AvideceWopyBalab

De la remontada au début de la saison 2018-2019, le journaliste Damien Dole-Chabourine raconte sa vie et son job et son vécu du supporter parisien dans Paris dans les veines (Marabout).

Chronologiquement, épisode par épisode de tous les faits qui ont fait l’actu du PSG, le journaliste Damien Dole, ancien membre du virage Auteuil, raconte ses sentiments et plus globalement ceux des fans du PSG, dans les victoires et dans les humiliations subies depuis la remontada barcelonaise.

Il évoque son amour pour Thiago Silva et Pastore, son respect pour le bon soldat Matuidi, son attachement pour Lucas malgré son déchet, le sentiment qu’Emery a fait du bon boulot à Paris, l’erreur impardonnable de Meunier qui a liké le tifo marseillais… et bien sûr les intenses périodes de transfert avec les feuilletons Neymar et Mbappé. Ultra parisien mais aussi journaliste pour Libé (spécialiste du hip-hop, il écrit aussi sur la NBA, sur les autres clubs français en s’efforçant de rester objectif), son travail l’a amené à être au plus proche du club de son coeur et donc de pouvoir décrire sa passion.

Damien Dole-Chabourine n’hésite pas à parler de « souffrance » quand on supporte un club, même dans le cas du PSG qui domine la L1 outrageusement. Ce qui est intéressant dans ce livre, c’est, au-delà du rappel chronologique de l’actu parisienne, justement ce ressenti de l’auteur. On y retrouve des sentiments que tous les supporters comprendront, même si évidemment le livre intéressera surtout les fans du club parisien.

Morceaux choisis :

  • « Mettre la rage aux autres est une chose fondamentale dans le plaisir que nous procure notre club en dehors des terrains », en réaction à la colère espagnole suite au départ de Neymar.
  • « On sourit, on est transporté par la situation; on ne prend aucune note, on vit l’instant », au moment de voir Neymar fouler la pelouse du Parc des princes.
  • « Peut-être qu’il nous la mettra à l’envers dans quelques années, mais on ne veut pas y penser », un bref moment de lucidité sur Neymar.
  • « Le club allemand vient de perdre contre la meilleure équipe du monde, que pouvait-il faire ? », à propos de Carlo Ancelotti, viré du Bayern après une défaite (3-0) à Paris et qui conserve le respect des fans.
  • « Puisque le Qatar est propriétaire du club, on est comptable de tout ce qui fait ce pays », sur les tentatives des supporters adverses pour attaquer les Parisiens.
  • « La Ligue 1 a perdu de son charme pour les supporters parisiens. (…). Reste une double confrontation parmi les autres : celle avec Marseille », la rivalité reste forte pour les fans malgré l’écart sportif entre les deux clubs. Elle n’empêchera pas l’auteur d’aller voir un match chez l’ennemi au Vélodrome.
  • « Le fair-play financier, c’est le Nemesis du PSG. Chaque fois que l’on croit s’en être débarrassé, il revient hanter nos mercatos « , à propos des contraintes financières de l’UEFA.
  • « On voit un être surhumain, en bleu, montrer à des êtres humains, en rouge, qu’il y a un gouffre physique entre lui et eux », à propos du rush de Kylian Mbappé contre Lille.

  • « Les larmes qui rejettent hors de nous le bonheur vécu lors du mercato ou des phases de jeu fabuleuses. Les larmes d’une fin, celle de cette saison », suite à l’élimination face au Real l’année dernière.

Paris dans les veines est donc autant un livre sur les émotions qu’un livre sur le PSG, autant un ouvrage journalistique qu’un journal intime d’un fan.

Tu es supporter parisien de longue date, tu te souviens sans doute de l’équipe en 2010-11 emmenée par son duo Hoarau-Erding. Comprends-tu que pour les autres clubs et leurs supporters, l’arrivé du PSG a faussé la L1 ?

Damien Dole-Chabourine : Cette saison 2010-2011 est sûrement celle où j’ai le moins vibré pour Paris de toute ma vie. Où j’ai le moins «vécu» Paris SG FC. En mai, nous voilà virés, me voilà viré du Virage Auteuil et de la tribune G. Cette saison, je ne voulais qu’une chose, encore plus que des victoires de Paris : l’anéantissement de Colony Capital et le départ de Robin Leproux, fossoyeur des tribunes populaires parisiennes – peu importe les ordres du ministère de l’Intérieur, si la situation le perturbait, il n’avait qu’à démissionner. En vérité, quand le Qatar arrive ou plutôt quand Colony Capital se tire, c’est une libération. Ou plutôt une vengeance expiatoire, car à partir du moment où ils ont effacé les fresques du Virage Auteuil représentants nos monuments, nos joueurs illustres et surtout nos supporteurs morts, je savais que je ne serai plus jamais un ultra de ma vie. Du coup, le contexte est celui-ci.

