une ambition affichée : devenir la nouvelle place forte du football européen. Le projet titanesque de ces investisseurs aux moyens illimités a-t-il une chance de se concrétiser ? Analyse des enjeux auxquels devra faire face ce PSG nouveau.

Retour sur cet été 2011, qui voit la presse sportive hexagonale entrer en ébullition. Ca y est, les Qataris sont à Paris, pour faire du PSG le plus grand club du monde. Chaque nouvelle édition apporte son lot d’improbables rumeurs, les serveurs de footmercato.net sont saturés, lequipe.fr lance dix infos à la minute, tandis que le nouveau président, Nasser Al-Khelaifi, vient juste de localiser Paris sur la carte du Monde.

Alors que même l’œil de Sauron est braqué sur le Camp des Loges pour y voir la première star descendre de sa Ferrari, les premiers renforts parisiens ne sont pas du standing espéré. Douchez, Matuidi et Gameiro, trois valeurs sûres de notre bonne vieille ligue 1, viennent renforcer les rangs franciliens, pour ce qui s’annonce une transition en douceur. Ou pas.

Le Qatar peut-il perdre son Paris ?Antoine Kombouaré, qui restait sur deux bonnes saisons à la tête de l’équipe, voit arriver dans ses pattes une autre légende de la maison Rouge-et-Bleue : Leonardo. Bombardé manager général, il sera surtout l’interprète (interprèèèète !) légitime entre le club, ses supporters, ses dirigeants, et l’Europe du football. Il est la pierre angulaire du projet, celle qui marque le début d’une nouvelle ère.

Avec son carnet d’adresses au parfum transalpin, Leonardo va mettre en place une autoroute entre Paris et l’Italie, pour rapatrier Menez, Sissoko, et dénicher Sirigu et surtout Pastore, pour le plus gros transfert de l’histoire de la L1(1), rejoints sur le tard par Lugano. Pour les supporters, ce changement de standing à un prix : une augmentation de 30% des prix des abonnements. Et à l’orée de ce championnat 2011/2012, un premier accro se dévoile.

« Le Parc, c’était mieux avant »

Rapidement, le public parisien se scinde en deux clans. Ceux qui sont attirés par la nouveauté, qui veulent voir autrement qu’à Téléfoot le talent d’el Flaco, et la possibilité de gagner autre chose de la Coupe de la Ligue. Et les autres. Les nostalgiques de la grande époque, ceux qui ont connu Boulogne, Auteuil, le temps où l’ultra n’avait pas une étiquette d’hooligan. Ce temps qu’a balayé le Plan Leproux, et qui est maintenant remplacé par une aseptisation des groupes de supporters, allant jusqu’à la création de tifos officiels par le club. L’amertume des fans parisiens –relatée par l’excellent reportage Parc de William S. Touitou et Jérôme Benadiner – sera exacerbée par la déclaration du président, qui souhaite quitter le mythique Parc des Princes, jugé trop petit et trop vétuste.

Et si Leonardo vient jouer les pompiers de service en parlant de simple rénovation pour l’Euro 2016, la direction se rend compte que tout l’or du Qatar ne pourra pas acheter la passion des fans.

Montpellier, caillou dans la babouche

Pourtant, Paris va avoir rapidement besoin de ses supporters. Avec un effectif largement remanié, les automatismes ont du mal à se créer, et l’équipe balbutie son jeu, alternant le très bon, comme à Montpellier, comme le très mauvais, avec en point d’orgue la défaite 3-0 chez l’ennemi marseillais. Profitant de la relative stabilité instaurée par le Kombouaré, et de la faiblesse des adversaires directs, le PSG vire pourtant en tête à Noël. Ca ne sauvera pourtant pas le kanak, qui sera remercié – un gros chèque en poche – au profit de Carlo Ancelotti. Le technicien arrive avec Alex, Maxwell et Thiago Motta en cadeau de bienvenue afin de s’assurer le titre de champion.

Ce nouveau pas vers la rupture se sera pas payant. Malgré un parcours plus qu’honorable (plus de deux points par matchs en moyenne), c’est la bande à Loulou qui est couronnée, et qui prive le PSG de son premier sacre de l’ère QSI. Partie remise donc, puisqu’en coupe Dijon et Lyon mettent aussi des bâtons dans les roues des coiffeurs parisiens.

Nasser sort le carnet de cheikh

Qu’à cela ne tienne, été 2012 les dirigeants injectent 300M€ dans les caisses parisiennes (l’équivalent des dix plus petits budgets de L1 réunis), et une flopée de noms ronflants rejoignent la dream-team en construction. L’axe Paris-Milan marche à plein régime, et QSI dérégule le marché des transferts en payant rubis sur l’ongle Thiago Silva, Ibra, Lavezzi, Verratti et Van der Wiel, tout en mettant le grappin sur Lucas Moura, dont l’arrivée sera différée.

