AvideceWopyBalab

Passé relativement inaperçu, « Le plus beau but était une passe« , petit essai de Jean-Claude Michéa, nous apprend l’humilité de la victoire et le relativisme de la défaite, avec talent. Mais il nous rappelle surtout que le football est un sport noble, beau, éternel dans la ferveur qu’il suscite.


Dans une interview pour les « Inrocks » datée de 2014, le philosophe anti-libéral Jean-Claude Michéa déclare que « le mépris du football est le signe d’une véritable infirmité intellectuelle ». Le penseur ajoute qu’on peut tout à fait « s’intéresser à Spinoza et Lionel Messi ». Le football, effectivement, est un sport de réflexion autant que d’action. Ne parle-t-on pas de « philosophie » de jeu ? Ne vante-t-on pas « l’esprit tactique », la « stratégie » des grands entraîneurs ? N’a-t-on pas débattu plus d’une fois du poids économique du football et de l’investissement, financier comme humain, qui y est consenti au quotidien ? Les discussions agitées des économistes anglais sur les conséquences du « Brexit » sur la Premier League semblent confirmer notre thèse.

Dans « Le plus beau était une passe », Jean-Claude Michéa ramène à la vie ses anciens écrits sur le football, avec brio. Trois textes rythment ainsi ce petit livre de 144 pages. Dans une première partie, l’auteur revient sur un entretien qu’il a eu avec un journaliste tunisien du nom de Faouzi Mahjoub. Le propos est ici de démontrer en quoi le football est devenu une métaphore du capitalisme mondialisé. Jean-Claude Michéa y défend le football moderne comme une intarissable source plaisir pour les yeux et le cœur. On retrouve cette argumentation  dans le contenu de cette interview des « Inrocks » où l’intellectuel « populaire » met en scène, dans un habile exercice d’opposition, les penseurs « élitistes » de ceux plus proches d’un peuple amoureux de ballon rond.

Poursuivant son brillant cheminement intellectuel, Jean-Claude Michéa continue de porter un crédit intellectuel au football. On peut lire sa prise de parole lors d’un colloque organisé, voilà quelques années, à Montpellier, sur le thème de l’existence d’une «philosophie du football », où le philosophe achève à coups d’arguments solides la doctrine selon laquelle un seul joueur porterait tout une équipe pour la mener à la victoire. Ravivant le souvenir de Georges Orwell qui disait que le « football ne pouvait se joueur seul », Jean-Claude Michéa se fait ici le chantre d’un football sans artifices.

Ce livre, il est surtout splendide alors que, en guise de bonus de fin, on peut y lire quelques pages du sublime essai du penseur uruguayen Eduardo Galeano : « Le football, ombre et lumière ». Mais laissons plutôt parler l’artiste : « Albert Camus apprit à gagner sans se prendre pour Dieu et à perdre sans se trouver nul ». Cette petite phrase, dans ce petit livre, devrait aujourd’hui régir le football moderne.