Le football actuel, c’est le foot business. Tous les clubs sont contaminés, les agents véreux sont partout, dans les petits comme dans les gros (Romain Molina est évidemment très éclairant là-dessus), la protection des gros clubs à l’échelle nationale puis européenne, les salaires démesurés, pas tant des joueurs car encore heureux qu’ils soient les premiers à en profiter mais tous les autres acteurs, les droits télé qui explosent et les prix des abonnements avec… Si cette situation nous met en colère, en tant que fan on a deux options : arrêter de regarder le ballon et de supporter son équipe ou bien faire avec et réclamer une réforme globale. Colony m’a arraché une partie de ma passion, le foot business ne va pas me voler ce qui en reste. Il y a une sacrée hypocrisie. L’argent à profusion est autorisée dans l’Europe libérale, un modèle que je récuse et dont j’espère on sortira un jour mais il en est ainsi. La bonne foi serait, à mon sens, de dire «regardez ce modèle, qui fait que le Barca et le Real se sont construits sur l’endettement, la Juve et le Bayern sur le “siphonnage” des autres clubs de leur championnats, ces Chelsea, Manchester City et Paris qui investissent à fonds perdus. Il faut changer ce système qui marche sur la tête !». Et si Franck McCourt avait investi 1 milliard à Marseille en un an, combien de fans olympiens auraient crié au sacrilège ? C’est le système qui doit être attaqué. Et à ceux qui me feraient une attaque ad hominem du type « tu es fan de Paris, c’est pour ça que tu dis ça », je leur rétorquerai la même chose : «A critiquer Paris plutôt que le système, c’est parce que vous êtes fans d’un club adverse.» Ce qui, pour finir, est naturel : on est fans donc on n’a pas à être de bonne foi tout le temps.

Et cela ne réduit-il pas la saveur que tu retires de tous ces titres nationaux?

Damien Dole-Chabourine : Aucunement. Il faut autant regarder en arrière qu’en avant. Il y a dix ans, je n’aurais pu penser que’on puisse me poser la question « gagner tous ces titres est-ce aussi agréable que si c’était avec un budget moindre ». Et il y aussi l’après : si Paris rentre dans le rang dans dix ans, je serai rapidement nostalgique de la décennie 2010.

Ton avis sur Adrien Rabiot, qui avait tout pour être l’étendard du club ?

Damien Dole-Chabourine : La situation est désormais claire avec Adrien Rabiot. C’est triste. Le joueur avait tout pour, comme tu le dis, être l’étendard du club, de représenter la filiation entre les jeunes et les pros. Mais l’autre joueur dans ce cas avec Areola, c’est Presnel Kimpembe. Qui a su attendre son heure, ne pas se plaindre des rotations, être un bon gars de vestiaire. L’un a fait le Mondial, l’autre non, l’un a respecté son club, l’autre a, a minima, très mal communiqué et n’a jamais été clair. Les fans ne réclament pas tant de choses que ça en fait : le respect du maillot, et s’il y a des prestations exceptionnelles sur le terrain, c’est tant mieux. Thomas Tuchel a eu de raison de la sanctionner lors d’OM-PSG. Le mettre sur la touche jusqu’à la fin de la saison ? C’est triste, une nouvelle fois, surtout que Paris manque de monde à cet endroit du terrain. Mais on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissements donc je me garderais bien de tout jugement. Juste, j’attends toujours un communiqué de soutien de l’UNFP pour Jese.

En se qualifiant dans un groupe relevé, Paris a-t-il lancé sa saison européenne ? Penses-tu que cette saison sera enfin la bonne pour passer les quarts de finale ?

Damien Dole-Chabourine : J’ai évidemment envie de te dire oui, mais avec Paris, même qatari, t’es vacciné des enflammades. Après, il y a des éléments objectifs : Thomas Tuchel est extraordinaire d’intelligence tactique et psychologique, et les matchs à Naples puis surtout contre Liverpool et à Belgrade sont des prestations hyper solides. Et enfin Paris a été à la hauteur dans des matchs couperets. Cela n’était qu’une fois depuis l’arrivée du Qatar : à Londres en 2014, le 2-2 avec l’expulsion d’Ibrahimovic. Là, c’est arrivé deux voire trois fois, car on jouait à chaque fois notre survie. Après, je suis heureux du tirage de Manchester United, je pense que les Anglais ne peuvent contrer les forces naturelles de cet effectif et que seul le jeu aérien de United peut perturber Paris. Mais tant que cette confrontation n’est pas terminée, je ne peux te répondre pour les quarts. Chat échaudé craint l’eau froide, et nous, c’est dans un bain d’acide ébouillanté qu’on a été noyé en 2017 contre Barcelone !