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Qui de mieux qu’un ultra pour décrire la passion et la désillusion de ses supporters acharnés punis par un système répressif ? C’est ce qu’ont pensé Guillaume Warth et son éditeur (Des Ronds dans l’O) en publiant Supporters.

L’auteur revient par le texte sur la politique répressive mise en place par le club en 2010 envers ses supporters de toujours : le plan Leproux qui a purgé le Parc des Princes de ses ultras, apaisant des tensions qui avaient fini par coûter la vie à un supporter mais anéantissant dans le même temps la ferveur de l’enceinte parisienne.

Dans ce petit ouvrage (14x20cm souple), Guillaume Warth raconte donc les enjeux et les modalités de la transformation du stade avec en parallèle, des dessins qui décrivent le parcours de supporters un soir de match. Sa réflexion critique envers un bannissement de masse pour écarter quelques imbéciles se confronte donc avec ses souvenirs nostalgiques dessinés en noir et blanc et sans dialogue. Interview.

Cette œuvre est-elle une forme de thérapie pour vous après avoir été « trahi » par votre club de cœur ?

Guillaume Warth : Oui on peut dire que la réalisation de ce livre a été une forme de thérapie, de deuil… Je ressens toujours une profonde injustice concernant la fermeture des tribunes Auteuil et Boulogne. Cela me fait extrêmement plaisir de sortir un livre illustrant ces moments magiques aux Parc des Princes. Beaucoup de personnes extérieurs aux tribunes ne connaissent pas réellement les causes de cette dissolution. Cela me tenait à cœur de revenir sur ces événements, et d’expliquer un point de vue plus authentique par rapport à ce que l’on peut lire dans les médias de masse… Car la plus part des personnes adopte le point de vue des médias, raccourcis et stigmatisations, où les supporters du PSG ne sont que des sauvages qui se tapent dessus alors qu’ils soutiennent la même équipe…

Certes, les supporters ne sont pas tous des hooligans mais n’êtes-vous pas dans une forme d’angélisme envers les ultras ? Après tout, sans parler des bagarres, les insultes gratuites ou racistes envers les adversaires, les supporters visiteurs ou les arbitres sont très présentes dans les stades, non ?

Alors certes, dans ce livre je ne prend pas le temps de dresser les forces et faiblesses des Ultras, ce qui peut conduire à avoir une position « angélique ». C’est pourquoi dans le livre je conseille les personnes de lire l’article de So Foot sur l’affaire Casti, car ils ont su être très objectifs sur les avantages et inconvénients de ce mouvement. Après, il est certain que dans un stade de foot, l’ambiance est bien souvent électrique. Il règne une ambiance de Colisée, où les insultes gratuites sont présentes, mais font partie des réactions de peur face à l’équipe adverse. Tout le monde à déjà vue un membre de sa famille dire des « jurons » face à la télé, que ce soit de joie ou de haine, par exemple lors d’un match de coupe du monde, où l’on vit ce moment avec passion.

Ultra déçu par le PSG, il prend la plume

L’ambiance du Parc des Princes a été aseptisée mais le stade semble pacifié, n’était-ce pas le prix à payer ?

Le stade n’est pas simplement pacifié, il est devenu mort. Le stade permet de vivre un match avec passion, de crier sa colère, de hurler sa joie. C’est un lieu de liberté collective où tout le monde peut se lâcher durant 90 minutes. Bien sûr, cela ne doit pas devenir une zone de non droit, mais le stade ne doit pas non plus devenir un lieu aseptisé. Le stade n’est pas un lieu d’attraction pour les enfants, où tout le monde doit rester assis et secouer son petit drapeau comme si on étais à un spectacle de Disney land… Nous sommes dans un lieu de passion, où le stade vibre sous la joie ou la colère de ses supporters. Je suis totalement contre cette idée, de dire que cela était le prix à payer pour « pacifier » le Parc des Princes. Lorsque j’étais enfant, mon père m’a emmené plusieurs fois au Parc des Princes. Je n’avais pas un souvenir d’insécurité. En revanche, il régnait une énergie aux alentours et à l’intérieur du stade. Je me souviens avoir été plus fasciné par les animations en tribune, que par le match de foot en lui-même. Je ne pense pas que les enfants d’aujourd’hui ressentent pas cette même énergie…

La ferveur des tribunes compte-t-elle vraiment dans le résultat des matchs ? Et plus largement, vu le peu « d’amour du maillot des joueurs », n’y-a-t-il pas que les supporters pour croire qu’ils jouent un rôle ?

Lors des matches à huit clos, bien souvent les joueurs disent à la fin de la rencontre que le match a été dur (bien qu’en général le spectacle ait été mou…). Je suis d’accord que l’ambiance ne fait pas totalement le score, mais il influence fortement l’engagement, la détermination des joueurs. La ferveur génère un dépassement de ses capacités, des anciens joueurs diront qu’ils se sont sentis portés par leurs supporters. On ne peut pas nier que le soutien pousse une personne à progresser, à se dépasser. Si dans votre travail, il y a une superbe ambiance, une cohésion de groupe, du soutien, alors vous allez donner le meilleur de vous même. Par contre, si l’ambiance est déplorable et que personne ne porte d’intérêt à votre travail, il y a quand même de forte chance que le travail soit bâclé et mal réalisé…
Par conséquent, je pense que le soutien d’un public, et surtout le bonheur partagé dans le stade lors d’une victoire à domicile, est quelque chose qui mène une équipe à se dépasser.

