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Comment et pourquoi de nombreux footballeurs vivent et expriment leur religion ? Quelle influence sur leur carrière ? Publié début novembre 2014, Dieu football club aborde toutes ces questions à travers les témoignages de joueurs, entraîneurs…

« Il était une foi le football », lance Nicolas Vilas en introduction. Avant d'aborder les enjeux de la place de la religion dans le football, le journaliste (RMC, Eurosport…) retrace historiquement les liens forts entre des responsables religieux et la création de clubs de foot. En France, il cite l'origine du Stade Brestois ou encore de l'AJ Auxerre dont le vicaire de la cathédrale lancera une association sportive etdonnera son nom au stade : l'Abbé Deschamps. Au Maghreb, beaucoup de clubs ont du vert dans leur maillot, la couleur de l'islam. Au Brésil, le football est sacré tout comme en Argentine où le pape François est un socio de San Lorenzo.

Au Maghreb, beaucoup de clubs ont du vert dans leur maillot, la couleur de l'islam

Véritable religion, le foot s'en approprie les symboles à l'image de la possibilité pour les supporters de Boca Junior d'être inhumés dans le cimetière du club. L'influence du catholicisme a aussi marqué Julien Escudé lors de son passage à Séville : « la ville était très marquée par les célébrations religieuses, notamment la semaine sainte. Les joueurs faisaient bénir leurs images de la Vierge… ».

Autre point commun entre foot et religion : l'animosité entre les adorateurs des différents camps. Une inimitié dont le meilleur exemple en Europe est le derby old firm de Glasgow entre le Celtic (catholique) et les Rangers (protestant). Le journaliste cite une anecdote de Lionel Charbonnier, ancien gardien d'Auxerre et champion du monde 98 qui a rejoint ensuite les Rangers : « Pour mon premier match, je rentre sur la pelouse et fais mon signe de croix. Je vois tous les fans de mon équipe qui me huent… ». Il explique qu'après cette victoire 1-0, seul son geste faisait parler dans les médias.

Nicolas Vilas livre donc de nombreux exemples précis de joueurs qui concilient leur carrière avec leur foi. C'est le point fort du livre pour les amateurs de football. Car si l'approche historique et culturelle – un travail de fond remarquable – est nécessaire à la compréhension, elle peut être perçue comme rébarbative pour un lecteur qui ne s'intéresserait qu'aux quelques cas de footballeurs connus.

Tous les footballeurs ne mettent pas en avant leur religion, à l'image de Zlatan Ibrahimovic qui avoue surtout croire en lui-même : « mon père est musulman, ma mère est catholique. La religion n'a rien à voir avec le football. Ma religion, c'est le football ». Pourtant, chez de nombreux footballeurs, c'est naturel d'exprimer ses croyances et l'auteur cite de nombreux exemples. Ainsi Bafetimbi Gomis raconte prier chaque jour tandis que Yohan Cabaye est un fervent lecteur de la Bible… Nicolas Vilas aborde l'évangélisme en Amérique du Sud, avec les cas célèbres de Kaka et de ou ceux moins connus d'Edmilson, Henrique et Ceara.

"Dieu Football Club" : la religion, les joueurs ne s'en foutent pas

Certains comme Cavani se considèrent même comme des « Athlètes du Christ ». Derrière leur foi, se cachent aussi parfois des influences de pasteurs utilisant l'image de joueurs qui versent une dîme à leur église…. Le pouvoir de la religion sur les footballeurs dérange parfois leur fédération, au Brésil notamment, ou leur club. La charte éthique du PSG impose ainsi aux joueurs de  » ne pas faire de démonstration ou de propagande religieuse qui pourra nuire à l'image du club », avec à la clé une belle prime.

La place grandissante de l'islam

Il n'y a évidemment pas que la religion chrétienne qui est présente dans le foot et dans Dieu football club. On y découvre également des passages sur le bouddhisme de Roberto Baggio et , les croyances dans les différentes célébrations de buts, la question du port du voile ou encore l'antisémitisme et l'islamophobie. De larges passages concernent en effet la religion musulmane et les joueurs qui s'y convertissent comme aka Bilal Yusuf Mohammed. On y découvre comment les joueurs et les clubs s'adaptent au ramadan et ses risques pour la santé et la performance des joueurs…

Beaucoup de joueurs témoignent une grande curiosité et racontent avoir été sensibilisés par d'autres ou des proches aux différentes écritures, avec un terme qui revient souvent pour qualifier le choix de l'islam : l'accessibilité. Nicolas Vilas cite aussi Edouard Cissé, devenu protestant, à propos de la conversion de joueurs en Espoirs :  » Quatorze quiches sur vingt étaient sans porc (…) pas mal de joueurs s'étaient convertis à l'islam. Notamment ceux qui sont originaires des Antilles : Peter Luccin, Philippe Christanval, Nico Anelka, Didier Domi (…) Je n'émets pas de jugement ni de conclusions mais je pose la question : y-a-t-il un lien ? Beaucoup de convertis se sont perdus… ».

Point fort du livre à signaler, de petites interviews viennent l'entrecouper et l'aérer : Jean-Marc Chanelet inspiré par la foi d'Edmilson, l'association des footballeurs musulmans, qui a racheté une mosquée menacée à Séville, Steven Cohen (joueur français ayant évolué au Beitar Jérusalem), Pape Diouf qui dénonce le rejet des Noirs et des Musulmans aux poste à responsabilité, José Anigo qui décrit la diversité marseillaise, Abou Diaby qui déclare connaître plus d'un tiers du coran par cœur (étant toujours blessé, il a le temps lire…) et Héléna Costa ex-sélectionneur du Qatar et de l'Iran qui s'exprime sur le port du voile.

"Dieu Football Club" : la religion, les joueurs ne s'en foutent pasEn conclusion, Nicolas Vilas avoue avoir été surpris par la disponibilité et la sincérité des joueurs.  » Et leur activité rend encore plus captivant leur amour pour leur Seigneur (…). Et c'est cette intimité, la face cachée de certains footballeurs que ce livre a tenté de vous proposer ». Mission accomplie tant cela illustre parfaitement le sentiment du lecteur, fut-il aussi athée que moi, qui découvre, les croyances des joueurs, sans jugement mais sans omettre les questions qui font débat.

Dieu football club de Nicolas Vilas
Editions Hugo Sport, 207 pages, 16,50 €