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La Juventus conserve sa couronne. Mais si tous les pronostiqueurs l’avaient dit, on a quand même eu du suspense cette saison. Et si on ne se rappelle que des vainqueurs dans le temps, au moment présent, l’émotion n’est-elle pas finalement ce qu’il y a de plus important en football ?

La Juventus, encore et toujours

La Juventus est une vieille dame cruelle. Non contente de gagner chaque année, elle s’amuse désormais avec les sentiments de ses concurrents, en leur offrant de l’espoir pendant des mois, pour finalement les ramener à une triste réalité : à la fin, c’est toujours à Turin qu’on retrouve les champions. Plus cohérente que toutes les autres formations, la Juve s’appuie sur un collectif où même Dybala, probablement le joueur le plus talentueux du championnat, peut prendre place sur le banc sans trop affecter les résultats. Chef d’un groupe où tout le monde a un rôle à jouer, et où personne n’est supérieur à son voisin, comme en témoigne le départ finalement sans conséquence de Bonucci, Allegri est finalement l’homme du titre en Série A.

Derrière, si le duel avec Naples a été grandiose (cf coup de cœur), la déception prédomine chez les autres. Sur le papier, la Roma, l’Inter Milan ou l’AC Milan doivent faire mieux, que ce soit au niveau des résultats mais aussi et surtout en termes de jeu. Heureusement que l’Atalanta et la Lazio ont proposé de belles choses, même si les Romains se sont essouflés. Côté déception, on citera la Fiorentina et le Torino, même si nos attentes étaient probablement trop élevées. Dommage pour le Torino que Belotti ait perdu la clé, car il a un rôle prédominant chez le Toro. Parmi les relégués, on retiendra que Benevento a au moins eu la chance de profiter de Diabaté quelques mois. S’ils l’avaient pris dès l’été, et non lors du mercato hivernal, qui sait s’ils n’auraient pas pu sauver leur peau ?

Le meilleur joueur : que donnerait Icardi dans une vraie équipe ?

Il y a les chiffres, d’abord : 29 buts en championnat, dont 12 lors des 9 dernières journées, au moment où ça compte le plus. Si on excepte les matches face à l’Udinese et la Juventus, l’Inter Milan a obtenu au moins un point à chaque fois qu’il a marqué. Ce serait un doux euphémisme de dire qu’Icardi porte son équipe sur ses épaules depuis plusieurs années déjà. A seulement 25 ans, l’ignoré de la sélection, le mal-aimé du football argentin, celui qui termine avec la femme de son ancien coéquipier et mentor, ou qui menace parfois ses propres fans, sera toujours incompris. Mais si on parle strictement du terrain, il n’y a rien à redire sur lui. Icardi est depuis plusieurs saisons une référence en numéro 9, en compagnie de Lewandowski, Suarez, Benzema, Higuain, Agüero ou Cavani. Pied droit, pied gauche, tête, jeu en pivot, pressing intelligent, technique sûre, maîtrise de son corps pour marquer en position acrobatique : l’Argentin sait tout faire. Son triplé lors du derby remporté 3-2, avec le KO dans les derniers instants, est peut-être la meilleure performance individuelle d’un joueur en Série A cette saison. Alors certes, il n’a encore jamais joué la Ligue des champions, et ne sera pas à la Coupe du monde. Mais occulter son niveau de jeu serait pure hérésie.

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La recrue de l’année : Douglas Costa, jambes de feu et frappe de mule

Il a gagné sa place en cours de saison, pour finalement devenir une évidence dans le onze de départ de la Juventus. Douglas Costa, parti du Bayern avec une étiquette de joueur de cirque, a mis de l’eau dans son vin aux côtés du maître Allegri, pour apprendre à utiliser à bon escient ce qui a toujours fait sa force : des jambes de feu qui n’ont pas beaucoup d’équivalent au monde. Malgré la concurrence de Bernardeschi ou Cuadrado, le Brésilien a su faire son trou, et devenir un pari gagnant pour le club turinois, qui a levé l’option d’achat sur le joueur. Les fans de la Vieille Dame n’ont donc pas fini d’admirer ces rushs irréels et ces frappes de mule, symboles d’un football joué à fond, sans compromis.

Le joueur qui a le plus progressé : Milinković-Savić, devenu patron

Il est devenu la nouvelle hype de la Série A. Milinković-Savić est devenu le patron de la Lazio Rome, qui a séduit l’Italie des mois avant de craquer dans le sprint final. Personne n’en tiendra rigueur au Serbe, auteur de 12 buts en championnat, et dont le niveau de jeu est resté élevé toute la saison. Habile des 2 pieds, costaud dans les duels, Sergej dispose aussi et principalement d’un excellent sens du jeu, puisqu’il n’est pas rare de le voir régaler ses attaquants par des passes bien senties. Techniquement, il n’est pas assez flamboyant pour déclencher l’admiration du grand public. Pourtant, tout ce qu’il fait est simple et propre, sans esbrouffe mais avec efficacité. Gageons qu’un transfert vers un club plus médiatisé lui donnera une exposition supérieure, et méritée.

