AvideceWopyBalab

Bien loin des mots spécifiques belges connus en France tels que les fameuses « nonante » et « septante », il existe – comme dans le langage courant en Belgique – un véritable lexique pour parler football au Plat Pays. Les belgicismes racontés par le correspondant à RMC et spécialiste du football belge en France, Sacha Tavolieri.

C’est entre deux tweets et une conférence que le jeune journaliste sportif belge Sacha Tavolieri a eu la gentillesse de nous dévoiler l’origine des expressions belges et ses rapports à celles-ci. Originaire de plusieurs régions, la langue belge dispose d’un lexique bien plus vaste et étendu culturellement que le français. Mais en foot ça donne quoi ?

Sacha, qu’et-ce que le belgicisme ?
Sacha Tavolieri : Le belgicisme c’est quelque chose de très vaste. C’est à la fois une culture, une façon de parler, de se présenter et de représenter la Belgique pour les personnes extérieures à ce pays. Personnellement on m’a appris le belgicisme dans mon école de théâtre, parce qu’il fallait impérativement travailler son accent et ses expressions afin de les gommer et qu’elles n’apparaissent pas lorsque j’interprétais une pièce, que ce soit du Tchekhov ou du Molière.

C’est donc ces fameux mots et expressions qui nous font rire, nous Français. Pouvez-vous nous en citer ?
En Belgique on utilise des mots que vous ne dites pas en France, pour exemple les « nonante » et « septante » qui, en France, se disent « Quatre Vingt-Dix » et « Soixante-dix ». Pour le football, il y a le terme « reconversion offensive » que vous n’employez pas du tout mais qui, chez nous, est complètement banal et récurrent. Ici, ce ne sont que des exemples car il y a encore beaucoup de mots qui marquent la différence entre la Belgique et la France dans le lexique. Le terme « back » pour « arrière » (défenseur) est souvent utilisé chez nous. On dit aussi « carte jaune » et non pas « carton jaune » contrairement à la France.

Il y a beaucoup de mots qui marquent la différence entre la Belgique et la France dans le lexique.
Sacha Tavolieri

La reconversion offensive, c’est la « contre-attaque » ?
Exactement. C’est plus précisément ce qu’on appelle l’attaque rapide en France.

On remarque qu’il y a des similitudes avec l’anglais, il y en a-t-il beaucoup de ce genre ou cela provient-il essentiellement du français ?
Tu as des termes comme « GSM » qui est plus proche du langage anglophone et qui, chez nous, signe téléphone portable. Mais on s’éloigne du coté foot. Notre langage est rempli de toutes les langues qui jouxtent la Belgique.

Vous dites que c’est rempli de toutes les cultures qui jouxtent la Belgique, mais est-ce que l’on y trouve des expressions flamandes ou de consonance allemande ?
Bien sûr ! Les Flamands ont leurs expressions en foot comme les wallons également. Et tout cela trouve évidement aussi une racine en Allemagne. Un exemple simple : A Liège une « betchêtte », c’est un pointu. Mais ailleurs en Belgique, on utilise un autre terme.

Il m’est arrivé d’entendre la formule « avoir une galette », cela vous dit quelque chose ?
« Mettre une galette » plus précisément. Ou alors, pour rester dans le registre culinaire, faire « un centre banane » qui signifie un centre enroulé qui se réalise en général lors d’un corner. Et ce en référence aux centres mythiques de Francky Vercauteren, l’actuel coach du Cercle de Bruges en D2 belge mais aussi un mythe chez les Diables Rouges ! Mais on n’utilise jamais ce genre d’expression en France.

En Belgique on dit aussi « botter le penalty », je me rappelle en avoir déjà beaucoup ri dans l’After Foot.

Qui n’a aucun rapport avec l’expression « botter en touche » ?
(il sourit) Non je ne pense pas qu’il y ait un rapport.

Est-ce que cela vous arrive de buter sur vos expressions belges, vous qui résidez à Paris et faites régulièrement des émissions en France ?
Oui, j’ai parfois tendance à dire « Nonante » ou « Carte » au lieu de – respectivement – « Quatre-vingt-dix » et « Carton ». Lorsque cela m’arrive je me fais charrier car, autant cela paraît logique et normal pour moi, autant pour mes amis et collègues français, c’est absolument fantasque. Mais depuis que je vis à Paris j’arrive mieux à maîtriser mes relents de belgicisme.

Avez-vous une anecdote avec ces expressions Sacha ?
Oui, en fait cela concernait les nombres. Un jour j’étais rentré en Belgique et j’avais perdu mon habitude. Le soir j’avais un direct dans l’After sur Tielemans. Je me souviens avoir dit « nonante » au lieu de « quatre-vingt dix » je me souviens que Jonathan (MacHardy) et Jérôme (Rothen) m’avait repris en répétant bien fort « nonante » après que je l’ai dit pour me faire comprendre que je m’étais mal exprimé en direct. Ils m’ont taquiné sur le sujet et quand je me suis réécouté, je me suis bien marré.

Le belgicisme est nourri d’une multitude de langues et de cultures, mais c’est bien son côté francophone aromatisé aux divers parfums wallons, flamands et parfois des pays de l’est qui fait l’étendu de toutes ses particularités ; pourtant au-delà d’une simple différence lexicale, les expressions dites ci-dessus ont plusieurs origines.

Quand bien même extérieur au monde du foot, on peut globalement les regrouper dans deux grandes catégories selon qu’elles tirent leur origine d’une évolution lexicale « interne » (par des procédés identiques à ceux qui commandent la production du lexique français) ou d’apports « externes », (phénomène général de la copie ou de l’emprunt) en provenance soit de variétés régionales du français de Belgique, du flamand (certains parlent alors de « flandricismes ») ou encore du wallon (« wallonismes »).

Selon l’ambassade française à Bruxelles : « Les emprunts au flamand sont facilement reconnaissables lorsqu’ils conservent leur forme d’origine, soit intégralement, soit partiellement avec de légères déformations orthographiques. » Cela confirme donc, dans un sens les copies/emprunts aux cultures déjà implantées en Belgique (ou germaniques) que l’on peut retrouver dans le lexique belge. Mais la France a elle aussi participé à ce développement du belgicisme ; en effet, c’est indirectement qu’elle a hérité de certains termes, encore aujourd’hui utilisés dans le monde du foot. Le « tos » et un « tifo » sont des belgicismes d’origines wallons ou flamands courants en France. « Commettre un attentat » (qui signifie : faire une énorme faute.) est, malgré ses allures et sa signification bien française, un belgicisme parmi tant d’autres. Mais voilà ; il provient simplement du lexique du français « commun » comme appelé en Belgique.