Le premier tour se termine et c’est une bonne occasion pour tirer un premier bilan de la compétition, entre Modric et la Croatie, la surprise japonaise, ou encore le fiasco allemand…
Pour les amateurs de sensations fortes, la Coupe du monde a le mérite de voir beaucoup de buts inscrits dans le money time. On ne saura l’expliquer, mais c’est toujours plaisant d’assister à une fin de match folle. Moins rassurant, on a également observé une faillite globale des grosses équipes, ou supposées grosses. Ainsi, outre l’élimination allemande, le contenu n’a pas été dingue pour la France et l’Argentine, voire le Brésil, alors qu’on regrettait déjà l’absence de l’Italie ou des Pays-Bas. Est-ce que le football des clubs nuit à l’éclosion des jeunes talents qui font le bonheur des sélections ? On l’ignore, mais toutes ces équipes avaient un effectif plus impressionnant à la fin des années 90 et au début des années 2000. L’Espagne s’en sort bien, tandis que le plan belge porte ses fruits, mais on a tout de même l’impression qu’il y a moins de sélections fortes qu’avant.
Le niveau de jeu global a été correct, mais le suspense maintenu dans chaque groupe ne doit pas faire oublier les quelques purges de ce premier tour. Si la rencontre entre la France et le Danemark a été la pire de toutes, il y a eu d’autres matches très peu aboutis. Mais ne boudons pas notre plaisir, car il y a quand même eu du beau jeu par séquence, et l’enjeu va donner aux prochains matches des allures peut-être plus dramatiques encore.
L’équipe sexy : la Croatie et l’Empire du Milieu
Alors qu’on attendait l’Allemagne, l’Espagne et le Brésil comme références de ce premier tour, voire la France ou l’Argentine, ce sont les outsiders qui ont le plus convaincu. Et si la Belgique et l’Angleterre ont affiché un joli visage, c’est bien la Croatie qui a fait la plus forte impression. Solide derrière avec notamment la hargne de Vida, difficile à jouer devant avec un Mandzukic juste dans son rôle de pivot, c’est surtout dans l’entrejeu que la Croatie puise sa force. Entre un Modric qui marche sur l’eau, et des coéquipiers fiables comme Rakitic, Brozovic, Kovacic et Badelj, le milieu croate dispose de plusieurs cartouches différentes, mais ayant pour point commun d’être justes techniquement. On ne sait pas si l’équipe pourra maintenir ce niveau sur les matches à élimination directe, mais l’impression globale sur ce premier tour est excellente.
Cette Croatie est plus qu’une équipe « romantique ». Elle est violente. C’est très solide derrière et destructeur devant. Leur milieu est sublime. #ARGCRO
— A. (@CarterChnine) June 21, 2018
L’équipe efficace : l’Uruguay, plus pragmatique que la France
Si vous pensez que la France est pragmatique, regardez un peu le premier tour de l’Uruguay : une première place, 9 points, 0 but encaissé. Les critiques semblaient légitimes après les victoires poussives face à l’Egypte et l’Arabie Saoudite, mais le gagnant du groupe A s’est finalement fait plaisir face à la Russie. Si Gimenez ou Godin incarnent la solidité défensive de la sélection, l’attaque est toujours menée par Suarez. En méforme, moins tranchant qu’auparavant dans ses courses, il continue pourtant de marquer et de faire gagner son équipe. Face au Portugal, on peut déjà s’attendre à un combat tactique de premier ordre.
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Le match : un choc homérique entre l’Espagne et le Portugal
Alors qu’on attend forcément plus de spectacle dans les matches à élimination directe, il arrive parfois qu’une affiche du premier tour atteigne des sommets, qui enthousiasment l’ensemble de la planète foot. A ce niveau, on conseille vivement de regarder à nouveau le Pays Bas-République Tchèque de l’Euro 2004. Mais revenons à nos moutons avec le plus beau match de ce premier tour, entre Espagnols et Portugais. Le collectif espagnol, supérieur à son homologue portugais, a affiché pas mal de certitudes dans le jeu, mais un joueur du Real Madrid ne voulait pas céder face à ses coéquipiers en club, et surtout envoyait un message au monde entier. Avec un triplé et une partition de patron, Ronaldo a signé une prestation de classe mondiale, la plus aboutie d’un joueur sur ce premier tour. Le scénario du match, haletant jusqu’au bout, le niveau de jeu affiché par les principaux protagonistes, à la hauteur de l’affiche et la tension durant la rencontre, auront suffi pour lancer véritablement la compétition. C’est beau un monde qui joue.
J'ai l'impression qu'on se fait quand même pas mal chier dans ce mondial jusqu'ici, en dehors du 3-3 d'Espagne – Portugal non ?
— Nascimento (@Nas_foot) June 20, 2018
Le joueur du premier tour : Modric, le patron croate
Leader technique de l’équipe la plus séduisante, Modric a réalisé d’excellentes performances sur ce premier tour. Entre le déclin – relatif mais réel – d’Iniesta, et le fait que la jeune génération (Alcantara, Pogba) peine à franchir le palier vers la classe mondiale, la vérité du moment nous donnerait envie d’en faire le meilleur milieu du monde, probablement avec Kroos. Le Croate a montré, dans un rôle de double pivot contre le Nigeria, puis dans une position plus avancée par la suite, ce qu’on peut attendre d’un homme fort de l’entrejeu : une gestion parfaite des temps forts et temps faibles de l’équipe, une conservation de balle parfaite, une capacité à écarter le jeu ou à temporiser, et même une efficacité devant le but qu’il ne montre pas forcément en club.
