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Vecteur d’intégration sociale, le football est souvent considéré comme le reflet de la société actuelle. Face aux débats récurrents entre l’exercice de la religion et le respect de la laïcité, le ballon rond n’échappe pas à la règle. Les derniers évènements du Vatican sont là pour le rappeler.

«C’est une fierté pour tous les Argentins que le pape soit d’ici». En quelques mots, Lionel Messi plante le décor. Le 13 mars dernier, le cardinal Jorge Mario Bergoglio est devenu le 266ème pape de l’histoire du Saint-Siège. L’occasion pour l’Argentine de célébrer François, son nouveau messie. Le symbole d’une religion, le représentant de tout un peuple. S’il se veut être «le pape des pauvres», il apparait dans la droite lignée de ses prédécesseurs, Jean-Paul II et Benoit XVI, avec leur amour pour le football. Alors que le cardinal polonais n’a jamais caché son attrait pour le ballon rond, devenant même l’un des socios du FC Barcelone, son homologue allemand a mis sur pied la Clericus Cup, en 2007, sorte de Coupe du monde cléricale réunissant prêtres, curés et séminaristes d’une soixantaine de pays.

La liesse populaire déclenchée par l’élection du cardinal Bergoglio a rapidement gagné la banlieue sud de Buenos Aires. Et plus précisément, le quartier de Boedo. Berceau du cinquième club le plus populaire d’Argentine, San Lorenzo reste dans l’ombre des grands River Plate et Boca Juniors. Qu’importe, il a désormais son pape. Dans un pays où la religion reste extrêmement présente, les fidèles du club n’ont pas tardé à clamer haut et fort que le souverain pontife faisait partie des leurs. Après avoir dirigé la messe du centenaire de San Lorenzo, en 2008, l’ancien archevêque de Buenos Aires s’était vu remettre un maillot ainsi qu’une carte de socios de la formation argentine.

Mais devant la clameur soudaine développée par cette élection inattendue, l’Église catholique en a aussi profité pour rassembler. Rassembler les fidèles. Rassembler les pauvres. Rassembler autour de ce Monsieur tout le monde qui plait et qui touche de par sa sincérité et sa simplicité. Pour perpétrer la tradition catholique à travers la planète, le Saint-Siège se sait contrait de s’ouvrir à la modernité. Car dans une société en perpétuelle recherche de repères et de références, l’Église voit en son leader spirituel une représentation pour ses fidèles.

Kaka, le « miracle »

Si, en Argentine, l’élection du pape a vu resurgir l’attrait et l’exercice de la confession, le voisin brésilien apparait également comme profondément imprégné de valeurs religieuses. Souvenez-vous de la Seleção, célébrant son sacre mondial, en 2002, sur la pelouse de Yokohama. Les Ronaldo, Ronaldinho ou autres Cafu s’étaient alors réunis en cercle, remerciant Dieu pour son soutien et son amour. Des images de communion et de partage qui ont fait le tour du monde. Parmi les symboles de cette foi auriverde, le madrilène Kaka. Victime d’une fracture de la sixième vertèbre à 18 ans, le natif de Brasilia avait alors considéré son rétablissement sans séquelle comme un miracle, décuplant un peu plus sa foi en Dieu. Une croyance religieuse qu’il n’a pas hésité à afficher, comme lors de la Coupe des Confédérations 2009 où le meneur de jeu brésilien avait revêtu un tee-shirt floqué du slogan « I belong to Jesus ». Ajouter à cela une célébration collective et religieuse du nouveau titre de la Seleção, la FIFA n’avait alors que guère apprécié le geste, allant même jusqu’à demander par courrier aux Brésiliens que ce genre de scène soit tempéré.

Médiatisation et religion

Mais si la fédération internationale avait tenu, d’une part, à modérer quelque peu ces célébrations à caractère religieux, elle a, d’autre part, ouvert la voie à « l’affichage » de la religion, autorisant notamment le port du voile pour les footballeuses. Mise en application en juillet dernier, cette décision avait suscité de nouvelles controverses à propos de la place de la religion sur et autour d’un terrain de football. À l’heure d’une sur-médiatisation généralisée de ce sport, certaines stars du ballon rond sont également amenées à dévoiler leurs croyances. On a ainsi pu apprendre que Franck Ribéry ou encore Eric Abidal sont devenus musulmans après s’être mariés avec leur épouse respective. Issu d’une famille d’obédience chrétienne et musulmane, l’ancien sévillan Frédéric Omar Kanouté a, pour sa part, choisi l’Islam dès ses 20 ans.

