AvideceWopyBalab

Le 14 Avril 1958, l’équipe de France de Football perd la coupe du monde. Non pas parce qu’elle perd contre le Brésil en demi-finale, ce qui fut effectivement le résultat du match, mais parce qu’elle perd deux joueurs importants. Pas sur blessure, mais par patriotisme.

En effet, ce jour-là, plusieurs joueurs que l’on appelait « Français musulmans » décident de déserter leur club pour rejoindre Tunis (alors QG du FLN) via la Suisse et l’Italie.  Parmi eux, plusieurs internationaux dont 2 titulaires quasi certains pour la coupe du monde qui s’annonce en Suède : le défenseur Mustapha Zitouni et la jeune pépite stéphanoise, déjà champion de France et champion du monde militaire Rachid Mekhloufi. D’autres fugitifs, tels le Monégasque Ben Tifour ou le Toulousain Saïd Brahimi, ont par ailleurs déjà enfilé à maintes reprises le maillot bleu.

Cet acte politique, volontaire ou sous pression (les avis divergent à ce sujet), connaît un grand retentissement en France. En affaiblissant ainsi l’Equipe de France à la vieille d’une compétition de premier ordre, le FLN espère marquer l’opinion publique en métropole. Le FLN, dans le cadre de sa politique de guerre globale (militaire et de l’opinion), espère que cet « acte de guerre sportif » démontrera que des stars du football sont prêtes à embrasser, en risquant leurs carrières, la cause indépendantiste algérienne. Ainsi, dès le 15 avril, le FLN publie le communiqué suivant : « le Front de Libération Nationale a la satisfaction d’annoncer qu’un certain nombre de sportifs algériens viennent de quitter la France et la principauté de Monaco, à l’appel de l’Algérie combattante […] Reçus par le FLN, nos frères ont manifesté leur joie de se retrouver parmi nous. Ils nous ont longuement expliqué qu’au moment même où la France faisait, à leur peuple et à leur patrie, une guerre sans merci, ils refusaient d’apporter au sport français un concours dont l’importance est universellement appréciée ». Ceux que l’on surnomme désormais « le onze de l’indépendance » entament alors, pour le compte du FLN, une tournée mondiale jouant de 1958 à 1962 plus de 80 matchs à travers 14 pays. Toutes ces matchs internationaux officiellement illégaux (la FIFA ne reconnaît pas officiellement l’équipe algérienne) sont autant d’épopées sportives que politiques. Les tournées sont organisées dans des pays sensibles à la cause algérienne (Pays de l’Est, Asie du Sud Est) et doivent préfigurer le contour des futures relations diplomatiques de l’Algérie indépendante.

L’équipe de France partit donc affaiblie au Mondial en Suède et, malgré tout, parvint à la troisième place.  On est tenté de penser qu’une équipe de France forte de tous ses titulaires et notamment de Zitouni, pilier en défense, aurait pu battre le Brésil et pourquoi pas remporter sa première coupe du monde… l’histoire du football français en eut été changée. A défaut, ce fut l’Histoire avec un grand H qui le fut.

Les joueurs et le public français ne furent pas rancuniers : Mustapha Zitouni reçut une émouvante carte postale de la part des joueurs Kopa, Fontaine et Piantoni, alors en pleine coupe du monde en Suède, et Rachid Mekhloufi devint l’idole de Saint Etienne dans les années 60 à son retour en France.