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Le joueur qu’on n’attendait pas à ce niveau : Golovin, plus beau que Tatiana
Déjà connu des fans de Football Manager, Golovin a prouvé avec la Russie qu’il était un excellent joueur. Brillant face à l’Arabie Saoudite et à l’Egypte, le Russe a guidé son équipe vers le second tour, grâce à une science du jeu et une qualité de passes au-dessus de la moyenne. Absent face à l’Uruguay, le cerveau de l’équipe aura fort à faire pour permettre aux siens de voir les quarts de finale, puisqu’il devra affronter l’entrejeu espagnol des Busquets, Iniesta ou Koke. Quoi qu’il en soit, il a déjà réussi sa compétition à titre personnel, et pourrait être amené à changer de club rapidement.
je ne sais pas pour vous hein mais Golovin c'est la meilleure révélation du mondial.
— Yann (@ManekaYann) June 19, 2018
La surprise : le Japon miraculé
Inutile de prendre des gants : le Japon avait une bonne tête de dernier de groupe, avec 3 défaites en autant de matches. En effet, la sélection asiatique avait réalisé une piteuse préparation et s’était séparé de son coach Vahid à quelques semaines seulement du début de la compétition. En outre, les cadres semblaient sur le déclin, entre un Kagawa pas indiscutable à Dortmund, un Honda qui n’a pas trouvé de club en Europe et s’est exilé (avec succès certes) au Mexique, un Nagatomo qui a quitté l’Inter Milan pour la Turquie, ou encore un Kawashima qu’on a vu parfois fébrile à Metz. Malgré tout, le Japon sera bien présent au second tour, bien aidé par sa victoire inaugurale face à une Colombie d’un James diminué (qui a commencé sur le banc) et d’un Sanchez expulsé dès l’entame du match. Comme quoi, les étoiles étaient finalement du côté japonais, à tel point que leur qualification se joue au fairplay, au détriment du Sénégal.
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Le flop : l’Allemagne, encore un champion au tapis
Avez-vous le souvenir de voir l’Allemagne ne pas atteindre les quarts de finale ? Non, et c’est bien normal, car cela n’était pas arrivé depuis 1954. Mieux : la sélection européenne la plus titrée n’avait plus perdu au premier tour depuis 1938. Les champions en titre avaient trop d’arguments pour qu’on puisse croire à une élimination. Il y a le meilleur gardien du monde, certes en phase de reprise, mais on parle de Neuer quand même. Et puis, il y a Hummels et Boateng, ce duo si complémentaire et beau. On n’oublie pas Kroos, meilleur milieu du monde avec Modric. Et bien sûr, il y a le facteur X de la Coupe du monde, Thomas Müller, qui marque toujours quelques buts pendant la Grand-Messe. Et bien non. Une défense fébrile, un bloc coupé en deux, des cadres loin de leur niveau : rien n’a fonctionné. Et l’Allemagne a déjà quitté la compétition. Tout se perd…
J’ai du mal à y croire pour l’Allemagne. Le groupe F était de qualité mais ça reste un immense fiasco. Je pense que les supporters de la Mannschaft auraient préféré une équipe affreuse mais en huitièmes
— Angelo Salemi (@AngeloSalemi) June 27, 2018
Les éliminés qui vont nous manquer : l’exotisme n’aura pas duré longtemps
La beauté de la Coupe du monde, c’est aussi de regarder des équipes et des joueurs qu’on ne voit que rarement. Mais tous finissent par se faire éliminer rapidement. Néanmoins, ce premier tour nous aura permis de nous enthousiasmer devant le Maroc, l’Iran, le Nigeria, le Sénégal et la Serbie. Si beaucoup d’éléments sont déjà connus du grand public, et que d’autres évoluent en Europe et représentent des visages familiers, il est toujours intéressant de les voir jouer dans un contexte différent. Chacune de ces sélections affichent une personnalité assez différente de notre quotidien occidental, et c’était rafraîchissant de les voir. Merci à eux et à bientôt.
Bon. Un premier tour où les "petites équipes" et les outsiders auront fait le spectacle (ou au moins y auront contribué)
Dommage pour l'Australie, le Nigeria, l'Iran ou le Sénégal.
A mort l'Argentine.
— Esteban Piscine (@CocoDoBraz) June 28, 2018
Le point bleu : Kanté convaincant, l’attaque en berne
Les Bleus ne font pas encore rêver, c’est indéniable. Une victoire tirée par les cheveux face à l’Australie, un succès poussif face au Pérou et un match vraiment nul face au Danemark : on n’a pas eu de quoi s’extasier. Lloris et Kanté ont été les joueurs les plus convaincants, ce qui en dit long sur la partition offensive française : malgré des adversaires à leur portée, Griezmann, Mbappé, Giroud ou Dembélé n’ont pas fait exploser les défenses. Certes, ils n’ont pas été complètement ridicules, mais on s’attendait à mieux. Deschamps retiendra que le plus important est d’aller au bout, et que tant que le résultat est là, avec cette première place, il n’y a pas grand-chose à dire. C’est vrai que si la France était championne du monde de cette façon, personne ne retiendra la manière, à l’instar du Brésil de 94. A contrario, si les Bleus devaient perdre en huitièmes ou en quarts de finale, nous aurons la tristesse sans avoir eu l’ivresse…
C'est fou comme le jeu de la France ressemble de + en + au jeu des équipes où jouait #Deschamps. Mais les @RenaudDely diront que "du moment que ça ne perd pas"…
Et le panache, bordel ? Et la noblesse du vaincu ? Plutôt mourir debout,flamboyant, que vivre couché, médiocre, non ?— J-Christophe Buisson (@jchribuisson) June 26, 2018