Avez-vous déjà entendu parler de l’équipe d’Angleterre C ? A vrai dire, personne ne connait cette équipe qui en toute logique n’a pas le même prestige que la sélection aux trois lions. Pas de Gerrard, pas de Rooney, pas de Hodgson dans cette selection, mais plutôt Keiron Forbes, Scott Spencer, et un certain Paul Fairclough aux commandes. Pourtant, contrairement à ce que son nom laisse penser, l’équipe d’Angleterre C n’est pas une équipe artificielle créée uniquement pour lui faire jouer des matchs sans importance.
C’est une équipe qui a une histoire, une vraie, qui a commencé en même temps que le foot professionnel en Angleterre a pris de l’ampleur. Et même si cette équipe ne revêt certainement plus le même prestige qu’au siècle dernier, elle en a quand même conservé certains principes et valeurs.
Sommaire :
La genèse
Pour comprendre ce que représente l’équipe d’Angleterre C, il faut remonter jusqu’à sa création au début du siècle dernier, à l’année 1906. Le football professionnel, créé une vingtaine d’années plus tôt en Angleterre, avait déjà pris beaucoup d’importance et se propageait petit à petit dans toute l’Europe. Le football international en avait automatiquement bénéficié, à tel point que la sélection anglaise ne fut rapidement composée que de footballeurs professionnels. Néanmoins, à cette époque, le niveau en Angleterre était tel qu’une sélection composée uniquement des meilleurs amateurs du pays pouvait facilement battre les autres équipes du continent. C’est alors qu’une sélection composée des meilleurs amateurs du pays fut créée.
Pour ces hommes dont le football était davantage un loisir qu’un métier, l’occasion était superbe. Ces joueurs représentaient leur pays et avaient l’occasion de prouver la suprématie d’un football anglais largement en avance. Son premier match, face à l’équipe de France, se solda par une victoire 15-0. Une belle première, qui sera suivie d’autres déroutes infligées à l’Allemagne (9-0), la Belgique (11-2), ou encore les Pays-Bas (12-2). Elle entama donc son existence par une série de 20 matchs sans défaites (17 victoires pour 3 nuls). De 1908 à 1971, à la suite d’accords passés avec les autres nations du Royaume-Uni, cette équipe fera office de sélection olympique, remportant même l’épreuve en 1908 et 1912. La sélection finira ensuite par végéter à mesure qu’elle devenait moins dominatrice, jusqu’à sa disparition en 1974.
1979, la renaissance
[blockquote]Avoir un niveau semi-pro ou amateur[/blockquote]
En 1979, la fédération décide de faire vivre à nouveau cette sélection avec la création du « England National Game XI » (qui plus tard deviendra donc « England C »). Pour en faire partie, les joueurs sélectionnés doivent évoluer au sein de ce que l’on appelle le non-league football (qui ne fait partie ni de la Premier League, ni de la Football League), autrement dit à un niveau semi-pro ou amateur. La grande majorité des joueurs sélectionnés évoluaient et évoluent toujours en Conference, 5ème échelon national et premier niveau semi-pro. L’équipe effectue aujourd’hui des rencontres amicales face à des équipes du même type (composée de joueurs semi-pro) et participe à quelques tournois, notamment le « International Challenge Trophy » (créé lors de la saison 2005-2006), un tournoi accueillant des équipes olympiques (U23), des équipes semi-pro, ou encore les équivalents italien et gallois de l’England C.
Depuis 2003, un certain Paul Fairclough est le sélectionneur de cette équipe. Sa sélection, dont les joueurs ont tous entre 18 et 24 ans, participe à en moyenne 3 à 5 rencontres par an. Monde semi-pro oblige, il est très difficile pour le sélectionneur de disposer d’un groupe stable, à tel point qu’il se dit que la composition du groupe dépend plus de la disponibilité du joueur pour le jour J que de son niveau, même s’il faut signaler que celui-ci reste tout à fait honorable. De plus, le fait de ne pouvoir sélectionner que des joueurs évoluant au moins au niveau Conference l’empêche d’avoir une continuité, les meilleurs joueurs de Conference finissant toujours par intégrer les divisions supérieures et donc le monde professionnel. Par conséquent, il arrive que la sélection soit quasiment entièrement renouvelée d’une année sur l’autre. Il est donc difficile de maintenir une équipe performante lors de certains tournois, comme l’International Challenge Trophy, qui se déroule sur deux saisons.
