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Récits

Cher football, où es-tu passé ?

Écrit par 02/05/2021No Comments

Cette année 2020 laissait présager un avenir sombre pour le monde du ballon rond. Un contexte sanitaire complexe nous privant ainsi depuis plus d’un an des rassemblements, des chants, des explosions de joie dans les stades qui nous faisaient pourtant autrefois autant vibrer.

S’ajoute à cela le fiasco des paiements des droits télévisés par Mediapro laissant les clubs français dépourvus d’une part non négligeable d’un budget pourtant vital. Pensions- nous alors que la menace de la Superleague allait pointer le bout de son nez procurant pendant « seulement » deux jours des sueurs froides aux amoureux du football ? N’entrons pas dans les détails de la création de cette compétition privée, qui est d’ailleurs bien plus complexe que cela, mais interrogeons-nous plutôt sur la beauté de notre sport fétiche. Le football est en perpétuelle évolution et sa popularité dans le monde entier s’articule autour de plusieurs valeurs, facteurs qui, indéniablement, nous font vibrer en dépit de toutes ces péripéties.

L’émotion

Que peut-on demander de plus à un sport qui nous procure autant d’émotions ? Evidemment, on pense à ces moments de fédération et de communion entre les hommes et femmes d’un même pays, d’une même ville se rassemblant pendant un court instant autour d’un intérêt commun. Celui d’une victoire en Coupe du Monde, d’un parcours en Coupe de France ou d’un maintien in extremis à la 38ème journée. Oui, le football, n’en déplaise à certains, nous aura fait pleurer. De tristesse, lors d’une finale de 2006 dans une douce nuit berlinoise et de joie, en regardant des visages émerveillés d’une équipe bleue exilée en Russie en 2018. Certes, cette émotion nous manque et nous pouvons seulement nous restreindre à la tristesse d’une diffusion télévisée montrant un stade vide dépourvu de ses gradins gracieusement garnis. Mais qu’importe, cette émotion, c’est certain, nous la retrouverons, le plus tôt possible.

L’incertitude

Les parieurs sportifs la redoutent, la haïssent même, mais elle donne toutefois un charme particulier au football. Celui que rien n’est jamais gagné d’avance et que personne ne peut deviner avec exactitude la physionomie d’une rencontre.

Pouvait-on croire en août 2015 que Leicester finirait champion d’Angleterre pour la première fois de son histoire quelques mois plus tard ?

Le football est si majestueux par ces histoires incertaines et c’est d’ailleurs par l’incertitude que nous vibrons autant devant un match de football. Se remémorer des moments inoubliables comme cette finale de Ligue des Champions entre le grand Milan AC et le Liverpool de Djibril Cissé décrochant la coupe aux grandes oreilles après avoir remonté trois buts en une mi-temps ou l’égalisation de Sylvain Wiltord en finale de L’Euro 2002 contre des Italiens qui se voyaient pourtant déjà sacrés alimente cette passion que l’on a pour le football. Si tout était écrit à l’avance, il n’y aurait probablement aucun intérêt à regarder un match et même à se rendre au stade.

Le petit poucet

Le terme est étroitement lié à la notion de l’incertitude mais c’est bel et bien en France qu’il prend tout son sens. La Coupe de France permet à tous les clubs de football, professionnels comme amateurs, de jouer et de réaliser le plus beau parcours possible jusqu’à la finale dans l’emblématique Stade de France. L’idée que les petits rencontrent les grands clubs rend cette compétition si particulière et représente l’essence même du football. Marcelo Bielsa réagissait quelques jours plus tôt à la Super League en défendant à son tour les valeurs du football : « Ce qui rend la compétition formidable, c’est la possibilité pour l’une des équipes faibles de se développer, pas de voir les grandes équipes s’affronter ». Qu’une équipe d’amateurs travaillant la semaine parvienne à renverser une équipe professionnelle nous enchante. Après Calais en 2000, Carquefou en 2008, le mérite revient cette année aux joueurs de Rumilly-Vallières qui affronteront Monaco lors d’une demi-finale historique. Certes, la victoire finale fin mai sera compliquée mais peu importe, ce genre de belles histoires rend notre football tellement populaire.

L’injustice

On a tous connu des matchs qui se sont mal finis. Quand tout ne se passe pas comme prévu, l’injustice énerve, dégoûte. Elle se présente sous deux formes différentes. D’une part, quand une équipe domine de la tête au pied une rencontre ne laissant aucun espace à son adversaire, multipliant les occasions, les tirs, les situations de jeu mais au coup de sifflet final, c’est bel et bien l’adversaire qui remporte le match : le fameux hold-up. On en voit davantage en jouant sur FIFA mais ce genre de matchs ne laisse personne indifférent. D’autre part, l’injustice se traduit par les scandales d’arbitrages. Même si la VAR (Video Assitant Referee) est apparue ces dernières années pour « tenter » de corriger des erreurs manifestes, les erreurs d’arbitrage ont marqué l’histoire de plusieurs matchs de légende.

L’attentat du portier allemand Schumacher heurtant de plein fouet Battiston sans même être inquiété d’un carton jaune et pire, sans bénéficier d’une faute pour les Français lors de cette Coupe du Monde 1982 sont dans nos mémoires.

