Alors que la saison bat son plein en Slovénie, nous venons juste d’assister au clasico dimanche dernier entre l’Olimpija Ljubljana et le NK Maribor.
Dans ce cadre, nous avons voulu mettre en valeur un joueur francophone de ce championnat afin de vous faire découvrir la Prva Liga slovène. Nous avons donc eu l’opportunité d’échanger avec Macky Frank Bagnack. Cet international camerounais vient de passer les deux dernières saisons à l’Olimpija (avant de s’envoler pour le Partizan Belgrade cet été).
De l’académie Samuel Eto’o (Douala) à la Serbie en passant par la Masia et la Slovénie, nous avons discuté de sa jeunesse, de son début de carrière et de la suite de ses aventures avec un focus sur ce petit pays européen.
Nous avons eu le plaisir de découvrir un joueur disponible avec qui il a été très agréable de discuter.
Tu as été formé à l’académie Samuel Eto’o étant plus jeune, comment fonctionne-t-elle ?
Le recrutement se faisait sur l’ensemble du territoire camerounais. Je venais de la capitale (Yaoundé) comme pas mal de joueurs. Mais après tu avais aussi plein de joueurs qui venaient de tout le pays. Ils faisaient des tournois de détection mais personnellement je n’en ai jamais fait. J’ai été déniché je ne sais pas trop comment. Après ces tournois, on était tous envoyé dans une seule ville, la capitale économique du Cameroun, Douala. C’est dans cette ville que l’académie était basée. Durant mes années à l’académie, j’ai fait beaucoup de tournois.
Dès ta première année à l’académie tu faisais des tournois ?
Oui je me souviens, 6 mois après mon arrivée à l’académie, c’était mon premier voyage du côté de Tenerife (Espagne). On prenait part à un tournoi international.
Partir à 10-11 ans sur un autre continent ça devait être impressionnant ?
Oui c’était impressionnant. En plus de cela te frotter à des équipes comme le Real Madrid, Barcelone et pas mal d’autres grandes équipes, c’était une première. C’était la grâce de Dieu. On avait cette motivation, car il faut comprendre qu’on représentait le pays et on avait cette envie de bien faire. Je me souviens à cette époque, il y a Samuel (Eto’o) qui assistait toujours à ces tournois-là, c’était un plus, une motivation supplémentaire.
Après ces années à l’académie, tu t’es envolé pour la Masia (le centre de formation du Barça), comment s’est passée ton arrivée définitive sur le continent européen ?
Oui c’est vrai que je n’ai pas eu de problèmes d’adaptation lorsque je suis arrivé en Espagne. J’ai eu l’impression que j’étais né ici. Je me suis adapté très rapidement que ce soit côté alimentation ou sportif. Tout allait super bien.
Je n’ai jamais joué avec ma catégorie, j’ai toujours été surclassé. Je revenais seulement dans ma catégorie d’âge pour les matchs importants comme le derby contre l’Espanyol de Barcelone. J’étais toujours avec les jeunes qui avaient 1 ou 2 ans de plus.
Quand je suis arrivé, c’était vraiment impressionnant. Mais au bout de quelques mois, je me suis dit que j’étais là et que c’était ma nouvelle vie.
Au début tu es logiquement impressionné, t’arrives à Barcelone dans un des centres de formation les plus réputés du monde, tu dois avoir des étoiles plein les yeux.
Oui au début on avait ces étoiles qui brillaient. Mais aussi ce qui est bien c’est que quand on partait de notre pays aussi jeune, on savait déjà ce qu’on voulait. On aspirait déjà à avoir une carrière en Europe. Déjà, il faut savoir que ce n’est pas facile de partir de chez soi à cet âge. Tu te retrouves avec une équipe qui t’est inconnue, dans un environnement où tu devras t’adapter. Tu es également loin de ta famille et de tes amis. Ce n’était pas évident mais personnellement je n’ai pas ressenti tout ce manque.
Mais ce qui était bien c’est qu’avant nous, il y a avait déjà une autre vague qui est déjà sur place. C’était aussi un bonus parce que lorsque l’on arrivait, on avait déjà des compatriotes qui étaient déjà bien implantés. Ces « anciens » nous ont facilité l’adaptation.
Toute cette période à Barcelone t’a amené à ta première sélection avec le Cameroun, comment tu l’as vécu ?