Défier les barrières de l’ostracisme

Ce dernier est également un symbole de l’usage de cette médiatisation pour interpeller la société et ses acteurs. Sa récente opération de grande ampleur a ainsi permis de réunir la signature d’une soixantaine de footballeurs (Didier Drogba, Eden Hazard, Jordan et André Ayew,…) afin de soutenir la cause palestinienne. Au cœur de ce conflit politico-religieux particulièrement ravageur et interminable, Frédéric Kanouté a pris position de par sa notoriété pour, notamment, dénoncer les agissements de l’armée israélienne. Pour autant, le choc des confessions entre Islam et Judaïsme se veut tempérer par quelques actes porteurs d’espoir. Alors que la situation diplomatique semble dans une profonde impasse, plusieurs joueurs musulmans poursuivent leur carrière footballistique au cœur de l’État hébreu. Pour preuve, Abbas Suan, Arabe d’Israël, a pris l’envergure d’un héros national, le 26 mars 2005, lorsqu’il marqua, face à l’Irlande, le but de l’égalisation à la toute dernière minute en éliminatoires de la Coupe du Monde. L’image, parfois utopique, d’une barrière qui tombe. Certes minime, l’intégration de joueurs musulmans dans les effectifs juifs se poursuit depuis plusieurs années. Premier club représentant d’une ville arabe à remporter la coupe nationale, en 2004, l’Hapoël Bnei Sakhnin symbolise cette ouverture. Dans un entretien accordé à L’Express, en janvier 2009, le maire de la ville, Mazen Ghanaïm, clamait que « chez nous, le foot donne tort à ceux qui jugent illusoire toute coexistence ». À défier les barrières de l’ostracisme, le football se pose ainsi en médiateur plus ou moins distant d’un conflit politico-religieux. Rassembleur et tolérant, le ballon rond se veut porteur d’espoir.

Glasgow, ses catholiques et ses protestants

Mais n’oublions pas qu’il se nourrit lui-même de ses rivalités historiques. Car l’essence même de ce sport se trouve dans sa perpétuelle opposition. Sur le terrain, dans les tribunes ou dans les cœurs des supporters. À cet égard, la ville de Glasgow symbolise cette image du football qui déchaine les passions. Berceau de l’un des plus vieux et célèbres derbys de l’histoire de ce sport, la cité écossaise vit au rythme de ses deux peuples. D’un côté, celui du Celtic, catholique et résolument tourné vers le voisin irlandais. Et de l’autre, celui des Rangers, protestant et fanatique de l’Empire britannique. Si ce dernier a vu sa souveraineté désavouée, la saison passée, par une relégation administrative en quatrième division, voilà près de 125 ans que les deux clubs de la ville se livrent une bataille symbolique, celle qui a profondément divisé la région pendant des siècles. Un fanatisme religieux qui trouve sa plus profonde expression dans la volonté de vaincre l’autre. Si on l’appelle traditionnellement le « Old Firm », ce derby de Glasgow porte parfois le lourd surnom de « 90 minutes d’intégrisme ». L’amour du maillot, la fierté de la confession, autant de raisons d’alimenter l’un des plus violents mais passionnants duels de l’histoire de ce sport.

Les exemples sont ainsi nombreux pour exprimer l’étroite corrélation entre médiatisation et confession. La prière d’avant-match, les rituels personnels, la célébration d’un but… Chaque joueur a donc sa manière pour afficher ou non sa religion au cœur ou en dehors du champ footballistique. Mais les multiples réactions des différents acteurs du sport et de la société peuvent attiser un sujet parfois brûlant. Car les débats récurrents concernant le respect des valeurs républicaines, telles que la laïcité, sont venus remettre un peu plus en question la place de la confession aux côtés du ballon rond. La tolérance de la religion apparait ainsi de plus en plus contestée dans nos sociétés. Mais la récente déclaration d’amour du pape François pour ce sport tout aussi adulé atteste des liens persistant entre les deux domaines. Car après tout, le football n’est-il pas considéré comme la dernière religion planétaire ?

Newcastle vient d’installer une salle de prière pour ses joueurs musulmans pratiquants, ce qui ne manque pas de faire débat outre-Manche…

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