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Le 28 mai dernier à Carquefou, un match de gala opposait la sélection du Mali à la sélection bretonne. Une victoire 1-0 des bretons coachés par Claude Le Roy et des joueurs comme Didot, Danic ou Courtet sur le terrain, des joueurs ayant réalisé dans l’ensemble une bonne saison de Ligue 1. Mais au juste, en quoi consiste cette sélection bretonne, qui ressemble en tout point à une sélection nationale, mais qui ne l’est pas ?

La France et l’Espagne, qui disposent de régions où le vivier de joueurs est très fourni et la culture régionale très forte, ont des sélections régionales disputant des rencontres de gala lors des trêves internationales. C’est le cas de la Corse, de la Catalogne, du Pays-Basque, de la Galice ou de l’Andalousie, qui alignent à chaque rencontre des joueurs parmi les meilleurs du pays. Ces sélections non-officielles, qui existent depuis très longtemps, commencent à poser de sérieux problèmes aux instances internationales, alors que certaines régions espagnoles ambitionnent de s’émanciper afin de devenir une nation à part entière. Un sujet compliqué, sur fond d’identité régionale, qui va bien au-delà du football.

La Region’s Cup, compétition amateur encouragée par l’UEFA

Avant d’entrer dans le vif du sujet, parlons d’abord des sélections régionales officielles. Pour la petite histoire, il existe bien une compétition interrégionale en Europe, la Region’s Cup. Créée en 1999, il s’agit d’une compétition bi-annuelle organisée par l’UEFA, qui réunit les meilleures régions de chaque Etat. Cette année, la phase finale de cette compétition aura lieu en Vénétie, du 22 au 29 juin prochain. La France a réussi à atteindre la finale une fois, avec la région du Maine, en 2003 (défaite face au Piémont). Avec cette compétition, l’UEFA entend entre autres, offrir une exposition supérieure au football amateur, reconnu comme « un pilier du football européen » ou encore encourager la création de compétitions nationales pour les amateurs de chaque région. Elle donne ainsi l’opportunité à des amateurs de représenter les couleurs de leur région et de leur pays au sein d’une compétition internationale.

Vous le savez déjà, nous n’allons pas parler de ces sélections régionales là, plutôt encouragées par l’UEFA, mais plutôt de celles dont l’identité régionale est très forte, au point pour certaines de revendiquer leur indépendance politique. Des équipes qui se comportent comme de véritables sélections nationales, mais ne pouvant disputer des rencontres amicales qu’à la trêve, face à d’autres sélections. Celles-ci posent de sérieux problèmes aux instances internationales du football, dans la mesure où une indépendance de ces régions porterait atteinte aux principes mêmes de la FIFA et à ses statuts. La Corse et la Bretagne pour la France, la Catalogne, le Pays-Basque et la Galice pour l’Espagne, nous allons essayer de voir en quoi ces sélections posent problème, et surtout, essayer de décrypter quelles peuvent être les ambitions de ces équipes parfois composées d’internationaux confirmés et souvent meilleures que la majeure partie des autres sélections nationales.

Les sélections bretonnes et corses, des rencontres de gala mais une envie de se montrer

Le Coq est « Maure »

En France, deux régions ont leur propre sélection « nationale » : la Bretagne, rattachée à la Bretagne Football Association (BFA) et la Corse, sous la direction de la Corsica Football Association (CFA). Il n’y a pas d’autres équipes de ce type en France. Ces deux sélections non-officielles, revenues sur le devant de la scène conjointement en 2008, se réunissent chaque été pour des rencontres de gala face à d’autres sélections nationales. Ces dernières années, les bretons ont par exemple affronté le Congo, le Togo, la Guinée-Equatoriale et le Mali. Les corses ont quant à eux affronté le Congo, la Bulgarie, le Gabon ainsi qu’une sélection de joueurs dirigée par G. Houiller. Ces deux sélections se sont même rencontrées en 2010, en terres corses (victoire 2-0 de la Squadra Corsa), pour une rencontre où émotion et fierté régionale devaient être au centre des débats.

Du côté des résultats, c’est un quasi sans faute : les bretons ont remporté 4 de leurs 5 matchs (défaite face à la Corse) alors que les corses sont invaincus (2 victoires, 3 nuls). Il faut reconnaître que ces régions disposent d’un excellent vivier. Les joueurs ayant fait partie de l’une ou l’autre de ces sélections ces dernières années ne sont pas n’importe qui : Julien Féret, Gaël Danic, Etienne Didot, Romain Danzé côté breton ; Nicolas Penneteau, Sebastien Squillaci, Ludovic Giuly ou Rémy Cabella pour les insulaires. Et encore on ne parle pas des Flamini, Landreau et autres Gourcuff, tous susceptibles d’être sélectionnés. Si leur objectif premier est avant tout de promouvoir leur région à travers ces rencontres à objectif caritatif, difficile de ne pas imaginer une intention de prouver aux instances officielles que ces sélections sont plus que de simples sélections régionales.