Ma première sélection c’était quelque chose de particulier. Même si je n’ai pas pu débuter cette année-là, lorsque j’ai été appelé c’était la confrontation pour la qualification à la coupe du monde 2014 contre la Tunisie. Pour moi c’était un rêve d’enfant, un rêve de gamin qui se réalisait. Car lorsque tu aspires à être pro, bien évidemment tu veux représenter ta patrie donc pour moi c’était une fierté. Surtout que j’avais déjà eu affaire à quelques sélections de jeunes, avec les U17 notamment. Mais c’était juste un bref passage, je n’ai jamais joué de compétition.
Nous étions en 2013 et juste avant la CAN 2015 tu as joué deux matchs amicaux avec l’équipe fanion. Qu’as–tu ressenti lors de ta première entrée en jeu ?
C’était face au Congo à domicile au Cameroun avant le départ pour le stage au Gabon. Je me suis dit que c’était l’opportunité de me montrer. La plupart du temps on a juste tendance à dire que nous sommes jeunes et que nous manquons d’expérience. Mais je me suis dit, si je suis là c’est que je le mérite. Je retrouvais aussi le même football que je jouais en club puisque j’avais déjà joué deux bonnes saisons en deuxième division espagnole. Si tu aspires à faire une carrière professionnelle à long terme tu dois passer par ces étapes. J’ai fait 45 minutes, j’étais tranquille, j’ai fait mon match, mon travail.
Après ça, il y a eu pas mal de blessures, comment tu as pu passer outre ces grosses blessures que tu as connu en début de carrière et avoir maintenant une certaine stabilité physique ?
Ma première blessure, je me souviens je l’ai eu il y a 10 ans de cela. C’était en 2010 au Brésil, on était en tournoi de jeunes. C’était le premier match et ça a vraiment été difficile pour moi. Dès que j’ai été blessé je me suis dit que je n’allais plus pouvoir rejouer au football de ma vie. Mais par la grâce du seigneur Jésus Christ, j’ai pu me relever. Et pendant tout ce temps de rééducation, j’avais une force, je ne savais pas d’où elle venait. Et après cette blessure j’ai vécu une de mes meilleures saisons à Barcelone et j’ai également appris à me surpasser.
La deuxième blessure c’était après la CAN 2015. Après un mois à l’extérieur, il fallait rejoindre la dynamique du groupe et rattraper les matchs qui avaient eu lieu pendant la CAN.
Lors de mon retour, je devais jouer le week-end d’après et j’ai eu cette blessure à un entraînement sur un tacle par derrière d’un coéquipier et ma saison était terminée.
Après ta période espagnole tu as signé en Autriche où tu as très peu joué que s’est-il passé ?
Après le match contre la France (U23 à Créteil), j’étais en Allemagne pour m’entraîner et garder la forme après ma saison à Saragosse. Ensuite, j’ai signé en Autriche (à Admira). Cependant, je n’ai pas pu jouer les 6 premiers mois à cause d’un problème administratif lié à mon permis de travail.
L’Autriche est un championnat intéressant qui aurait pu t’ouvrir des portes. C’est dommage que tu ais perdu autant de temps et de rythme après des mois sans jouer.
Justement lorsque je me penche sur le choix de l’Autriche, c’est cette pensée là que j’ai. Je me dis que c’est un bon tremplin pour après me retrouver soit en Allemagne soit rebondir ailleurs. Mais alors que la saison a déjà commencé depuis plusieurs mois, je me rends compte qu’ils ont fait mon dossier de permis de travail sans insérer ma résidence espagnole. Pendant tout ce temps, je travaillais avec le groupe et aussi en aparté pour être prêt dès que je pourrai jouer.
Je me souviens on était en stage en Espagne, puis on revient pour terminer le championnat en février avec un déplacement à Salzbourg. Je joue ce match et dès la 7ème minute, j’ai une blessure musculaire. J’avais accumulé beaucoup de travail physique mais pas de compétition. J’ai joué seulement 2 ou 3 matchs amicaux mais c’était tout. Et c’est donc après tout ça que je pars de l’Autriche pour la Slovénie avec 7 minutes dans la saison. Mais j’ai compris qu’il fallait que je passe par là.
C’est dommage d’avoir gâché une saison mais tu as su bien te reprendre avec deux grosses saisons à 20-25 matchs où les blessures t’ont laissé tranquille.
