AvideceWopyBalab

La Ligue des Champions vient encore de nous offrir une soirée historique. Le Real Madrid, triple tenant du titre, a sombré face à des Ajaccides époustouflants qui ont renversé le résultat du match aller pour se qualifier en quarts de finale (4-1). La fin d’un cycle.

Une nouvelle « remontada »

Le soir du 13 février, en sortant de l’Amsterdam Arena, on pouvait se dire que l’Ajax était maudite, après un match qui l’avait vu dominer, espérer et finalement s’incliner avec 3 fois plus de tirs, un poteau touché et un but refusé. 3 semaines plus tard, en sortant du stade Santiago Bernabeu, on peut se dire que l’Ajax est magique. Pendant dix minutes, pourtant, on a cru se reproduire la recette madrilène de ces dernières années, cette leçon de « Real-isme » qui phagocyta le football européen depuis 2014. Seul au second poteau, Raphaël Varane a fait vibrer la barre d’Onana sur une tête à l’angle des six mètres (4e).

Et puis il y a eu cette contre-attaque conclue par Hakim Ziyech qui venait célébrer son but devant le « Mur Blanc ». Au quart d’heure de jeu, 5 minutes après avoir effacé Carvajal d’un dribble venu d’ailleurs, le jeune David Neres était à la réception d’une passe de Tadic et, sous le regard impuissant de Modric, inscrivait un second but plein d’audace. L’Ajax avait refait son retard. Ce n’était là que le début d’un long calvaire pour les hommes de Santiago Solari qui, en plus de son cauchemar au milieu de terrain, perdait consécutivement Lucas Vasquez et Vinicius sur blessure. Après les échecs successifs des deux buteurs devant la cage vide (22ème) puis face à Courtois (33ème), le Real pouvait même s’estimer heureux de regagner les vestiaires avec un retard de deux buts.

https://twitter.com/MadridTeam_/status/1103362878160146432

La seconde période démarrait comme la première, les joueurs en Blanc entamant le siège d’une défense néerlandaise combative à défaut d’être rassurante. Benzema, par deux fois, était tout proche de sonner la révolte. A l’heure de jeu, l’attaquant français choisit l’option individuelle mais sa frappe fuit le cadre. L’action suivante est un régal : tacle soyeux de Mazraoui, transversale de Ziyech, remise instantanée de Van De Beek et, pour finir, cette frappe sèche de Dusan Tadic qui trouve la lucarne gauche de la cage Malgré l’intervention de la VAR pour une touche litigieuse au début de l’action, M. Brich accorde le but. 3-0. Asensio croit bien sonner la révolte d’un joli poteau rentrant (70e), mais c’est bien l’Ajax qui aura le dernier mot. A l’image de Thibault Courtois, mystifié du haut de son mètre 94 sur le coup-franc de Schöne, le Real n’aura finalement jamais pu y croire pendant tout le match.

Le Real perd sa couronne

Madrid ne pouvait pas tomber plus bas. Après deux défaites cuisantes à domicile face au Barça (0-3, 0-1) qui ont anéanti tout espoir de titre national, c’est une nouvelle déconvenue face à une équipe inexpérimentée que personne ne voyait se qualifier après le résultat du match aller. S’il y a quelqu’un à incriminer, c’est bien le coach madrilène, Santiago Solari. Force est de constater que l’ancien joueur de la Maison Blanche (2000-2005) n’a pas su transcender ses joueurs comme l’avait fait Zidane dans une situation similaire la saison dernière. Pire, il a conforté certains dans un complexe de supériorité : selon plusieurs sources, c’est lui qui aurait encouragé à concéder un carton jaune en vue de le préserver pour les quarts de finale…

Plus généralement, c’est tout une génération de cadres qui doit se remettre en question. Dans une équipe où Varane a sombré, où n’a pas existé, où Benzema n’a fait que rater et traversé le match comme un fantôme, la déclaration polémique de Modric prend tout son sens

«Cristiano a mis 50 buts et on ne peut pas trouver un joueur qui en marque autant. Certains devaient franchir un cap, non pas mettre 50 buts, mais au moins ce qui nous manque, deux ou trois joueurs qui puissent mettre 15-20 buts. Mais on ne les a pas », avait regretté le Ballon d’Or 2018.

Le Real, qui a remplacé le meilleur joueur de son histoire par un simple attaquant lyonnais sur le banc (Mariano Diaz), paye aujourd’hui l’incapacité de ses dirigeants à tourner la page d’une époque dorée. A Bernabeu, Madrid a perdu ses deux derniers matches de Ligue des champions à domicile par trois buts d'écart (0-3 contre le CSKA Moscou, 1-4 ce soir) alors que cela ne lui était jamais arrivé auparavant. Du passé, il va bien falloir faire table rase.

Tadic et la jeunesse au pouvoir

Ce soir, l’Europe du foot a (re)découvert un talent caché : Dusan Tadic. Déjà magnifique à l’aller, l’ailier de 30 ans illuminé la rencontre de son talent. Il sert Ziyech sur le premier but, puis efface Casemiro d’une roulette d’école avant de transmettre à Neres sur le second.

Surtout, l’international serbe marque le but qui élimine le Real au terme d’un mouvement collectif de génie. Tadic a su fluidifier l’entrejeu de l’Ajax et, avec un but et deux passes décisives, a obtenu la note de 10/10 dans L’Equipe. On peut aussi citer Matthis De Ligt (19 ans), capitaine et patron de charnière, André Onana (22 ans), impérial sur sa ligne, Frenkie de Jong (21 ans), qui a donné une leçon à ses futurs rivaux, mais aussi Hakim Ziyech (25 ans), Donny Van De Beek (21 ans), Moussair Mazraoui (21 ans)… Ce concentré de jeunes talents, épaulés par les « anciens » du club (Schöne, Blind, Huntelar), a joué crânement sa chance dans un Bernabeu progressivement éteint. Sur les deux rencontres, la qualification des Ajaccides est somme toute logique, et sonne le triomphe d’une force collective déjà aperçue en Ligue Europa il y a deux ans. Le mérite revient aussi à l’entraîneur, Erik Ten Hag, et plus globalement à la politique d’un club qui n’oublie pas ses valeurs.

« C’est une confirmation de notre philosophie , celle des Pays-Bas et surtout celle de l’Ajax », a déclaré le coach néerlandais en zone mixte »

L’histoire glorieuse du club commence à dater (le dernier de ses 4 sacres européens remonte à 1995), et si l’Ajax n’a « que » 85 millions d’euros de budget (soit l’équivalent du salaire amassé par Gareth Bale depuis 5 ans !), elle conserve une identité de jeu forte (possession, pressing, vitesse) héritée du « football total » hollandais. Il n’y avait qu’à voir les célébrations des joueurs avec leurs supporters venus d’Amsterdam pour comprendre que l’Ajax est un club mythique.

La fin d’un cycle, d’accord, mais ne serait-ce pas le début d’un nouveau ?