Portsmouth : ce nom rappellera certainement quelque chose aux fans de foot anglais. Ce club de la côte Sud de l’Angleterre, qui représente une ville portuaire d’environ 200 000 habitants, est aujourd’hui en D4. En « LeagueTwo ». Et pourtant, il y a bientôt quatre ans de cela, « Pompey » faisait rêver ses supporters en Premier League, et se payait le luxe d’un déplacement à Wembley, pour y jouer une finale de FA Cup face à Chelsea. Comment ce club en est arrivé à jouer aujourd’hui face à des équipes comme Bury ou Oxford City ?
Sommaire :
Un rêve éveillé
Portsmouth, c’est l’histoire d’un club qui se voulait très ambitieux dans les années 2000. Promu à l’orée de la saison 2003-2004, et après trois saisons particulièrement difficiles à lutter jusqu’à la dernière journée pour le maintien, le club est racheté par un homme d’affaires franco-israélien d’origine russe, Alexandre Gaydamak. Le type en question se montre dès le départ disposé à renforcer l’équipe. Sous la direction d’Harry Redknapp, Portsmouth recrute à tour de bras grâce à la générosité de son nouveau mécène. Lors de l’été précédant la saison 2006-2007, Pompey s’offre les services de Sol Campbell, Glen Johnson, David James, Nwankwo Kanu, Andy Cole, Niko Kranjcar, Djimi Traoré… Excusez du peu.
Les résultats s’améliorent nettement : le club passe du statut de favori à la descente à celui de challenger pour une place en Coupe d’Europe. Finalement, les joueurs de Portsmouth finissent la saison à la 9ème place, à un petit point d’une place européenne. La saison suivante voit le club remporter la FA Cup et lui permet enfin de participer à la coupe de l’UEFA, où il s’illustre en faisant match nul face au Milan de Ronaldinho à Fratton Park.
La victoire en FA Cup parait si lointaine pour Portsmouth
Mauvais payeurs
Oui, mais… Lors de la saison 2008-2009, Harry Redknapp abandonne son poste de manager pour celui de Tottenham. Son adjoint Tony Adams le remplace, mais les résultats ne suivent pas. Le club évite de peu la relégation, malgré l’arrivée de nouveaux joueurs (au hasard Jermaine Defoe ou Lassana Diarra). Les problèmes s’accumulent : le club est placé en redressement judiciaire car le propriétaire semble ne pas être un très bon élève, fiscalement parlant : Alexandre Gaydamak doit plusieurs dizaines de millions de livres au fisc britannique. Ce même Gaydamak qui revend le club une livre symbolique quelques mois plus tard à un consortium venu des Emirats Arabes Unis, et piloté par Sulaiman Al Fahim. Pendant que l’équipe, elle, ne parvient à se hisser qu’à une peu glorieuse 14ème place au classement. Pour diminuer la masse salariale et favoriser des rentrées d’argent, le club vend ses meilleurs joueurs. Les Glen Johnson et autres Niko Kranjcar sont remplacés par Frédéric Piquionne et autres Aruna Dindane.
Pourtant, les finances sont toujours dans le rouge : en octobre 2009, on apprend ainsi par la presse anglaise que plusieurs membres du staff du club et de nombreux joueurs ne sont plus payés. Ce même mois d’octobre voit Portsmouth changer de nouveau de propriétaire : Al Fahim est mis en minorité et Al Faraj, autre homme d’affaires saoudien, prend le contrôle du club.
Sur le terrain, les résultats sont désastreux : l’équipe aligne 7 défaites d’affilée et se retrouve en queue de classement. En Novembre, Avram Grant, l’ancien coach de Chelsea, est engagé pour redresser la barre. Les résultats commencent à s’améliorer, mais il vient alors un problème de taille : devant l’endettement croissant du club, la fédération anglaise interdit tout recrutement lors du mercato d’hiver.
En mars 2010, Portsmouth subit une pénalité de 10 points au classement, en conséquence d’une dette qui devient abyssale et de salaires impayés. Le club est officiellement relégué quelques semaines plus tard. Et les désillusions continuent quand le nouveau propriétaire, Balram Chainrai, annonce que l’entreprise Portsmouth FC accuse un déficit de… 135 millions de livres. Une dette qui menace Pompey de disparition pure et simple.