Le supporter, devenu un spectateur, est considéré comme une source de revenus. Les clubs manquent-ils de respect envers cette clientèle ?

Le spectateur est une personne qui vient occasionnellement assisté à un spectacle de foot. Le supporter est quelqu’un qui vient au stade depuis de nombreuses années, avec pour seul objectif de supporter son équipe. Ce sont deux catégories de personnes totalement différentes. Le spectateur vient passer une soirée où il va peut être se faire plaisir en consommant à l’intérieur du stade et en rapportant des souvenirs. Le supporter vient au stade car c’est son mode de vie, et il ne va surement pas acheter à chaque match, des produits dérivés et autre objets de consommations… Le supporter est abonné, il paye sa place moins chère qu’un spectateur venant occasionnellement.

Il est évident pour que des dirigeants du club, il est préférable d’avoir des spectateurs rapportant une plus grosse source de revenus et surtout n’apportant aucune contestation. La plus part des dirigeants ne sont que de passage, ils se succèdent, et imposent leur vision à court terme comme un patron du CAC40.

Mais après tout on pourrait se demander qu’est ce qu’un club ? Ce sont des dirigeants, un entraîneur avec son équipe de foot, puis un stade avec ses supporters. Les dirigeants ne sont présents que deux ou trois ans, pour une vision à court terme… On a pu voir que « l’amour du maillot » n’est pas quelque chose de présent chez tous les joueurs… ils sont eux aussi, que de passage. Qui reste-t-il dans le club ? Le stade et les supporters ! Étrangement, les dirigeants souhaitent depuis longtemps s’installer au stade de France… Et les supporters ? On leur refuse l’accès…

Alors, lorsqu’on dit « que le club manque de respect envers cette clientèle », je ne trouve pas que c’est exactement ça, je dirais plutôt que les dirigeants ont volé le club à ses supporters et les ont mis dehors, sans qu’aucun joueur actuel ne prenne la peine de s’opposer à cette décision. On pourrait se demander pourquoi ? Et bien tout simplement parce que les intérêts financiers dominent notre société.

La contre partie des mesures répressives, c’est la solidarité des ultras de France face aux pouvoirs publics et aux clubs. L’ennemi de mon ennemi est donc mon ami ?

Effectivement, cette répression face au mouvement ultra a poussé les groupes ultras à se mobiliser ensemble face à leur ennemi commun : l’oppresseur. J’espère sincèrement que ces injustices vont permettre aux mouvements ultras de se développer et d’augmenter la solidarité et le respect entre chaque équipe. J’aimerais voir dans le foot, ce qu’on peut voir dans les sports de combats, une guerre sur le ring. Mais à la fin du combat, les deux boxeurs se font une accolade où l’on ressent le profond respect l’un pour l’autre avec cette fierté d’avoir produit un tel spectacle !

Sur le plan de la forme, Supporters se situe entre le manifeste (un texte pour passer un message) et la BD (du dessin mais aucune bulle de dialogue), pourquoi avez-vous opté pour ce format ? Et à qui s’adresse-t-il au final ?

Le texte du livre se situe plutôt dans un manifeste, tandis que les dessins du livre représentent un reportage, une immersion dans la soirée d’un supporter.
Bien évidement ces soirées de supporters étaient propre à mon groupe d’amis et ne correspond pas à l’organisation des personnes venant au stade des heures avant le matches afin de préparer les animations… Je félicite par ailleurs le travail de toutes ces personnes qui préparaient les animations des matches, merci !

Sinon je pense que ce livre est autant destiné aux personnes ne connaissant pas le cas du PSG, qu’aux anciens supporters souhaitant s’intéresser à un livre concernant leur histoire, être supporter!

J’ai l’impression de voir l’accomplissement parfait de la corruption.
Guillaume Warth

Sincèrement, Zlatan, Matuidi, Di Maria… ça ne vous donne pas envie de regarder à nouveau le PSG ?

Depuis 2010 j’ai coupé tous liens avec le PSG. Comme une rupture, cela a été très très difficile durant un temps. Mais lorsque je vois le PSG d’aujourd’hui, ma première envie n’est pas de regarder le match mais plutôt de vomir… J’ai l’impression de voir l’accomplissement parfait de la corruption. Une équipe de star qui domine le championnat dès les premières journées. Un Zlatan qui a accepté de venir à Paris car le club lui paye ses impôts, alors que monsieur ne gagne que seulement plusieurs millions d’euros par an… Un club qui se place au-dessus des lois, refusant l’accès à ses supporters, et préférant payer des amendes que de respecter la loi. Puis un nouveau public qui porte des vêtements du PSG comme une « mode ». La consécration de tout cela; le PSG a désormais un rayon de produits dérivés dans les centres commerciaux et supermarchés… PSG passé d’un club avec une mauvaise image, à un produit de consommation que tout le monde aime. Je trouve ça vraiment affligeant de constater le pouvoir de l’argent.