Professeur à Sciences-po et journaliste à So Foot, Thibaud Leplat revient sur près d’un siècle de foot français. Avec une foule de témoignages croustillants, et une écriture toujours aussi brillante.
Le football a sa vertu, mais aussi son vice. Depuis des temps immémoriaux, ce sport fédère mais divise aussi. Nous l’avons vu en France, très récemment, lors du dernier Euro. Durant cette compétition, hommes et femmes partageaient de beaux moments de joie et d’obscurs moments de tristesse. Bien plus qu’un sport en réalité, le football n’hésite pas à jouer avec nos sentiments, nous faisant subtilement passer de la crainte au bien-être. Cette importance capitale du ballon-rond sur le mouvement de nos âmes, Thibaud Leplat l’a parfaitement (et depuis longtemps) développé dans « Football à la française » (éditions Solar), un essai qui revient, avec force détails et témoignages d’acteurs-clés, sur la genèse du football hexagonal des années 30 à aujourd’hui.
L’essai est, comme un schéma tactique bien rodé, très bien ficelé. On lit, dans une première partie, le développement des tactiques propres au football, complexes, presque scientifiques. Forcément utiles pour les entraîneurs en herbe, on trouve très vite une allure militaire dans l’organisation d’une équipe de football, dés les années 30. Thibaud Leplat invoque le souvenir d’Albert Batteux, celui qui fit les joies du Stade de Reims dans les années 50 avec une finale de Ligue des Champions perdue contre le Real Madrid (!), et son organisation résolument offensive. Il ressuscite aussi le souvenir des « années de béton » avec brio (« Jouer au béton, c’est jouer à grandir, à gagner, à se reconstruire ») pour dérouler sa pensée poétique avec un très beau retour, détaillé, ciselé, sur l’épopée des Verts et ses « anges ». Ne ratant rien des périodes fastes du foot français, Thibaud Leplat fait aussi un parallèle savoureux avec l’équipe de France de 82-84 et son fameux « carré magique » : Platini, Giresse, Tigana, Fernandez. L’auteur continue de nous emmener dans de confortables voyages temporel : il nous conte la création du jeu « à la nantaise », si fluide, si mobile, si lumineuse du FC Nantes par un immigré, José Arribas.
Nous repassons par l’Europe, où la France assista, impuissante, à l’éclosion du génie créatif néerlandais : « Voir ainsi ce pays de 15 millions d’habitants qui n’était rien dans le football monter, en une demi-décennie, sur le trône de toute l’Europe en prenant en plus des allures indolentes d’adolescents échevelés fut un terrible soufflet administré sur la joue d’une génération qui n’en demandait pas tant ». Cruel, mais si juste et si joliment écrit. Comme tout ouvrage a une cerise sur le gâteau (plus ou moins bonne selon les livres il est vrai), elle se trouve lors d’un magnifique hommage lyrique à notre héros national, une légende qui s’appellera toujours : Zidane.