2010-2012 : Le cauchemar continue
Portsmouth relégué, on se dit alors que le club va enfin pouvoir se refaire une santé et repartir sur des bases saines. Oui, mais les dettes sont toujours là. Les rares recrutements effectués pour renforcer l’équipe ne sont que des seconds couteaux de Premier League, voire de D2. Les résultats s’en ressentent : à la fin de la saison 2010-2011, Portsmouth finit 16ème. Et change de propriétaire, encore.
Cette fois c’est Vladimir Antonov, riche hommes d’affaires russe, qui prend les commandes. Alors que les joueurs s’apprêtent à jouer une seconde saison en D2, les autorités lituaniennes obtiennent la mise en place d’un mandat d’arrêt européen contre Antonov, qui se serait rendu coupable d’opérations financières douteuses. Le sort s’acharne, le club est de nouveau placé sous administration judiciaire, au début de l’année 2012, avec une pénalité de 10 points. L’administrateur en chef, Trevor Birch, déclare que la situation du club est très précaire, avec 60 millions de livres de dettes. Pour un club de Championship, c’est énorme. Invivable même. Et Portsmouth s’effondre sur le plan sportif, puisque sa relégation est actée à la fin de la saison 2011/2012.
L’exercice suivant se fera en League One. Alors, le club se voit obligé de vendre l’ensemble de joueurs sous contrat professionnel. La ligue anglaise s’acharne en pénalisant de nouveau l’équipe de 10 points en championnat. Une équipe qui est constituée de joueurs libres, avec des contrats de courte durée (un ou plusieurs mois) ou de jeunes issus du centre de formation (du moins, ce qu’il en reste). Le nouveau coach, Mickael Appleton, renonce à son poste en novembre 2012, cédant aux sirènes de Blackpool, alors pensionnaire de Championship. Guy Whittingham lui succède. Ancien joueur de Pompey, Whittingham ne parvient pas à redresser la barre : aucune victoire jusqu’en février 2013. Et pourtant, l’équipe parvient à grappiller quelques points en fin de saison. Mais Portsmouth est de nouveau relégué, en LeagueTwo, l’équivalent de la 4ème division française.
Mc Leod marque devant un nombre impressionnant de fans pour de la 4ème division
2013 : la renaissance ?
Alors que sur le terrain l’équipe de Whittingham se bat avec courage malgré la situation plus que précaire du club, dans les coulisses, les supporters s’activent. Hors de question pour eux de voir leur Portsmouth FC disparaitre. Une association de plusieurs centaines de supporters et d’acteurs économiques locaux créé le Portsmouth Supporters Trust (PST) ; une organisation à but non-lucratif, qui se veut démocratique et qui défend l’idée d’une gestion transparente, raisonnée et mutualisée du club par les supporters. Et qui va tenter le rachat pur et simple du Portsmouth FC. Avec l’aide de la municipalité, qui considère le projet comme économiquement viable et qui accorde au PST un prêt à taux préférentiel pour éponger une partie de la dette, ce rachat aura bien lieu : le 10 avril 2013, le PST devient actionnaire majoritaire.
Le contrôle financier sur le club est levé. Portsmouth est tout de même relégué en D4, mais il fait désormais la fierté de ses supporters et de toute une ville. C’est la première fois qu’un club aussi important en Angleterre se voit racheté par ses supporters. Face aux difficultés actuelles des plus grands clubs anglais et européens, qui accumulent des dettes extraordinaires, Portsmouth fait le pari de s’appuyer sur sa ville et sur ses fans.
Et ça marche : malgré une situation financière encore fragile (le club dispose d’un budget encore faible), l’équipe de Whittingham commence enfin à enrayer la descente infernale qui avait commencée trois ans plus tôt. 15ème de LeagueTwo, les premiers résultats positifs arrivent et les supporters sont plus que jamais présents derrière leur équipe, avec une affluence moyenne de plus de 10 000 spectateurs par match. Portsmouth est peut-être en D4, mais il est toujours vivant et propose une autre vision du football. Peut-être seraient-ce les signes d’une renaissance ?