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Dans Les tabous du foot (Solar), Pierre Rondeau analyse l'impact des dérives des footballeurs, étudie l'économie du ballon rond et observe les comportements sociaux.

Economiste du sport, Pierre Rondeau aborde évidemment la question de l'argent dans le foot (celui des clubs, des joueurs, des droits TV…), mais il se livre plus largement à une étude scientifique et sociale de sujets polémiques de ce sport. Différentes études scientifiques viennent confirmer ou infirmer des préjugés, des exemples (faits de jeu ou résultats), des témoignages et des interviews apportent un éclairage… En consacrant un chapitre à chaque thème abordé, son livre se lit facilement et permet de réfléchir sur l'état de la planète foot.
Même si en dehors du dopage et de l'homosexualité les autres problématiques ne sont pas réellement tabous et sont souvent abordées, son travail est très documenté et intéressant pour tous ceux qui aiment le foot. A condition de ne pas avoir peur de l'aimer moins en regardant en face son côté obscur.

Présentation

– Ouvrir les yeux sur le dopage. C'est le principal tabou, celui dont on parle peu dans le monde du foot et qui pourtant semble indiscutable. Sous prétexte que se doper n'améliore pas la technique, cette question est trop souvent passée sous silence, estime Pierre Rondeau. « Entre 1980 et 2008, le taux de cancer des footballeurs professionnels du Calcio était deux fois supérieur à celui de la population », indique-t-il.
Il cite aussi l'Argentin Matias Almeyda qui a déclaré à la télévision argentine : » à Parme, on nous insérait des tubes par intraveineuse avant les matchs…« .
Sans oublier la prise de drogue (cocaïne) même si les footballeurs se défendent d'en prendre pour améliorer leurs performances.

https://www.youtube.com/watch?v=oIXg3Q4OtAo

– Pas d'homosexualité dans le foot ? Banalisation d'insultes homophobes, difficulté d'assumer l'homosexualité, un chapitre étudie pourquoi le foot en est arrivé là.

– Un modèle économique pérenne ? Entre 1996 et 2016, la masse salariale des footballeurs a augmenté de 450 % en Europe. Avec l'explosion des droits TV, la bulle va-t-elle éclater ? En 2020, il faudrait débourser au moins 80 € par mois pour regarder l'ensemble du foot. « Une L1 à plus de 1 milliard, une télé-dépendance trop importante, nous allons droit dans le mur. La maladie des coûts s'applique, la croissance stagne, les folies dépensières continuent et le système s'écroule« , prédit l'économiste.

– Les footballeurs n'auraient aucun problème d'argent ? Des témoignages sur des footballeurs ruinés ou mal conseillés dans leurs placements ont fait l'actualité ces dernières semaines. Dans son livre, l'auteur revient sur le témoignage de l'Ivoirien Emanuel Eboué (ex-Arsenal) et informe surtout que les inégalités sont aussi très présentes dans le foot : « 25 % des footballeurs de L1 toucheraient à eux seuls 80 % du total des revenus bruts distribués. Les 10 % les plus riches touchent 48 % des salaires« .
En France, le salaire moyen est de 89 000 € par mois mais la durée de vie moyenne en L1 ne serait que de quatre ans. Bref, sans faire pleurer dans les chaumières sur la condition du footballeur pro, il ne faut pas pour autant ignorer que certains survivent difficilement après leur carrière.

– Ne pas avoir de relation sexuelle avant un match ? Cela ne semble avoir aucun bienfait scientifique et les résultats d'équipes (par exemple des pays en Coupe du monde) semblent même au contraire aller dans le sens inverse.

– L'alcool détruit des carrières ? L'auteur répond qu'il peut aussi être bénéfique pour le moral des joueurs et que ceux-ci, en bonne condition physique, l'encaissent bien. Mais il rappelle que est mort d'une cirrhose à 59 ans.
A propos de la cigarette, il ne faut pas non plus la diaboliser car certains fumeurs (Verratti et Nainggolan) ne manquent pas de souffle sur le terrain, mais l'auteur précise qu'il ne faut pas tomber dans l'excès inverse d'idéaliser la clope.

– Le footballeur est bête. Dans ce chapitre, il fait autant référence à l'origine sociale et l'absence d'études supérieures qui engendrent du mépris qu'aux différentes formes d'intelligence : savoir s'adapter, réagir rapidement, apprendre des langues étrangères…

Du racisme dans le foot ? Il est ici question des dérapages verbaux et actes racistes, et plus globalement de la faible proportion de coachs et dirigeants de couleur, notamment à travers l'interview du journaliste Nicolas Vilas qui a écrit sur le sujet.

A mort l'arbitre. « Tous les arbitres sont critiqués, vilipendés (…). Nous sommes persuadés que l'homme en noir prendra forcément des décisions fausses ou biaisées par ses préférences personnelles ou ses peurs« . Pour autant, une étude montre que l'arbitre laisse 30 % de temps additionnel en plus quand l'équipe qui joue à domicile est menée (et inversement)…
En conclusion, Pierre Rondeau invite plutôt à « reconnaître que le football est un sport défaillant fait d'injustices et d'erreurs« .