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Andrea Agnelli, président de l’association européenne des clubs, a indiqué qu’il travaillait avec l’UEFA sur une refonte de la C1 pour la période post-2024.

A quoi ressemblera la nouvelle Ligue des Champions ?

La plus prestigieuse des compétitions européennes, déjà remaniée dans les années 90, va voir son format largement évoluer à l’avenir. Avec son lot de business et d’inégalités.

Un projet encore flou

Mardi, en marge du congrès de l’ECA, l’association européenne des clubs, c’est une petite bombe qu’a lâché Agnelli : « Il y aura une nouvelle Super Ligue des champions en coopération avec l’UEFA », annonce celui qui est aussi le président de la Juventus. En laissant planer le doute sur les détails de ce nouveau format, évoquant simplement « le début d’un périple entre toutes les parties prenantes du football professionnel, avant de prendre une décision formelle ».

Cette déclaration intervient dans un contexte de tensions entre l’UEFA et les instances dirigeantes de club, agacées de devoir se plier aux exigences du fair-play financier. Une première réunion entre l’ECA et l’UEFA s’est tenue la semaine dernière pour évoquer une nouvelle refonte de la C1, et d’autres discussions sont prévues avec les Ligues nationales et le syndicat des joueurs. La saison dernière, la Ligue des Champions s’était déjà pliée aux exigences des cadors européens, en accordant quatre places automatiques aux 4 grands championnats (Liga, Premier League, Bundesliga et Serie A). A l’horizon 2024, on prévoit désormais un tableau de 32 équipes où seules les quatre moins performantes n’auraient plus leur ticket pour la saison suivante. Certains évoquent aussi des matches le week-end qui nuiraient forcément à l’attractivité des championnats nationaux. Rien qu’à voir l’essentiel des transferts des joueurs de football par pays, on comprend. On est bien loin de la Coupe des clubs Champions d’antan qui venait sacrer le Celtic Glasgow, Nottingham Forrest ou le Steaua Bucarest.

Vers une Ligue européenne fermée ?

« Les grandes équipes… The champions ! »

La Coupe au grandes oreilles reste une trophée à part, avec une musique, des histoires et des rencontres mythiques. Mais, si les supporters en rêve, les organisateurs ne sont pas en reste : la Confédération européenne prévoit déjà une hausse de 40% de ses revenus pour la période 2018-2021. Avec l’explosion des droits TV, l’enjeu financier est tel que les grands clubs n’hésitent pas à faire pression sur l’UEFA… en menaçant de créer une nouvelle Ligue Européenne fermée, libre et indépendante. S’agirait-il de cette fameuse « Super Ligue des Champions ? »

A quoi ressemblera la nouvelle Ligue des Champions ?

Le Real Madrid, club le plus riche du monde, a remporté les 3 dernières éditions. Un pur hasard ?

Nier cette éventualité serait bien risqué. La phase de groupes de la Ligue des champions n’a jamais été aussi déséquilibrée et prévisible que lors de la période 2015-2018, si l’on en croit le dernier rapport de l’Observatoire du football CIES. En ce sens, les victoires successives du Real Madrid obéissent à une logique économique implacable. Pourtant, les surprises Wolsburg, Leicester ou l’Ajax cette année, prouvent que l’exception reste possible. Une C1 fermée condamnerait définitivement toute équité sportive, quand déjà le hasard se réserve aujourd’hui à une poignée de privilégiés. « Nous sommes à un croisement, explique Pierre Rondeau, co-auteur de l’ouvrage Le foot va-t-il exploser ? (Broché), interrogé par  L’Equipe en mai 2018. Deux scénarios s’offrent à nous : celui du pire, de la dérégulation et de l’ultra-libéralisme, et celui du mieux, d’une régulation censée, humaine et internationale. » Dans le premier cas, le foot pro, libre de toute contrainte, se refermerait autour du dopage et des multinationales : pourquoi pas le Microsoft Real Madrid, le Siemens Manchester United ou le Facebook PSG ? « Quand au scénario optimiste, poursuit l’économiste du sport, on imposerait une régulation contrôlée et démocratique du football, avec des outils comme la contribution «Coubertobin», un retour à des quotas de formation et à une protection des sélections. Le lien direct et réel entre les joueurs et les supporters serait renforcé, et on viendrait au stade non plus pour voir un spectacle grandiose de milliardaires, mais pour redécouvrir le beau jeu et les émotions sportives. »

Si l’analyse de Rondeau peut paraître alarmiste, elle révèle tous les risques liés à l’évolution de la Ligue des Champions et du foot-business en général, comme l’expliquait Stanislas Skrobala sur notre site. Ce projet n’est que le symptôme des convoitises qu’attire le sport le plus populaire du monde. En vérité, le marketing a toujours fait partie de cette compétition, créée en 1955 par des journalistes de L’Equipe. Son fondateur Jacques Ferrand, décédé il y a peu, témoigne : «  Tout le monde au journal avait bien conscience qu’il s’agissait d’une idée fantastique, pour les clubs et pour les supporteursEn bon chef d’entreprise, notre patron Jacques Goddet avait également compris l’opportunité de développement des ventes que cela représentait. »

A quoi ressemblera la nouvelle Ligue des Champions ?

Bien sûr, cela n’enlève pas l’enjeu des matches, la joie des fans, le génie des joueurs… La Ligue des Champions n’est pas la ligue mondiale de catch. Tout dépend du côté que l’on veut bien voir chez elle : ses paillettes ou leurs défauts, ses étoiles ou leur prix. Pour voir les deux, rendez-vous en juin.