Le Qatar peut-il perdre son Paris ?Mais en dépensant sans compter, et en utilisant le salaire comme levier de persuasion, QSI met en péril la stabilité financière du club, qui sera soumis au fair-play financier (2) dès 2013. Si les ventes de maillots, les revenus du sponsoring et de la billetterie se sont accrus, les charges engendrées par les salaires faramineux rendent le club dépendant des pétrodollars. La masse salariale explose pour flirter avec les 95M€ par saison, soit 50% de plus que celle de l’OM. Et si Paris sait acheter, le club ne tire en revanche aucun bénéfice de ses ventes (Néné, Hoarau, Luyindula, Ceara).

Une formation au ralenti

Pointée du doigt par l’éphémère président Michel Moulin (avril-juillet 2008), la formation est hélas épargnée par les investissements qataris. Le PSG a la particularité d’être la seule équipe en Europe à posséder un vivier de jeunes talents de la taille de l’Ile de France, sans subir de concurrence de la part d’une autre équipe. Alors que la formation pourrait être un pari sur l’avenir (à l’instar du titre montpelliérain, ou de l’exemple rennais), le club continue à voir des jeunes talents lui passer sous le nez, sans en profiter. Les Drogba, Trezeguet, Henry, Viera, Thuram ou autres Wiltord, Evra, Ben Arfa et Diaby ne sont que des exemples d’une liste trop longue de joueurs passés par l’Ile de France en sautant la case PSG.

A l’heure actuelle, le temps de jeu culminé par les quatre joueurs réglementaires formés au club (3) ne laisse pas entrevoir la possibilité d’une relève montante sur laquelle le club pourrait s’appuyer.

Une souveraineté nationale suffisante ?

Encadrée actuellement par les deux Olympiques au classement, la formation parisienne est amenée, à moyen terme, à régner durablement sur la ligue 1. Parce que la différence de moyens entraînera une différence de niveau trop importante, parce qu’un Montpellier ne se dressera pas tous les ans en travers de sa route, et parce que ses rivaux évoluent dans un univers économique normal, l’hégémonie parisienne sur la décennie à venir ne fait que peu de doutes. Mais a quel prix ?

Si le PSG n’accroche pas de couronne continentale à leur palmarès, l’Hexagoal perdra peu à peu de sa saveur. Et comme la France n’aime ni les riches, ni les vainqueurs, elle souhaitera sa chute, comme elle a souhaité celle du grand Lyon ; moquera ses défaites, guettera ses crises, et jalousera ses victoires. Et Manchester City, tombé en phase de poules depuis quatre ans, peut témoigner que sur la scène européenne, l’argent ne fait pas le bonheur.

Préserver l’attractivité

Difficile de séduire un Cristiano Ronaldo

Qualifié pour les 8èmes de finale de la Ligue des Champions, le PSG est en phase de devenir la locomotive de la ligue 1 en Europe. Mais les wagons sont lourds à tirer, et le manque d’attractivité de notre championnat nuit au développement du projet de QSI. Difficile de séduire un Cristiano Ronaldo en lui faisant miroiter un duel de titans sur le synthétique de Nancy, par -5°, contre onze défenseurs.

Autre problème, Paris semble être devenu un cimetière d’internationaux. Barrés par une concurrence accrue, Gameiro et Hoarau ont déjà perdu leurs tuniques bleues, tandis que les places de Jallet, Menez et Sakho sont menacées. Seul Matuidi à profiter du projecteur parisien pour se faire une place au soleil.

Le facteur argent est encore une fois capable de stimuler l’attractivité du club, mais il doit s’utiliser sans bafouer les valeurs qui ont fait de Paris une des équipes les plus populaires de France. En recrutant des mercenaires, changeant de logo, de stade, de maillot et de nom, les investisseurs Qataris prendraient un virage dangereux qui mettrait en péril les fondements et l’histoire du club.

Au cœur d’une saison prometteuse, le PSG est en fait à la croisée des chemins. S’il tourne le dos à son histoire, ses supporters et ses valeurs ; s’il n’équilibre pas ses finances, et continue à laisser la formation de côté, le club parisien ne pourra pas se reposer uniquement sur des résultats nationaux pour prendre sa place sur la planète foot. Si Paris utilise l’argent de ses investisseurs comme unique ciment, l’édifice risque de s’effondrer prématurément, laissant de profondes cicatrices au football français. La route vers un succès pérenne passera nécessairement par la fédération d’une institution PSG, regroupant et catalysant tous les efforts mis en place, afin de devenir mas que un club. Pour que le rêve de QSI ne soit pas vain.

Le Qatar peut-il perdre son Paris ?

En vert, quelques arrivées de qualité depuis celle de Carlo

(1) Estimé à 42M€, le transfert de Pastore est à nuancer : acheté en même temps que Sirigu à Palerme, le prix de l’argentin a été gonflé, afin de compenser le faible coût du portier, pour qui Palerme devait reverser à son ancien club une partie du transfert.

(2) Instauré par Michel Platini, le fair-play financier oblige l’équilibre entre les recettes et les dépenses d’un club. En cas de non respect, les sanctions peuvent aller jusqu’à l’exclusion des compétitions européennes.

(3) Pour jouer en Ligue des Champions, un club doit inscrire un minimum de quatre joueurs formés au club. Paris n’en compte que quatre (Chantôme, Rabiot, Sakho et Aréola) ; ce qui exclu tout départ de l’un d’entre eux.