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Découvez qui sont les entraîneurs qui ont révolutionné le football dans un nouvel ouvrage made in « Cahiers du foot » (Solar).

« Un révolutionnaire n’est pas le meilleur. Les différences de contextes rendent d’ailleurs périlleux l’établissement d’une hiérarchie des entraîneurs. (…) Le révolutionnaire, plus objectivement, est tout d’abord l’entraîneur qui a bousculé le football en place lorsqu’il est arrivé. (…) Inventeur ou pas, il est celui qui a fait sienne une idée innovante« . Cette définition explique comment les auteurs ont soigneusement sélectionné les coachs de leur livre. Découvrez ici qui sont ces 7 révolutionnaires et profitez de la passion et de la connaissance footballistique des auteurs qui vous livrent en interview leurs coups de cœur du moment.

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A travers des portraits qui sont aussi des histoires du football et des analyses tactiques, ce livre est un bijou pour tous ceux qui considèrent le foot comme plus qu’un simple jeu de ballon. Ecrits par les journalistes Raphaël Cosmidis, Christophe Kuchly et Julien Momont – qui officient aussi aux Cahiers du football – ce pavé (480 pages) est d’une grande richesse mais aussi d’une grande exigence. Bien qu’illustré par quelques schémas tactiques, il s’adresse en effet à des lecteurs attentifs et passionnés qui souhaitent se plonger dans le passé pour mieux comprendre l’évolution du jeu. Les entraîneurs révolutionnaires se construisant en effet en s’inspirant ou en s’opposant frontalement à leurs prédécesseurs. Les voici :

La spectaculaire Hongrie de Gustav Sebes a marqué le foot mondial dans les années 1950 avec la star Ferenc Puskas mai aussi Nandor Hidegkuti en faux 9 : « Des méthodes de préparation de Gustav Sebes à la popularisation du faux numéro 9, du jeu collectif rapide au système tendant vers le 4-2-4, la Hongrie a donné le ton et ouvert la voie aux grandes équipes des années suivantes (Real Madrid et Brésil 1958…) »
Un match illustre cet accomplissement footballistique : Angleterre-Hongrie : 3-6 en 1953

L’efficace catenaccio d’Helenio Herrera illustre le pragmatisme et le réalisme qui colle encore à l’image du foot italien aujourd’hui. Passé par l’Atletico Madrid et le Barça, c’est à l’Inter Milan dans les années 1960 que le Franco-argentin a marqué l’histoire du foot, avec le rôle primordial du libero en défense : « Par rapport à la Hongrie de Sebes, la priorité n’est pas de marquer plus de buts que l’adversaire, mais d’en encaisser moins. (…). Cette approche va faire de l’Inter l’équipe réprouvée du football européen et d’Helenio Herrera une sorte de Dark Vador haï de tous ».

Le football total de Rinus Michels s’est appuyé sur le génial Johan Cruyff pour faire gagner l’Ajax et le Barça dans les années 1970 (mais avec le cruel échec face à l’Allemagne au mondial 74). Là encore, au-delà du talent d’une star, c’est tout un collectif et une animation qu’il a su construire. « Tous les joueurs avaient la permission de participer aux montées et aux attaques à condition qu’ils assument aussi la responsabilité de leurs tâches défensives ».

La version soviétique du football total par Valeri Lobanovski. Entraîneur légendaire du Dynamo Kiev pendant près de vingt ans (de 1973 à 2002 avec des coupures), il qualifie le style de jeu de son équipe de « polyvalence sage ». Avec une approche scientifique et en ayant su évoluer au fil des ans, l’Ukrainien a brillé sur la scène européenne. « C’est par sa science du contre, des transitions et de la prise d’espaces que l’équipe de Valeri Lobanovski se distingue de toutes les autres ».

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Le collectif d’Arrigo Sacchi a mené Milan à deux victoires en Ligue des Champions (1989-90) en s’appuyant sur l’intelligence de joueurs comme Baresi ou Ancelotti, sur un système rodé en 4-4-2 et sur la volonté de compter sur l’équipe plutôt que sur les stars : « Il fallait convaincre que le foot pouvait être un jeu reposant d’abord sur une certaine idée du collectif. Un collectif tourné vers l’attaque. (…). En jouant ensemble, mais pas uniquement d’un point de vue de l’état d’esprit, non, surtout d’un point de vue technique, on pouvait améliorer le jeu ».

