AvideceWopyBalab

Imaginez la maison ultime, une bâtisse toute en pierres, de celles qui défient les éléments au flanc des falaises bretonnes. Sitôt surmontée son austérité de façade, vous commencerez à apprécier le travail de l’orfèvre sur les boiseries, la profusion de détails ornant les faciès des gargouilles veillant sur les toits… jusqu’aux choix des couleurs, qui finiront par s’imposer comme le parfait prolongement de la sauvagerie environnante.

Enthousiaste, vous chercherez alors à en savoir davantage sur ce chef d’œuvre de savoir-faire.

Si nous parlons bien de la même demeure, une rapide enquête vous conduira à ces conclusions : les gros travaux auront incombé aux Portugais tandis que des maîtres italiens se seront occupés des finitions. A ce moment, vous approfondirez un peu vos recherches, furetant du côté du cadastre et là, invariablement, vous vous apercevrez que les fondations sont anglaises.

Il est communément admis que les Grands Bretons cumulent des talents d’organisateur (ce sont eux qui, au XIXème siècle, ont codifié notre sport) à une détermination sans faille. Aussi ne se sont-ils laissés envahir qu’en une occasion malgré des tentatives dont l’histoire a perdu le compte, tout en s’imposant au reste du monde, étendant leur Empire sur les cinq continents. Avec de tels ancêtres, plus d’un se serait laissé aller à choper le melon…

D’un point de vue footballistique, la première confrontation d’envergure des sujets de sa glorieuse majesté avec le reste du monde se situe en 1950, à l’occasion de la coupe du monde au Brésil. Auparavant, les Anglais s’étaient tout simplement dispensés d’une compétition qu’ils estimaient indigne de leur talent.

L’arrogance à peine émoussée par le cataclysme sud-américain (avec, notamment, une défaite face aux USA), l’Angleterre post-Churchill reconsidérera sa position sur le pré mondial après deux énormes raclées face aux ogres hongrois (dont un 3-6 à Wembley, avec un but encaissé dès la première minute) et des coupes d’Europe directement installées dans les vitrines du Réal.

Au sacre de 1966, coupe du monde qu’ils organisent, ils ajoutent une coupe des clubs champions en 1968 (Best va chercher le ballon d’or en dribblant la moitié de l’équipe adverse pendant la prolongation de la finale), préludant à une décennie de suprématie totale.

Pas moins de trois clubs d’Albion entre 1977 et 1984 se refilent le trophée, accordant même une place, deux années durant, à Robin des bois (Nottingham Forest sera champion d’Europe en 1979 et 1980). Mieux, il faudra l’incident du Heysel, où les supporters de Liverpool auraient mieux fait de marcher seul, pour enrayer cette formidable machine à gagner.

Mais depuis ?…

Depuis leur retour en grâce, sporadiquement, un club (Liverpool ou Manchester United) glane encore une breloque. Et là où, en France, on donne dans la grève des bus, de son côté, l’équipe aux trois lions pratique la grève des quarts.

A l’aune d’un palmarès finalement mitigé, il peut paraître sévère de parler des Anglais comme d’anachronismes, de mettre en avant le fait que fighting spirit vient de la même langue que has been. D’ailleurs, les Britanniques semblent s’être en partie débarrassés de l’autosatisfaction qui les minait jadis, n’hésitant plus, par exemple, à admettre un sélectionneur étranger à la tête de l’équipe nationale.

Cependant, si les inventeurs du jeu paraissent avoir pleinement adhéré à la nécessité de toujours progresser, on peut déceler ici et là des indicateurs tendant à prouver qu’ils ont tout de même fini par se faire dépasser.

Pour un Bill Dean, qui marqua la bagatelle de 60 buts lors du championnat de 1927-28, CanalWin offrait un éventail de plusieurs centaines de pions tous les week-ends.

Autre exemple, égaler les infidélités du seul Ribery a obligé les tabloids à marquer à la culotte le tiers de l’équipe-type, ajoutant deux attaquants, Crouch et Rooney, à ce qui, avec Terry et Cole s’apparentait jusqu’à présent à un problème de défense.

Quatre Anglais pour un français, pas étonnant que les clubs débauchent autant de joueurs étrangers. D’ailleurs, à cet égard, le niveau du Big four, qu’au moins deux équipes, Manchester City et les Spurs de Tottenham, entendent intégrer, n’a sans doute pas d’équivalent en Europe. Et pendant que ces six costauds se détruisent entre eux au rythme d’un match tous les trois jours, les hommes sandwichs de l’Unicef peaufinent leurs toros entre Majorque et Alicante.

Comme un symbole, Stamford Bridge, le stade du champion en titre, correspond au lieu de la dernière victoire du roi Harold face aux invasions vikings. Pour glorieuse, cette bataille l’aura tellement affaibli qu’elle laissera le champ libre, quelques mois plus tard, à Guillaume le conquérant. C’était en 1066, neuf cent ans avant le sacre mondial.

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