AvideceWopyBalab

La pullulation d’émissions sur nos chaînes TV et nos réseaux a favorisé l’émergence d’une caste d’humanoïdes au clapet béant et au crachoir insatiable. Cette nouvelle race, authentifiée par les plus brillants ethnologues, porte un nom : les « consultants ».

Majoritairement de genre masculin dans le sport, le consultant se nourrit principalement de mauvaise foi, de frustration, accumulée durant une carrière souvent décevante, et d’une rancune intarissable. La saveur de de leurs tempétueuses interventions tient plus à l’absurdité de leur posture qu’à la finesse de leurs analyses : oserais-je moi, tintin d’opérette, atome de scribouillard, jeter l’opprobre sur un brillant reporter ?

Gageons que si ces charmants analystes avaient réussi leur carrière, s’ils n’avaient pas été honnis par leurs pairs ou si le public avait daigné les comprendre, nous ne les retrouverions pas à déverser leur fiel sur RMC ou Bein Sport. Alors laissons-nous le droit de rêver : et si l’histoire avait été différente ?

C. Dugarry

Le plus emblématique. Alors qu’il compte plus de meurtres de stadiers que de buts inscrits en carrière (même Laurent Blanc a marqué plus que lui, c’est dire), Christophe a mené durant une partie de sa carrière une relation ombragée avec la presse et le public français. Qu’en serait-il dans une réalité alternative où la France aurait compris son Duga ?

La langue encore pendante au-dessus d’un rictus revanchard, Christophe se replace à son poste d’avant-centre, après avoir ouvert le score face à l’Afrique du Sud le 12 juin 1998. Concluant une performance, jusque-là, apocalyptique, ce but et cette exultation linguale embrasent tout le pays. Médias, supporters rétropédalent à la vue de cette organe rose et luisant : Christophe, c’est désormais un artiste. Sa langue pendue c’est une pelle roulée au pays entier. C’est de l’art et de la défiance. Et la défiance, c’est la France. Cocorico et Marseillaise. Christophe l’Antéchrist. Gainsbourg en crampons.

La France sort laborieusement des phases de poules (c’est une fiction hein). Elle ne doit son salut qu’à Christophe qui, lors du match décisif contre le Danemark, profite d’un ballon mal capté par Schmeichel, pour envoyer son pays en phase éliminatoire d’un extérieur du tibia. Christophe tire une langue large comme une bavette, la France exulte et la presse s’embrase pour son nouveau chouchou. Le changement s’opère.

Les courses chaotiques de Duga deviennent des « banderilles chaloupées », ses frappes taupées des « tirs fourbes » et ses contrôles hasardeux des « feintes astucieuses »

La France, malgré tout, est éliminée en quart par l’Italie aux TAB. Mais elle s’enorgueillit de son parcours honorable, à l’instar du nouveau chouchou floqué N°21. Tout le monde le joue sur des cotes de paris sportifs à 1.01 sur « Duga premier buteur« .

Coqueluche d’une nouvelle génération d’avant-centre, Duga prend sous son aile ses poupons « Titi » et « Trezegoal » qui délaisseront rapidement le sens du but pour embrasser le panache et la grinta du buteur girondin. Dernier baroud d’honneur pour Christophe lors de l’Euro 2000 : un véritable stand de tirs où l’EDF set met au diapason de son maître à jouer et tente pas moins de 135 frappes pour seulement 3 buts. En larmes, Duga lâche officiellement son maillot, sa coupe, puis l’Équipe de France. Thierry Rolland ânonne quelques pleurs, et la France enterre sa rock star.

Désormais « célébrité » Duga est la coqueluche des médias. Il ponctue chacune de ses arrivées sur les plateaux TV à grand coups de tirage de langue. Personnalité préférée des français en 2001, Duga devient l’icône d’un pays où l’irrévérence prévaut sur le talent.

Aujourd’hui reconverti industriel dans le bassin bordelais, Christophe coule des jours heureux entre la plage d’Arcachon et son entreprise de produits dérivés où mugs et tee shirts arborent fièrement une bouche canaille ouverte sur une langue charnue. Ses clients les plus fidèles (Guivarc’h et Ginola, deux autres stars des Bleus), le recommandent même à 5 étoiles sur Trip Advisor. Rock-star toujours.