Oui par la grâce de Dieu, je n’ai plus connu de blessures. Je disais qu’il fallait que je passe par ces épreuves pour me forger un mental. Je n’avais jamais connu ces difficultés avant. A Barcelone, j’étais dans ma zone de confort et je jouais tous les matchs. Il y avait un ensemble de privilèges. Mais quand je regarde tout ce que j’ai vécu, avec le recul, je me dis que ma carrière commence maintenant.
Après deux saisons en Slovénie comment nous décrirais-tu le championnat slovène que ce soit au niveau du jeu ou des ambiances ?
Le championnat slovène est un bon championnat pour des jeunes qui n’ont pas de temps de jeu dans les grands championnats. Il te permet de te montrer, d’avoir du temps de jeu et après repartir.
Dans mon cas, lorsque j’ai signé ici, je venais dans l’optique de faire une seule saison. J’ai finalement fait 2 saisons et c’était le moment de partir.
Pour le niveau du championnat, je ne peux pas vraiment le comparer à une Ligue 2 en France. L’impact physique est totalement différent. Je n’ai jamais joué en Ligue 2 en France mais lorsque je regarde les matchs je vois la différence.
Je me souviens, lorsque je suis arrivé ici, on m’a dit que le championnat était physique. Mais au bout de 2-3 matchs, je me suis dit comment ça il est physique ? Si tu vas au duel à l’épaule, l’arbitre siffle directement et te donne un carton. C’est pour ça que je me retrouve à être le défenseur le plus agressif (il était suspendu pour le match contre Maribor à cause d’une accumulation de cartons) alors que c’est des fautes qui ne se sifflent pas en Espagne ou en Angleterre par exemple mais ici oui.
Après c’est peut-être aussi parce que j’ai plus d’envie pour pouvoir vite repartir. Quand tu as déjà connu un niveau qui est au-dessus, tu as un autre état d’esprit. Quand je suis arrivé, la première année, mon capitaine était un ancien joueur du Betis Séville, il a joué aussi au Partizan. Il était différent car il a connu le haut niveau et on m’a dit qu’il y avait cette différence d’exigence entre lui et les autres.
Sinon c’est un championnat qui permet de te relancer, qui permet aux jeunes de se montrer. Il y a 2-3 équipes au-dessus. Tu as Maribor, Celje et Mura. Mais pour moi, les matchs où j’ai le plus donné ça a toujours été contre Mura (le NS Mura). Pour moi c’est le match le plus difficile parce eux ils courent. Ils vont au charbon de la première à la dernière minute. Maribor ont plus le même style que nous, ils veulent avoir la possession mais derrière ils laissent des espaces. Et dans l’impact physique, ils n’y vont pas. Ce qui fait que moi en tant que défenseur si j’ai un attaquant qui ne va pas au duel, je suis à l’aise.
Tous les derbies que j’ai eu à jouer, je me sentais à l’aise, j’ai pris du plaisir. C’est vrai que je les aborde toujours différemment parce que c’est un match à la base où il y a beaucoup de pression. Mais personnellement j’aime ces matchs, la pression me motive. Je ne vais pas dire que je ne ressens pas la pression mais je suis beaucoup plus concentré contre une équipe comme Mura que contre une équipe comme Maribor. Je vais être plus concentré contre une équipe qui joue le milieu ou le bas de tableau que contre Maribor. Pour moi, les derbies sont les matchs les plus faciles. J’en ai joué 4 ou 5 et je n’ai jamais perdu et je n’ai pas pris de buts.
Pour continuer sur le même sujet, comment présenteras-tu l’ambiance en tribunes lors des derbies ?
Il y a une grande différence avec les autres matchs. Les deux matchs vraiment différents des autres côté public sont le derby et Mura. Mura a beaucoup de supporters. Et chez eux, tu as un stade à l’anglaise où tu as des supporters tout autour du terrain et au bord de la pelouse. C’est pour ça que j’aime jouer à l’extérieur. Je ne sais pas pourquoi j’aime beaucoup plus jouer à l’extérieur parce qu’on te crie dessus, on te siffle et tout ça me motive. Et même quand on reçoit Mura, ils ont plus de supporters que nous, ils font plus de bruit que les nôtres.
Et le derby c’est la folie, les deux camps sont à fond. Tu as plein de fumigènes, d’un côté vert, d’un côté violet (les couleurs de l’Olimpija et de Maribor), le match est arrêté régulièrement.