Ce sont des moments qui marquent les esprits comme ce soir de demi-finale de Ligue des Champions entre Chelsea et Barcelone en 2009. Iniesta, d’une frappe somptueuse, crucifiait les Blues de Didier Drogba resté célèbre ce soir là pour avoir lâché devant la caméra « a fucking disgrace » (« une putain de honte ») après les multiples erreurs d’arbitrage de l’arbitre norvégien de la soirée Tom Henning Ovrebo, qui a dû d’ailleurs refaire sa vie loin des terrains de football puisqu’il avait reçu des menaces de mort.

Plus récemment, on a tous en tête la remontada ; qui est d’ailleurs devenue par la suite un terme célèbre, du FC Barcelone face au Paris-Saint-Germain en 2017. Même si le PSG reculait au fur et à mesure de la partie, le Barça a bien été aidé par l’arbitre de la soirée, Denis Aytekin qui avait, entre autres, oublié de siffler un pénalty sur Di-Maria et a préféré en accorder un plutôt généreusement sur Luis Suarez à la fin de la rencontre. Si l’erreur est humaine, ce genre de soirées restera forcément dans l’histoire de notre football.

La beauté du geste

Ne peut-on pas s’extasier devant un match de foot ? Admirer l’élégance d’un joueur, la finition d’un buteur ou la qualité collective d’une équipe ? Le geste dans le football alimente et construit nos souvenirs au fil de son histoire. Certains joueurs, même, délivrent des émotions à travers leurs gestes techniques et l’on pense tout naturellement à Zidane et ses roulettes ou son élégance hors du temps lors de ce France-Brésil 2006. Le célèbre joueur de football italien, Del Pierro, évoluant avec Zidane à la Juventus de Turin, le qualifiait de danseur de ballet. Juan Pablo Sorin, footballeur argentin affirmait que « s’il y avait la peinture avant Zidane, elle a été embellie par ses pinceaux magiques ». Enfin Nakata, célèbre joueur japonais, soulignait que « ce n’est pas simplement un joueur de foot, c’est un joueur de musique classique, quand il joue, on croit entendre des notes de la musique classique ». Zidane est donc comparé aux principaux arts présents dans notre monde. Il est le protagoniste irrationnel du joueur qui, par son élégance et son charisme, a rendu le football plus beau. On parlera même de geste « zidanesque » comme si le joueur était mythifié par les autres footballeurs. Ces grands joueurs ont fait évoluer notre sport au fil du temps : les virgules de Ronaldinho, le retourné acrobatique de Ronaldo ou la vision du jeu de Xavi ou de Pirlo ont fait du football un spectacle dans lequel le public n’a plus qu’à se laisser emporter par la beauté du geste.

Stades et supporters

Ces protagonistes, prenant pendant 90 minutes le rôle de 22 acteurs, déambulent sur la pelouse d’un stade. Qu’on assiste au match de son petit frère derrière la main courante d’un stade campagnard ou qu’on se remémore son premier regard sur le gazon du Stade de France, cela procure des sensations inoubliables. Les chants, les clameurs, les groupes d’ultra, les tifos, les fumigènes, les olas, les sifflets, les cris ou bien les pleurs transforment un match de football quelconque en spectacle animé. Certains stades et ambiances restent même gravés dans l’histoire du ballon rond : « Le Théâtre des Rêves » de Man U qui démontre bien le côté divertissant du football, le « You Never Walk Alone » des supporters de Liverpool à la suite de la victoire face à Barcelone ou à l’échelle nationale, les supporters lensois qui embrasent leur stade Bollaert à la mi-temps sur la mélodie du regretté Pierre Bachelet sont, pour un fan de football ou non, des frissons garantis.

Certains stades sont même depuis peu des « prétextes » de voyage et rentrent parfois dans les programmes de tours -opérateurs comme la visite du Camp Nou à Barcelone ou du Santiago Bernabeu à Madrid. Certains auront la chance de visiter les vestiaires, d’autres de pourront seulement passer devant mais l’émotion d’une soirée au stade rend ce sport si spécial.

La pratique universelle

Le football est également populaire par sa codification universelle : des règles simples pour tout le monde et la légèreté de l’équipement pour les pratiquants. Seuls des buts et un ballon sont nécessaires pour départager deux équipes. Quand on n’a pas la possibilité de se rendre sur un terrain de football, pourquoi de pas utiliser des pulls dans une cour de récréation pour faire office de buts et commencer un match ? On peut jouer à 11 contre 11 ou à 5 contre 5 dans les complexes sportifs, ce qui rend le football si abordable. A la plage, dans un champ, sur une plage ou en bas d’un immeuble, le ballon rond est partout et fait partie intégrante de nos quotidiens là où aux Etats-Unis le basket a une place importante.

Rêver

Le football, c’est ça : le mélange de toutes ces émotions qui peuvent nous faire du bien, comme du mal. Elles tendent même à faire rêver les enfants quand ceux -ci tentent d’imiter leurs idoles, répétant gestes et célébrations en espérant un jour fouler à leur tour la pelouse du stade de leur club de cœur. On pourrait écrire sur le football pendant des heures, écrire des livres, parler de tactiques et de buts entre copains autour d’un bon verre et c’est ce que nous aimons dans le football. Alors certes, il est légitime de parler de toutes les dérives financières, des salaires ou de la création élitiste d’une compétition mais la beauté d’une pratique n’est que majestueuse et spectaculaire que si l’on se souvient qui l’a créée et pourquoi, comme nous l’avons rappelé ci-dessus, elle nous fait autant vibrer. Une chose est sûre, le ballon rond connaît plusieurs crises, de l’absence des supporters au déficit de plusieurs clubs, mais le football c’est aussi ça, le meilleur comme le pire.