Nous sommes en 2000. L’AC Milan lâche pas mal de ronds pour recruter Fernando Redondo, grand acteur du titre européen remporté la même année par le Real Madrid. 18 M€ pour 16 matchs en 4 saisons à cause de blessures à répétition, soit un ratio trop facile à calculer. Cette mésaventure va motiver le club à investir dans un centre médical high tech, le Milan Lab.
L’instigateur du projet est belge. Le docteur Jean-Pierre Meersseman est un des spécialistes de la médecine sportive les plus reconnus de la planète, chiropracteur et adepte de la kinésiologie appliquée. A l’été 2002, il suggère à son ami Galliani de créer un laboratoire d’un nouveau genre. Le but de ce complexe, situé dans un luxurieux domaine au sud du lac Varese, est simple : étudier et anticiper les comportement physiques et psychologiques des joueurs des équipes en fonction de différents critères comme le stress ou le régime alimentaire.
Monté en partenariat avec Microsoft, ce laboratoire a plutôt l’air d’une salle de serveurs informatiques plutôt qu’une salle de musculation. Une fois les données réunies, l’ordinateur s’occupe d’interpréter le tout et de définir un programme d’entrainement adapté. Chaque joueur est considéré comme un cobaye unique qui réagit différemment. Par conséquent, il devient aussi possible d’anticiper les blessures en fonction des exercices qu’il peut pratiquer.
Si vous prédisez les blessures, vous pouvez stopper le joueur à temps
Le Milan Lab peut par exemple savoir, avec 70% de précision, si un joueur va se blesser en sautant. Clarence Seedorf est un parfait exemple. Le hollandais à la musculature déjà impressionnante avait l’interdiction de travailler certains muscles, que le scientifique estimait à la taille optimale.
Chaque détail a son importance : la façon dont il saute, les chaussures et fringues qu’il porte. Nous avons ainsi pu baisser nos interventions médicales de près de 70% sur les premières années
Sommaire :
Pourquoi le Milan AC a une équipe vieille ?
Si le Milan Lab est efficace avec un effectif actuel, pourquoi ne le serait-il pas avec de potentielles recrues ? Meersseman confirme.
Lors d’un transfert, j’étais la dernière signature avant celle du président. A chaque fois qu’un joueur ne réussissait pas les tests, je mettais mon veto. Le temps me donnait raison. En général ces joueurs ne réussissaient rien de bien dans les autres clubs
Parfois, il arrive qu’il vienne contredire les vieux routiers du recrutement lombard. Il a l’anecdote facile, en citant par exemple Cafu, dont l’âge augurait une carrière sur le déclin. Meersseman a identifié le problème qui rendait Cafu moins productif, et en a fait la légende du Milan AC que l’on connait.
En 2009, David Beckham a passé trois heures dans son bureau dans le cadre de son prêt des Los Angeles Galaxy. Les tests sont plus poussés que d’habitude. Tout y passe : contrôle de la colonne vertébrale, des yeux et même de la dentition (jurisprudence Cissokho ?). Les ordinateurs de Milanello crachent une fumée noire. Au final, Jean-Pierre Meersseman annonce à David Beckham qu’il peut pratiquer le football de haut niveau jusqu’à ses 38 ans. « J’ai explosé de rire » confiera David, avant de s’exploser aussi le tendon d’Achille quelques semaines plus tard. Un programme spécifique lui est préparé, faisant passer de 14% de masse graisseuse à 8.5%.
Le choix d’un transfert peut se faire en un rien de temps en théorie. 8 minutes suffisent au joueur pour compléter les tests et au scientifique pour entrer les données dans la machine. Cela explique en grande partie l’âge moyen très élevé de l’equipe du Milan AC, dont la moyenne frise avec les 33 ans régulièrement. Au début du Milan Lab, le docteur est parvenu à convaincre la direction de garder des joueurs aussi âgés que Dida, Nesta, Maldini, Inzaghi, Serginho ou Kalac. Cela fut une réussite pour certains (Maldini, Inzaghi), moins pour d’autres, souvent blessés tout de même (Serginho, Nesta, Kaladze).