Donc c’est sur ces deux matchs là où tu as vraiment de l’ambiance. Sinon après les autres matchs, il n’y a pas tant d’ambiance que ça.
Je vais profiter du sujet pour faire une bonne transition et passer à la Serbie qui est un cran au-dessus au niveau de l’ambiance. A quoi tu t’attends pour ta prochaine saison au niveau des ambiances, du niveau de jeu du championnat mais aussi de tes objectifs personnels ?
Côté jeu, d’après ce que m’a dit mon petit frère (photo ci-dessus), puisque qu’il a longtemps joué là-bas (de 2014 à 2019 dans plusieurs clubs de Serbie), le niveau est bien supérieur à la Slovénie. L’impact physique est aussi beaucoup plus important.
Côté ambiance, j’ai pu remarquer qu’ils vivent beaucoup plus le football. Je regardais le derby de Belgrade il y a quelques jours et l’ambiance était folle. Moi, c’est ce que j’aime et c’est pour ça que je joue au football, pour ce genre d’ambiance. Et les supporters du Partizan sont très chauds.
Il faut comprendre que le Partizan me veut depuis un an maintenant ça ne s’est pas fait malheureusement mais les supporters m’attendaient. Depuis l’officialisation, ils ont envahi mes réseaux sociaux. Je n’arrive plus à répondre à tous les messages.
Ce sont des petites choses, mais c’est très important et ça te pousse à te surpasser. Lorsque les gens viennent au stade c’est pour se régaler et pour voir les joueurs tout donner pour leur club. Il faut que tu sortes de là, la tête haute et que tu puisses regarder quiconque dans les yeux en te disant que t’as donné tout ce que t’avais. On ne va pas gagner tous les matchs mais on va aborder tous les matchs avec la mentalité de gagner.
Donc oui, ils ont envahi mes messages, ça fait vraiment plaisir de savoir qu’on te veut et ça te pousse à te donner. Et lorsque t’es en confiance, tu dois redonner cette confiance aux supporters sur le terrain. C’est tout ce que je compte faire, leur rendre leur confiance.
Côté objectifs, si je vais en Serbie, c’est un palier de plus, mais je ne compte pas y rester, je vais chercher encore plus haut. Je sais que ça va se faire, que j’en suis capable. J’ai fait beaucoup de sacrifices pour cela. Et j’ai cette foi qui me fait savoir que ça va se faire même si ça ne sera pas facile.
La CAN 2021 se jouera dans ton pays, penses-tu que le Partizan te permettra d’avoir suffisamment de visibilité pour être vu par ton sélectionneur et disputer la CAN ? Est-ce ton objectif ?
Honnêtement, mon objectif principal est de faire de bonnes performances avec le Partizan. Je cherche à être au service de l’équipe et à apporter mes qualités et mon expérience. Le reste, concernant l’équipe nationale et la coupe d’Afrique, ce n’est pas dans mes plans. Je disais à mon frère et à certains amis qui me disaient que je devais retourner en sélection, que je ne me soucie pas d’un certain nombre de choses. Je ne sais même pas ce qui va se passer demain. Personnellement, je sais que j’ai le potentiel pour y être mais il y a des choses qui ne dépendent pas de toi.
Ce qui dépend de moi je le fais car il y a des statistiques. Je pense qu’aujourd’hui, il y a toutes les plateformes sur lesquelles on peut retrouver ces statistiques et je me limite à ça : avoir de bonnes prestations pour être sélectionné. Mais je sais que je retournerai en sélection quand Dieu le voudra. Je peux le dire avec une ferme assurance même si ce n’est pas la priorité numéro une. Je suis ouvert, c’est mon pays et mon rêve a toujours été de défendre les couleurs du Cameroun.
Après l’obtention de sa nationalité espagnole dans les mois à venir, Frank aspire à une belle carrière en Europe. En espérant le revoir très rapidement sur les pelouses avec le Partizan ou ailleurs dans les années à venir.
Toute l’équipe de PKFoot le remercie pour le temps accordé et lui souhaite une très belle saison du côté du Stadion Partizana de Belgrade !
N’hésitez pas à suivre la suite de ses aventures sur son Instagram : mackybagnack3 !
Interview réalisée par Amalric. Retrouvez-moi sur mes réseaux :
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