AvideceWopyBalab

Toujours actif dans le foot en tant que directeur technique des équipes Red Bull, Gérard Houllier revient sur pratiquement quarante ans passés dans le football professionnel dans son autobiographie Je ne marcherai jamais seul (Hugo Sport).

Passionné mais d’une grande rigueur professionnelle. Implacable mais profondément fidèle en amitié et attaché aux valeurs familiales. Businessman mais pas guidé par l’appât du gain… Dans son autobiographie, Gérard Houllier se dévoile au travers de son immense carrière. Il fait preuve d’une mémoire d’éléphant tant il la raconte avec une précision surprenante, reconstruisant ses conversations avec des personnalités du football et d’innombrables anecdotes. Ses réussites, ses erreurs, ses victoires, ses défaites, ses amis, ses ennemis, il n’occulte rien.

De son enfance dans le Pas-de-calais à sa nomination au PSG en passant par sa première expérience de coach en D1 avec Lens, son livre suit le fil du temps : « Je devais encore une année de contrat à Lens, qui réclama l’équivalent de 45 000 € pour me libérer. J’ai dû être le premier entraîneur à faire l’objet d’une indemnité de transfert ». Il change alors de dimension sous la présidence de Francis Borelli et en nommant capitaine un certain Luis Fernandez : « Luis, ce n’était pas un problème par jour, mais un problème chaque minute ! En l’installant dans ce rôle, je voulais le ligoter pour l’aider à combattre ses dérives individuelles. Mais je pensais, sincèrement, qu’il en possédait les qualités essentielles ». C’est avec le club de la capitale que le Ch’ti a gagné son premier titre de champion de France en 1986. Son deuxième, il le glana vingt ans plus titre, avec l’OL de Jean-Michel Aulas.

Son échec avec les Bleus

Raymond Domenech ne jugea pas utile de rendre un rapport écrit (sur Israël) et il m’affirma simplement un truc du genre : Si vous ne gagnez pas, vous êtes des chèvres.
Gérard Houllier

Entré au forceps à la DTN pour devenir adjoint de Michel Platini de 1988 à 1992, il décrit un sélectionneur qui pensait encore comme un joueur et manquait de pédagogie selon lui : « J’ai beaucoup appris et progressé à son contact, car il m’a transmis son feeling incomparable de joueur de haut niveau. Il m’a livré des pistes de réflexions dont je me suis servi par la suite (inculquer plus de dribbles et d’initiative dans la formation française, ndlr). Mais il pouvait laisser éclater son exaspération quand les joueurs n’arrivaient pas à reproduire ce qu’il divulguait ». Successeur de Platoche, Gérard Houllier a pris Aimé Jacquet comme adjoint, jusqu’au traumatisme de France-Bulgarie pour lequel David Ginola est toujours son bouc-émissaire, même s’il avoue ne pas avoir bien choisi ses mots en parlant de « crime contre l’équipe » publiquement : « j’aurais dû exclure David Ginola après ses déclarations publiques, qui brisèrent définitivement la cohésion du groupe dans une période où elle était déjà mise à mal. Car quand tu es décalé par rapport à l’équipe, tu n’as pas la bonne concentration, tu es débranché. Et tu fais mal ton boulot ».

S’il se déclare coupable, c’est donc seulement par manque d’expérience et de ne pas avoir décelé les faiblesses des autres. Cela vaut aussi pour Raymond Domenech, qui devait superviser Israël : « Il ne jugea pas utile de rendre un rapport écrit, comme c’est l’habitude pour tout superviseur, et il m’affirma simplement un truc du genre : Si vous ne gagnez pas, vous êtes des chèvres ». Devenu DTN, il céda d’ailleurs à Domenech et remplaça René Girard par son ami Erick Mombaerts à la tête des espoirs. Et, sans conviction, Gérard Houllier se rangea à nouveau derrière le président Jean-Pierre Escalettes au moment du maintien de ce même Domenech comme sélectionneur après l’Euro 2008.

Red is (not) dead

Après trois ans chez les Bleuets (et un titre de champion d’Europe des 18 ans en 1996), Gérard Houllier a vu la vie en Red. Nommé coach de Liverpool, il y gagna notamment trois coupes nationales et la Coupe de l’UEFA. S’il a brillé et en Angleterre, Gérard Houllier tient tout de même à rappeler que cela a été possible grâce à deux Frenchies : Eric Cantona et Arsène Wenger qui ont ouvert la porte « à la transhumance de la L1 vers la Premier League ». Là aussi, le coach français raconte tout de manière très détaillée : le goût de ses joueurs pour la boisson, comment il s’est délesté de Paul Ince, le recrutement des trois H (Sami Hyypiä et de Stéphane Henchoz pour former sa charnière centrale et de Dietmar Hamman au milieu), l’expérience de Gary McAllister, sa relation amicale avec Alex Ferguson et évidemment l’avènement de l’immense Steven Gerrard. Voici ce qu’il en a pensé en le voyant à l’œuvre pour la première fois avec les moins de 19 ans : « Mon œil fut attiré par un freluquet au milieu de terrain, qui allait sans cesse d’une surface l’autre et qui engueulait tout le monde. Il bougeait, il courait, il mettait la tête, il taclait, ll aboyait, il n’arrêtait pas ! J’ai cru voir un clone de Luis Fernandez ». Gérard Houllier raconte comment il a couvé Steevie, comment celui-ci s’est étoffé pour devenir un capitaine exemplaire, de ceux qui n’abandonnent jamais et sont décisifs dans les grands matchs. Le titre du livre Je ne marcherai jamais seul est une référence directe à l’hymne d’Anfield, en raison de ses succès mais aussi de son statut de miraculé. Victime d’un malaise cardiaque en octobre 2001 lors de la réception de Leeds, Gérard Houllier a vu depuis sa télévision l’émouvant hommage rendu par Anfield un mois plus tard avec une mosaïque à ses initiales en tribune.

Ecœuré par l’affaire Knysna, Gérard Houllier est retourné en Angleterre en 2010, séduit par Aston Villa, en crise après seulement trois journées de championnat. Malgré une opération maintien réussie, son come-back anglais s’est achevé sur un nouveau malaise cardiaque : « J’ai pris brutalement conscience que ma vie professionnelle cessait et c’était comme si une petite mort, tout à coup, m’enveloppait de son voile ». Mais la passion du football est plus forte. Depuis 2012, Gérard Houllier est en effet directeur sportif de Red Bull (Salzbourg, New York mais aussi Leipzig, Sao Paulo et au Ghana).

A 68 ans, Gérard Houllier a donc tout connu dans le foot, sur le terrain et en dehors. Dans cet ouvrage presque testamentaire, on ressent son amour sans faille pour le football, dans la gloire comme dans la défaite. Il en a tiré beaucoup de plaisir et estime que c’est ainsi que doit se concevoir ce sport : « Chacun dans le monde du football doit prendre conscience de la responsabilité collective du spectacle à offrir aux spectateurs ».