Avec Cruyff, le foot est affaire de géométrie. Avec l’Ajax et surtout avec Barcelone, Johan Cruyff a imposé un style offensif et spectaculaire au début des années 1990 où le milieu défensif change de rôle en devenant essentiel à la construction du jeu. « Articulés sur une base en 3-4-3 losange, même si les variations au sein d’une même rencontre sont nombreuses, ses équipes peuvent former des triangles sur n’importe quelle partie du terrain. Le porteur de balle a donc, en principe, toujours deux solutions au sol et doit, avant toute chose, savoir faire une passe dans de petits espaces ».

https://www.youtube.com/watch?v=aLX171pzx10

Guardiola, de disciple à prophète. Influencé par Cruyff ou Bielsa, Pep Guardiola a façonné l’équipe la plus redoutable de la fin des années 2000 en gagnant notamment deux ligues des champions avec le Barça. Depuis, au Bayern ou à City, il surprend par ses innovations tactiques. « Le jeu catalan imaginé par Pep trouve sa source dans l’axe et au cœur du jeu, dans les pieds de Piqué, Busquets, Xavi et Iniesta« . Le tout sublimé par le prodige Messi.


Trois questions aux auteurs du livre

Passionnés et passionnants, Raphaël Cosmidis, Christophe Kuchly et Julien Momont évoquent les coachs (Conte, Sarri, Nagelsmann, Setien…) et les équipes (City, Naples, Gérone, le Betis…) qui attirent leur attention en ce moment.

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Vous citez Klopp comme possible futur coach à être considéré comme révolutionnaire. Mais, à défaut de changer la face du foot, quels coachs apportent des idées nouvelles et lesquelles?

Raphaël Cosmidis : « Maurizio Sarri à Naples. Je ne suis pas certain que ses idées soient révolutionnaires mais en tout cas elles sont différentes. Son équipe pratique un jeu de possession alternatif : au lieu d’occuper le terrain de manière très structurée, Naples concentre en permanence beaucoup de joueurs autour du ballon pour ouvrir l’espace aux latéraux et à Callejon, spécialiste des appels dans le dos. Les Napolitains enchaînent d’ailleurs les passes courtes en une ou deux touches maximum afin d’attirer le bloc adverse dans une zone très réduite du terrain avant d’aller ailleurs. Le Barça de Guardiola le faisait à l’époque mais démontrait plus de variété dans son jeu offensif. Ce qui peut être en quelque sorte révolutionnaire chez Sarri, c’est le ciblage et la répétition extrême d’un seul principe de jeu offensif. Le parcours de Sarri détonne aussi : il n’a jamais eu de carrière professionnelle et a quitté son métier de banquier pour se consacrer au rôle d’entraîneur ».

Christophe Kuchly : « Robert Duverne, croisé par hasard il y a peu de temps et avec qui je discutais du sujet, estime qu’Antonio Conte est plus révolutionnaire que Klopp puisqu’il a perfectionné la défense à trois. C’est un point de vue plus systémique que philosophique, au sens philosophie de jeu qui est celui qu’on traite majoritairement dans le bouquin, mais ça peut se défendre. Si beaucoup d’équipes ont adopté le 3-5-2 ou 3-4-3, il n’y est pas étranger. Après, on n’est pas complètement dans le cadre des idées, c’est surtout un socle car la Juve, l’Italie et Chelsea ne jouaient pas de la même manière sous ses ordres. L’idée du gegenpressing, un pressing intense à la perte pour profiter du déséquilibre de l’adversaire est pour moi la dernière vraie idée nouvelle. Cette idée, portée aussi par Schmidt à Salzbourg à l’époque, est aujourd’hui interprétée de différentes manières et incorporée dans des systèmes plus polyvalents, comme dans le Tottenham de Pochettino, mais il n’y a plus beaucoup de formations à l’approche extrême. L’une des rares qui réussisse, Leipzig, a sa propre façon de combiner pressing et jeu direct mais a tendance à se normaliser ».

Julien Momont : « J’aime beaucoup suivre les matchs d’Hoffenheim avec Julian Nagelsmann, qui a une approche très intéressante, assez risquée souvent mais avec des vrais principes d’occupation du terrain et de l’espace en possession du ballon et de pressing sans ballon. Mais il faut souvent un recul de plusieurs mois voire années pour clairement discerner les nouvelles tendances dominantes, les évolutions ou révolutions. Pour sortir un peu de la tactique, je lis beaucoup d’interviews d’entraîneur en recherche de nouvelles méthodes de management, de psychologie, de gestion de groupe. C’est l’idée d’une individualisation du foot poussée par une certaine utilisations des stats ou les récompenses individuelles. Arsène Wenger estime par exemple qu’à terme, celui qui s’assoira sur le banc ne sera plus un technicien mais un spécialiste de la psychologie de groupe et de management, pendant que les décisions purement sportives seront décidées par des scientifiques à partir de datas toujours plus poussées et précises ».

Quel match vous a le plus bluffé en tant que victoire tactique d’une animation sur une autre en 2017 ?

