Dans l’ombre du rugby, le football néo-zélandais peine à exister. Alors que le monde entier braque ses yeux ovales sur l’île, la ville de Wellington retient son souffle pour ses Phoenix. Ou l’histoire d’un club bien particulier. Récit de Nicolas de Lucarne Opposée.
Nous sommes en 2004. Désireuse d’implanter durablement le football au pays des kangourous, la fédération australienne de football (FFA) décide de créer une ligue reposant sur un modèle similaire à la MLS américaine : la A-League. Afin de pouvoir rassembler au maximum, la FFA offre une licence à un club néo-zélandais qui sera basé à Auckland et portera le nom de New Zealand Knights. A l’époque, l’Australie appartient à la Confédération d’Océanie (OFC) et l’incorporation d’un club néo-zélandais apparaît comme un moyen logique d’implanter un football professionnel de qualité, sur les deux îles qui dominent la confédération, les autres sports majeurs locaux suivant par ailleurs ce modèle (quoi de mieux que des rivalités locales pour lancer une compétition ?). Sauf qu’un jour de 2006, tout va basculer.
Nation montante, l’Australie décide de quitter l’OFC pour rejoindre la Confédération Asiatique (AFC) abandonnant son rival historique, la Nouvelle-Zélande. Quelques mois plus tard, les New-Zealand Knights disparaissent.
Sommaire :
Les Phoenix ou la schizophrénie sauce Asie/Océanie
Alors que de multiples pressions vont s’abattre sur la FFA pour abandonner l’idée d’une licence néo-zélandaise devenue caduque après le départ vers l’AFC, elle décide cependant de délivrer une nouvelle licence néo-zélandaise, licence qui échouera à Wellington où Terry Serepisos offrait quelques garanties financières (les mauvaises langues diront que la FFA, soucieuse de vouloir organiser la Coupe du Monde 2018 ne pouvait se permettre de perdre un allié local). Cette décision eut pour conséquence de générer quelques conflits.
Locaux car placer un concurrent professionnel au Team Wellington, l’équipe de la ville qui participe au championnat néo-zélandais, ne fut pas du goût de tout le monde. D’autant qu’avec leur puissance financière, les Phoenix sont rapidement devenus le porte-drapeau du football néo-zélandais, garantissant la présence d’un club professionnel sur l’île, seul garant d’un plan de développement. Seul souci, équipe australienne par essence (du fait de son appartenance à la FFA), les Phoenix sont dans l’obligation de limiter par la confédération asiatique leur nombre de néo-zélandais dans l’équipe. Pire, alors que la plupart des autres formations de la A-League se voient offert l’occasion de développer leurs centres de formation par l’existence d’un championnat des réserves, les Phoenix se sont vus refuser l’accès à cette compétition. Ainsi, l’impact sur le développement du football néo-zélandais via les Phoenix demeure minime (même si réel). En réaction, la saison 2010-2011 aura vu la naissance d’une nouvelle compétition : l’ASB Phoenix Challenge qui permet à cette pseudo-réserve de jouer huit matchs par saison face aux… huit équipes néo-zélandaises participant au championnat local. Ubuesque ?
Ce n’est pas tout. Cette situation quasi schizophrénique s’étend à l’échelle continentale. Il y a deux saisons, quelques mois avant que la Nouvelle Zélande ne vient surprendre la planète foot en Afrique du Sud, les Phoenix se retrouvaient à quelques encablures de décrocher une place pour la prochaine Ligue des Champions asiatique. De quoi faire des heureux ? Presque. Ladite confédération ne tolère pas la présence d’un club basé en Nouvelle-Zélande, sur les terres d’un pays rattaché à l’Océanie. Les Phoenix se retrouvent entre deux feux. La situation se règlera sur le terrain où Wellington se fera voler la place en finale par de mauvaises décisions arbitrales devant Sydney. De là à invoquer la théorie du complot, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchissent encore. Conséquence, le club le plus riche de Nouvelle-Zélande dispute une compétition qui, il le sait, ne le qualifiera jamais pour une compétition continentale et n’en fera jamais le représentant de son pays sur le plan mondial puisque ne pouvant non plus disputer l’O-League remportée régulièrement par un néo-zélandais (Auckland ou Waitakere).
L’été meurtrier
Déjà peu enviable, la situation des Phoenix a longtemps inquiété cet été.
A L’image des New Zealand Knights, Wellington subit, via son propriétaire, une véritable crise financière et voit son avenir s’obscurcir. Alors que la FFA n’a rien fait pour sauver North Queensland quelques mois plus tôt (voir ici , elle ne peut se permettre de perdre une nouvelle franchise dans une ligue qu’elle peine à faire grandir. Autre souci : Wellington, via son coach Ricki Hebert, est reconnu comme l’un des grands acteurs de l’émergence de la sélection nationale néo-zélandaise qui est venue surprendre la planète foot en 2010 et, dans la foulée, la FFA avait reconduit la licence aux Phoenix pour cinq saisons supplémentaires là où l’AFC faisait pression pour un abandon de cette situation (gardez à l’esprit qu’à l’époque, outre l’émergence des All White, la FFA devait s’assurer quelques soutiens locaux dans sa course à l’organisation de la Coupe du Monde 2018 – dans le même esprit, elle soutenait encore les chancelants North Queensland Fury). La chute de Serepisos dure plusieurs mois et agite les coulisses en pleine phase de préparation de la nouvelle saison. Dans le même temps, les Phoenix doivent endurer de multiples blessures et la plus grande incertitude pèse sur l’avenir tant en coulisse que sur le terrain. Alors que la saison approchait, les fans voyaient leur club naviguer en eaux troubles, incapable de savoir s’il allait pouvoir disputer la prochaine saison. De son côté, la FFA ne prenait aucune décision ni n’apportait quelque soutien.
Tout se règlera à une semaine du début du championnat. Terry Serepisos cède sa licence sous la pression de la FFA et les Phoenix renaissent de nouveau grâce à un consortium de sept businesmen de la ville. Sur le terrain, le retard pris est considérable à tel point qu’avec les blessures, Wellington se déplace à Gold Coast avec seulement 17 joueurs valides. En coulisse, les nouveaux dirigeants se pressent pour trouver quelque recrue afin de composer un groupe suffisamment étoffé pour assurer une saison. Quoi qu’il en soit, le retard pris sur les autres est considérable et si on a évité une nouvelle affaire North Queensland, l’avenir n’est pas encore assuré.
Lorsqu’on lui demanda de justifier le nom de sa franchise, Terry Serepisos eut cette phrase : « The name symbolises the fresh start, the rising from the ashes ». Plus que jamais, après un été qui les aura vu au bord d’une disparition pure et simple, les Phoenix n’auront jamais porté aussi bien leur nom.