Dans Manager United (Marabout), Ben Lyttleton explique la science du leadership par les stratèges du football.
En 2015, nous présentions déjà un livre du journaliste sportif anglais Ben Lyttleton, qui s’intéressait à l’époque à la psychologie du pénalty. Il revient aujourd’hui avec un livre qui valorise le savoir-faire de personnalités du foot pour diriger une équipe, faire progresser leurs joueurs… Tout en rapprochant ces qualités de celles nécessaires dans une entreprise.
L’auteur écrit, qu’à l’heure du règne de la data, « les meilleurs joueurs de foot possèdent des caractéristiques difficilement quantifiables. Les aptitudes de ceux qui représentent cette valeur ajoutée sont immuables : adaptabilité, ténacité, leadership, prise de décision, résistance à la pression, motivation, créativité, travail d’équipe ».
Ben Lyttleton structure son ouvrage en grands chapitres qui correspondent aux qualités premières du leadership. A chaque fois en faisant le lien entre le management et la performance, le sport et l’entreprise.
– Dans « Cohésion« , le journaliste anglais étudie ainsi différents clubs, dont Bilbao, modèle pour son recrutement composé de joueurs basques qui, au-delà des qualités techniques, portent les valeurs de la région. L’exemple de la société Gain Line Analytics confirme d’ailleurs que « le niveau de communication existant entre les joueurs d’une équipe pouvait augmenter ses résultats de 30 à 40 % ». C’est une des raisons invoquées pour expliquer le sacre de Leicester en Premier League en 2016 car les gros clubs ont manqué de stabilité. Traduction dans le business : « En entreprise, ce qui motive les gens, ce sont les liens, la loyauté et la confiance qu’ils développent entre eux. Le plus important, c’est le ciment et pas seulement les briques », écrit-il en citant une experte en cohésion d’entreprise.
Avec l’exemple du club suédois d’Östersunds FK, il ajoute que la culture, la bienveillance et la solidarité ont permis de créer de la fierté collective.
– Dans le deuxième chapitre « Adaptabilité », il étudie par exemple le boulot de Thomas Tuchel « le briseur de règles » et notamment sa gestion d’Ousmane Dembele (omniprésent dans le livre car l’auteur s’enorgueillit d’avoir été parmi les premiers à le découvrir, quitte à en parler trop fréquemment) à Dortmund. Il analyse ensuite le leadership de Didier Deschamps et sa capacité à s’adapter, comme de grandes entreprises l’ont fait en analysant mieux que les autres leur marché (Paypal, Facebook, Apple…) .Capitaine dans l’âme, il a « appris à écouter », écrit l’auteur qui cite ensuite la définition de DD pour être un bon leader « être reconnu par ses pairs, être considéré comme un exemple et garantir le respect des règles au sein d’une équipe. Il insiste sur la nécessité d’être authentique et de savoir s’adapter. Il faut aussi encourager les joueurs, leur exprimer de la reconnaissance ».
– Son troisième chapitre est consacré à « Prendre une décision ». En étudiant la philosophie de Cruyff et le fonctionnement de l’académie de l’Ajax, il exprime l’importance « de privilégier le développement et la progression individuelle » des footballeurs comme des salariés. Sur la nécessité d’anticiper, il interviewe un psychologue norvégien qui cite en exemple le but d’Iniesta en finale de la Coupe du monde 2010, tant le regard du milieu espagnol est en permanence posé sur le ballon et les espaces. Ou encore la prise d’information de Frank Lampard lors d’un match contre Blackburn en 2009 où l’Anglais multiplie les regards autour de lui :
– Sur la « Résilience », Ben Lyttleton rencontre notamment un psychologue du sport de Chelsea qui définit cette capacité comme celle « d’évaluer avec précision les risques et les opportunités, et de s’attribuer les ressources émotionnelles appropriées à la situation ». En distinguant cette qualité de la persévérance pour expliquer qu’il faut savoir reconnaître un échec et abandonner. L’exemple dans le monde économique est celui de Coca-Cola qui a lancé une nouvelle boisson en 1985 et a finalement fait rapidement machine arrière devant l’insatisfaction provoquée.
– Sur la « Créativité », l’auteur cite de manière surprenante un obscur club de Ligue 2. Non, pas Châteauroux, mais Clermont dont le président Claude Michy a osé nommer Corinne Diacre comme coach. Avec Jorge Valdano, il évoque le besoin de faire preuve de passion et d’optimisme, et celui-ci se souvient aussi de Maradona en sélection argentine. Le Madrilène relève qu’avoir un génie dans une équipe fonctionne s’il passe un accord avec l’équipe dans le but de réussir un objectif commun.
Ces quelques exemples résument le travail de Ben Lyttleton dans Manager United. A qui s’adresse-t-il ? A ceux qui aiment un peu le foot forcément car le ballon rond est omniprésent de par les interventions des nombreux experts cités. Mais aimer le foot ne suffira pas dans ce livre exigeant et complet (348 pages) car il faut aussi véritablement vouloir comprendre comment bien manager une équipe, avec des parallèles fréquents avec le monde économique.