Raphaël Cosmidis : « Les victoires de Manchester City et du Shakhtar Donetsk contre Naples : les deux équipes ont utilisé des mécanismes très différents mais tout aussi efficaces pour se sortir du pressing napolitain. City a placé ses latéraux à l’intérieur et ses relayeurs vers l’extérieur, tandis que Donetsk s’est appuyé sur deux milieux axiaux très proches et très bas pour attirer le bloc napolitain et casser la ligne des milieux par des passes longues. En général, les matchs de Coupe d’Europe sont les plus fascinants dans ce domaine : ils permettent aux entraîneurs d’aider leurs formations à travers un plan de jeu très précis. Les championnats, qui exigent une identité de jeu et des repères acquis par tous les joueurs, offrent moins de latitude tactique sur un match ».

Christophe Kuchly : « La victoire de Tottenham contre City l’an dernier et quelques unes du Celta de Berizzo face au Barça me viennent en tête mais je vais dire Gérone-Real fin octobre. Parce que c’est le petit qui bat le gros en décidant de rester sur sa philosophie : un jeu construit, élaboré, qui passe par le milieu pour trouver des joueurs lancés sur les côtés et refuse de balancer loin devant. C’est risqué, ça a coûté quelques tôles à des petits trop ambitieux, mais c’est cela qui rend la Liga si belle à mes yeux. Même si on ne peut pas tout lui attribuer, c’est malgré tout une partie de l’héritage Guardiola, d’autant plus prégnant ici que c’est le club filiale de City, géré par le frère de Pep ».

Julien Momont : « Je vais prendre un exemple récent particulièrement marquant : la victoire du Manchester City de Guardiola dans le derby face à Manchester United à Old Trafford (2-1). C’est la parfaite incarnation de ce qui fait de Pep Guardiola une référence sur le plan tactique : après quatre minutes, sur un signal de Guardiola, les trois attaquants de City (Sané, Jesus et Sterling) ont ainsi permuté, et Sterling est passé dans l’axe pour évoluer comme un faux numéro neuf. Ses décrochages permanents ont créé une supériorité numérique pour City dans l’entrejeu que United n’a jamais su contrecarrer. Certes, cela a un peu affaibli l’attaque des Citizens aux abords de la surface, et n’a pas débouché sur une multitude d’occasions dangereuses. Mais l’occupation de l’espaces des Citizens a permis un contrôle absolu. Guardiola a ensuite fait reculer Fernandinho en défense centrale à la mi-temps, suite à la blessure de Kompany mais aussi, selon ses dires, pour améliorer la construction du jeu, avec l’entrée de Gündogan devant la défense. Fernandinho un peu en difficulté en défense centrale, il a remplacé Jesus par Mangala, et fait remonter d’un cran Fernandinho, Gündogan et David Silva, qui a fini le match en pointe, lui aussi en faux neuf ».

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Quelle philosophie de jeu vous plaît le plus cette saison ?

Raphaël Cosmidis : « La volonté de pas mal d’équipes d’imposer leur style quel que soit le niveau de l’adversaire : le Bétis Séville de Quique Setien, Gérone, Hoffenheim, Nice, la Sampdoria…le projet de Marcelino à Valence, dans la lignée de ce qu’il faisait à Villarreal (4-4-2, défense en zone chorégraphiée, transitions offensives ultra-rapides), propose également de belles rencontres. La Lazio de Simone Inzaghi est elle aussi un projet à suivre, avec une défense à trois joueuse, des milieux très variés (Lucas Leiva, Parolo, Milinkovic-Savic, Luis Alberto) et Ciro Immobile en feu devant. La Serie A est de plus en plus porteuse d’équipes riches en idées de jeu ».

Christophe Kuchly : « J’ai envie de répondre celle de Manchester City parce que le spectacle est absolument bluffant semaine après semaine. Mais, sinon, il faut citer Naples et le Betis. Les Napolitains qui, dans la lignée des années précédentes, jouent toujours au sol avec des passes verticales qui cassent les lignes avec des joueurs pas forcément destinés à être autant responsabilisés avec la balle. Et Séville qui a totalement changé de visage cette saison, avec des résultats irrégulier mais un jeu de possession déjà bien abouti. Sarri et Setien ont imposé leur patte sur des équipes qui, avec un autre entraîneur, pourraient être presque banales ».

Julien Momont : « Je viens d’écrire un pavé sur Manchester City, donc forcément, on devine c’est l’équipe la plus enthousiasmante parmi celles que j’ai l’occasion de suivre chaque week-end. De la même manière, Naples est une équipe très grisante à regarder jouer quand elle déclenche ses combinaisons courtes à mille à l’heure, avec une occupation de l’espace intelligente et un pressing agressif à la perte de balle ».