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L’espoir : Chiesa, le soleil de la Viola

On ne sait pas trop expliquer pourquoi, mais certains joueurs sont enthousiasmants. Les voir jouer donne le sourire, et l’envie d’en voir plus. C’est le cas de Chiesa à la Fiorentina. Comme son père Enrico, qui a servi la Viola avant lui, Federico fait parler son inspiration pour faire lever les foules. Technique, rapide, et déjà lucide devant le but, le numéro 25 dispose d’une belle palette dans la finition, puisqu’il peut à la fois frapper fort et en finesse, comme en témoigne ses spectaculaires réalisations. Trimballé de position en position, Chiesa cherche encore le poste qui pourra lui permettre d’utiliser à bon escient son talent. S’il est correctement entouré, il pourrait devenir la nouvelle pépite du football transalpin. Il est en tout cas le joueur offensif le plus prometteur du pays depuis Del Piero et Totti.

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Le coup de cœur : Naples nous a fait vibrer

Naples a réalisé un parcours magnifique en Série A, quitte à délaisser l’Europe cette saison. Et pendant longtemps, comme rarement ces dernières saisons, on a cru que quelqu’un allait mettre un terme au règne de la Juventus. On avait tous les ingrédiens d’un story telling émouvant et aux antipodes du football business : un football offensif et chantant, sous la houlette de Sarri, un druide qui bonifiait ses joueurs, quelques joueurs bien talentueux comme il faut (Mertens, Hamsik, Milik), une idole locale (Insigne), des soldats dont personne ne parle jamais (Koulibaly, Jorginho, Allan), des revanchards qui n’ont pas réussi dans le gratin européen (Callejon, Albiol) et un public bouillant. 91 points, ça aurait pu suffire, mais pas face à la Juventus. Pourtant, on y a cru, jusqu’au bout, surtout lors de cette 34e journée où Naples est allé gagner à Turin pour montrer qu’ils ne lâcheraient rien. Puis, ils ont finalement eu un contrecoup. L’expérience dans la gestion du sprint final n’est pas la même des 2 côtés, et les romantiques en auront pour les frais. C’est la Juve qui gagne à nouveau. Mais parce qu’on a cru à quelque chose, on remercie tout de même Naples de nous avoir offert l’essentiel dans le football : du rêve. Au tour d’Ancelotti de jouer.

Le flop : l’AC Milan, une année de transition

En début de saison, certains voyaient déjà l’AC Milan rivaliser avec la Juventus pour la course au titre. Sans aller jusque-là, car on sait qu’une équipe prend un peu plus que les quelques semaines de préparation d’avant-saison pour se former, on imaginait un peu mieux que ce qu’on a vu. La symbolique était forte avec le transfert de Bonucci : titulaire indiscutable chez la Vieille Dame avant ses querelles avec le coach, il acceptait de rejoindre le club lombard, qui ne jouait pas la Ligue des champions contrairement à d’autres prétendants (Chelsea notamment). Mais la saison de transition a été plus dure que prévu. Avec son lifting presque complet du onze, l’AC Milan a passé son temps à se chercher, jusqu’à finalement abandonner Montella et le remplacer par Gattuso. Le travail effectué par l’ancien pitbull italien a été prometteur pour la saison prochaine, à condition qu’il puisse travailler sereinement et dans la durée. Car aussi on soit-il, Cutrone ne peut décemment pas être l’attaquant numéro 1 d’une équipe ambitieuse sur le plan européen. Tout le monde doit jouer à son meilleur niveau, l’alchimie doit prendre, afin que les Lombards puissent se battre pour le titre. Ils ont déjà l’effectif pour, aussi bien en qualité individuelle qu’en profondeur de banc, à eux de jouer maintenant. Une autre saison de ce niveau remettrait sérieusement en doute le nouveau projet rossonero.

Et l’année prochaine ?

Les clubs transalpins devront aussi exister à l’échelle européenne. Si on exclut la Juventus, peu de clubs italiens ont trusté les derniers tours cette saison. Cette situation est comparable à celle rencontrée par le club parisien en France, où un gros club (le PSG) parvient à tirer son épingle du jeu dans un championnat où les suiveurs ont déjà du mal à combattre à l’échelon national. Hervé Mathoux, l’actuel ambassadeur et analyste de BetStars, avait alors résumé la situation du PSG : « Le problème c’est de savoir si Paris est capable d’éliminer une équipe du top 4 européen. » Idem pour la Juventus, qui devra de nouveau apprendre à sortir des gros d’Europe, même après avoir été à deux doigts de l’exploit avec le Real Madrid cette saison.