Avec deux défaites en finale des deux dernières éditions, cette sélection s’en sort avec les honneurs. Son prochain match de l’édition 2011-2013 aura lieu le 5 février contre la Turquie.
Un tremplin vers le professionnalisme ?
Cette saison, l’England C a atteint les demi-finales de la 4ème édition de l’International Challenge Trophy, après être sorti 2ème de sa poule derrière la Russie U23 et devant l’Italie Lega Pro U21 et la Belgique U23. Le 5 février prochain, l’équipe affrontera la Turquie U23 en demi-finale, tandis que la Russie U23 rencontrera la Norvège U23. L’équipe se comporte bien mais rencontre quand même certaines difficultés, notamment face à des équipes olympiques composées de joueurs professionnels, comme face à la Russie U23 (défaite 4-0). Ceci dit, pour ces joueurs, revêtir le maillot de la sélection C représente une occasion en or. D’une part, pour ces joueurs qui évoluent à un niveau semi-pro, jouer des rencontres avec le maillot national sur les épaules représente beaucoup de fierté. Mais surtout, peut-être plus encore que le prestige, ces rencontres donnent aux joueurs on une occasion de prouver leur valeur à d’éventuels recruteurs et ainsi rêver d’une carrière dans un club professionnel.
Certains des meilleurs joueurs de la sélection ont par le passé eu la chance de pouvoir évoluer au sein du monde professionnel, en Football League, voire en Premier League pour les plus doués. Quelques un ont même eu l’occasion de représenter une sélection A au plus haut niveau. L’un des seuls joueurs à être parvenus à jouer pour l’équipe d’Angleterre C puis pour l’équipe d’Angleterre A est Alan Smith (à ne pas confondre avec son homonyme qui a évolué à Man Utd), aujourd’hui commentateur télé. D’autres, plus récents, sont parvenus à être sélectionné en A pour d’autres nations. Parmi les plus notables, on retrouve les internationaux gallois Sam Ricketts (Bolton) ou Steve Morison (Norwich), Craig Mackail-Smith (Brighton) pour l’Ecosse et Barry Hayles (ancien joueur solide de Championship) pour la Jamaïque. Enfin, le plus bel exemple de joueur ayant eu une réussite en A reste quand même l’attaquant Junior Agogo. Ce dernier a en effet été capé à 27 reprises pour le Ghana, entre 2006 et 2009, et a participé à la Coupe d’Afrique des Nations en 2008. On s’aperçoit en fin de compte que jouer pour cette sélection n’est pas une fin en soi, et qu’il est tout à fait possible d’effectuer une carrière pro. Pour beaucoup, le rêve est encore permis.
L’équipe d’Angleterre C n’est certainement plus une équipe prestigieuse comme à ses débuts. Elle n’est certainement pas la plus intéressante non plus. D’un côté, on peut effectivement s’interroger sur l’utilité de sélectionner en équipe nationale des joueurs évoluant à un niveau amateur ou semi-pro, alors que l’Angleterre abrite pas moins de 4 divisions entièrement professionnelles. Cependant, il n’en demeure pas moins que cette équipe à une histoire très riche qu’il ne faut pas négliger. Les joueurs sélectionnés, qui se font une joie de représenter leur pays à haut niveau, voient aussi dans cette sélection une opportunité, comme une ouverture vers le professionnalisme. Et dans un football cloisonné, où la fracture entre le monde professionnel et amateur est bien réelle, la présence de l’England C dans le football anglais est une véritable aubaine ainsi qu’une récompense pour des jeunes joueurs en quête de reconnaissance.