Si le Milan Lab est efficace pour les arrivées, il peut aussi l’être sur les départs. La vente d’Andrei Shevchenko à Chelsea est en partie dûe aux quelques transistors du docteur qui a trouvé que le joueur avait atteint le top de sa condition physique en 2006. Sur ce coup, il a vu très juste.
D’année en année, le Milan Lab augmente son emprise sur toutes les équipes. Depuis 2010, toutes les académies de jeunes sont sous la houlette de scientifiques en blouse blanche. Plus de 250 gamins de 10 à 18 ans passent régulièrement ces tests physiques et psychologiques dans le cadre d’un plan global du club milanais afin de former des joueurs physiquement et techniquement aboutis (Milan Youth Sector).
Est-ce que le Milan Lab intéresse d’autres clubs ? Oh oui, ils disent qu’ils veulent le même. Mais qu’ils ne me demandent pas à quoi servent certaines machines (rires) – Maarsseman
Parmi les plus bluffés figure Carlo Ancelotti, entraineur du Milan AC parti ensuite à Chelsea, qui pousse sa direction londonienne à débaucher Bruno Demichelis, son ancien adjoint et proche de Meersseman, afin de recréer la même installation à Cobham. Alex, qui a suivi Carlo ensuite au PSG, se sentait comme un « jeune joueur » aux côtés de Demichelis.
Le technicien italien est un accro des technologies. Il fut par exemple l’un des premiers à utiliser les brassières disgracieuses mais au combien précieuses pour étudier les déplacements des joueurs à l’entrainement.
Depuis 2 ans, le gouffre
Le Milan Lab n’est plus aussi performants depuis quelques saisons. Alors à la pointe de la technologie au début des années 2000, le système ne semble pas conseiller de bons programmes et ne joue plus son rôle de protection des joueurs. Pato, musclé trop et trop vite, l’a payé avec des blessures à répétition. Robinho n’est plus que l’ombre de lui-même. Boateng, Mexes et bon nombre d’autres joueurs ont rempli l’infirmerie rossoneri à des périodes charnières pour le club.
Certains l’expliquent par l’état du terrain de San Siro, souvent indigne à la pratique du football. Les stats viennent démonter cet argument. Les blessures des joueurs interviennent la plupart du temps à l’extérieur ou à l’entrainement. Des terrains en synthétique sont même propices aux blessures d’après une enquête de la FIGC. Est-ce que les ordinateurs du MilanLab n’incluent finalement pas les paramètres extra-sportif des joueurs (alcool, sommeil,…) pour établir son programme de repos ?
La FIFA nous empêche d’utiliser la technologie que nous avons pour l’entrainement – Galliani, boss vénère
Pour remédier à ce problème, Galliani a décidé de nommer cette saison Daniele Tognaccini à la tête du Milan Lab afin d’optimiser les résultats, Simone Folletti le remplaçant au poste « d’athletic trainer ». Jean-Pierre Meersseman a quant à lui créé son propre laboratoire à Londres (MLabLondon) pour se rapprocher de son marché. Aussi, le club milanais a noué des partenariats technologiques novateurs. Début 2013, le club milanais et adidas ont présenté pour la première fois miCoach, un système d’entrainement qui permet d’analyser tous les faits et gestes des joueurs : durée de l’entrainement, distance parcourue, vitesse maximale,…
De quoi pallier les défauts d’un Lab en léger décalage avec la réalité du club ? Pour le perfectionner, le Milan AC a décidé de renforcer encore son développement avec Microsoft et a demandé à des biologistes de l’Université de Louvain (Belgique) de se pencher sur les entraînements des joueurs. Réponses en cours de saison.