En 1967 par exemple, l’équipe de France de football de Just Fontaine faisait le tour du pour affronter des équipes régionales et ainsi gagner en légitimité. L’objectif inavoué ? Fermer le clapet de la tendance nationaliste dans les régions, dans une période de décolonisation. L’équipe de France est alors « écrasée » 2-0 dans ce qui ressemble étrangement à une débandade. Le sélectionneur déclarera même : « si un jour on vous file votre indépendance, vous pourrez toujours espérer jouer un rôle à l’échelle internationale ! »

Catalogne, Galice et Pays-Basque, des instruments de revendications régionalistes

Nous sommes une Nation : officialisation

En Espagne, la situation et les ambitions de ces sélections sont bien différentes et tiennent principalement au fait que les espagnols ont une identité régionale très forte. Pour résumer, chaque région a sa propre sélection même si toutes ne sont pas en activité actuellement. Parmi les plus actives du moment, citons notamment le Pays-Basque et la Catalogne, qui participent en moyenne à une rencontre par an. Comme les sélections bretonnes et corses, ces sélections rencontrent des sélections nationales (Venezuela, Estonie, Tunisie, Bolivie pour la sélection basque ; Colombie, Argentine, Honduras, Tunisie, Nigéria, pour les catalans). Elles obtiennent d’excellents résultats et n’ont rien à envier aux autres sélections nationales, entre une sélection catalane alignant les champions du FC Barcelone (Xavi, Iniesta et autres Busquets), ou basque qui n’est pas en reste (Xabi Alonso, Javi Martinez ou encore Aduriz). A priori, ces sélections françaises et espagnoles se ressemblent dans leur fonctionnement. Pourtant, le message véhiculé, est lui bien différent.

En 2007 par exemple, alors que l’Euskadi XI (nom de la sélection basque) disputait une rencontre face au Venezuela, les joueurs affichaient une banderole assez explicite « Nous sommes une Nation : officialisation ». Puis le 29 décembre 2008, en marge d’une rencontre entre les sélections basques et catalanes, des représentants politiques du Pays Basque, de la Catalogne ainsi que de la Galice, profitaient de l’occasion pour signer la désormais célèbre « déclaration de San Mamés ». Un texte a portée symbolique certes, mais dont le message est on ne peut plus clair : obtenir la reconnaissance de ces sélections régionales comme des sélections nationales. Pour ces régions politiquement en quête d’indépendance, le football, sport populaire par excellence, permet d’amplifier la portée du message. La sélection devient donc pour ces communautés un véritable instrument de revendication, et les joueurs en sont (malgré eux ?) les premiers représentants. Tout le contraire de ce que souhaite la FIFA.

Le FC Barcelone, déguisé en FC Catalunya

La probabilité de les voir devenir des sélections nationales

Justement, parlons des instances. Au niveau national, en France par exemple, la Fédération Française de Football a pendant très longtemps empêché que les sélections bretonnes et corses puissent se réunir, probablement pour des questions politiques, et ont attendu 2008 pour leur permettre à nouveau d’exister. Et les hautes instances ? Quelle est la posture des instances internationales et notamment de la FIFA ? Les statuts de l’instance suprême du football à propos de ses associations membres permettent de comprendre par quels moyens ces sélections pourraient un jour devenir indépendantes. Si « ne peuvent devenir membre de la FIFA que des Etats indépendants reconnus par la communauté internationale », et que « seule une Association par pays ne peut-être reconnue », il existe bien une exception : obtenir de la part de l’association du pays l’accord pour devenir indépendant et être ainsi demander à être admis par la FIFA.

C’est cette exception qui a notamment permis à la Nouvelle-Calédonie ou à Tahiti de devenir des sélections nationales à part entière, la FFF, fédération souveraine, ayant donné son accord pour que ces fédérations puissent devenir membre de la FIFA et participer à des compétitions internationales. Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer la FFF ou la fédération espagnole autoriser une région à s’émanciper. La probabilité de voir ces sélections participer un jour aux éliminatoires d’un Euro ou d’une Coupe du Monde sont donc  proches du néant. Vous l’aurez compris, les enjeux autours de l’indépendance de ces sélections régionales se situent bien au-delà du football, bien au-delà des intérêts du sport et sont avant tout politiques. Et s’il est indéniablement plaisant de voir l’équipe de sa région participer à des rencontres amicales, on peut aisément comprendre pourquoi les fédérations ne peuvent se permettre de tolérer leur participation à des compétitions internationales.

Ces sélections proches en tout point dans leur fonctionnement ne partagent pas les mêmes buts. Alors que les sélections corses et bretonnes semblent souhaiter mettre en avant leur région dans un but purement exceptionnel et festif, les sélections catalanes et basques véhiculent quant elles un message politique davantage que sportif. Mais imaginer la Catalogne, le Pays-Basque ou la Corse s’affranchir un jour de leur fédération souveraine paraît tout de même extrêmement compliqué. Comment imaginer en les clubs phares de cette région maintenir le niveau de leurs équipes en ne disputant que des compétitions régionales ? Difficile de croire le FC Barcelone, l’Athletic Bilbao ou encore le SC Bastia capables de ne pas participer au championnat national ni aux coupes d’Europe, puisqu’ils se priveraient ainsi d’une manne financière indispensable à leur survie et au maintien de leur position.

Aujourd’hui les instances internationales, associations censées être apolitiques, empêchent cela de part leurs statuts et elles ont probablement raison, ne pouvant se permettre de favoriser les revendications nationalistes des uns et des autres, d’autant plus que cela provoquerait un véritable bouleversement de l’équilibre actuel.

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